Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : en Ile-de-France, le dépistage explose en vol

Août 2020, par Info santé sécu social

Par Nathalie Raulin — 3 août 2020

Malgré de grandes ambitions, les centres de test ont été saturés faute de moyens et en raison d’une forte demande de voyageurs.

Standards des laboratoires saturés, queues interminables devant les centres de prélèvement : se faire tester au Covid en France relève toujours du parcours du combattant, surtout dans les zones en tension comme la région parisienne ou la Mayenne. « Entre le 22 et le 28 juillet, 121 584 prélèvements ont été réalisés en Ile-de-France, soit près du quart des prélèvements effectués sur l’ensemble du territoire (529 689), précise le Dr Jean-Claude Azoulay, président de l’URPS Biologie d’Ile-de-France. Ce qui nous a mis dedans, c’est l’exigence des compagnies aériennes de présenter un test négatif remontant à moins de 72 heures avant l’embarquement : cela représente la moitié des demandes. » Sur Paris et la petite couronne, il n’en fallait pas davantage pour « emboliser » une filière fortement sollicitée.

« On souffre d’un manque de concertation, tacle Lionel Barrand, président du Syndicat des jeunes biologistes médicaux (SNJBM). Courant juillet, l’ARS Ile-de-France ne nous a prévenus que trois jours avant de son intention d’envoyer 1,3 million de bons pour test dans 23 villes d’Ile-de-France ! Résultat : les demandes de rendez-vous ont explosé dans les laboratoires parisiens au point qu’on ne les a toujours pas éclusés ! » Avec la parution le 1er août du décret permettant à tout assuré social de se faire tester gratuitement sans ordonnance, y compris en l’absence de symptôme, la demande reste soutenue, et les laboratoires à la peine. « On est sur le pont depuis quatre mois et nos équipes sont au bord du burn-out, s’inquiète Kim Nguyen, associé au laboratoire Biosmose qui exploite 15 sites en Ile-de-France. Avec les vacances, on a 15 % de personnel en moins et on ne trouve pas à recruter d’infirmières libérales en août. »

Réseau spécifique.
En élargissant le 25 juillet aux infirmiers, étudiants en médecine ou secouristes, la liste des professionnels habilités à pratiquer des tests, le gouvernement a un peu soulagé les laboratoires. Pas assez pour calmer les esprits. « Le téléphone n’arrête pas de sonner, poursuit Nguyen. Au secrétariat, on essaie de faire passer en priorité des patients présentant des symptômes du Covid. Mais pour peu qu’ils aient un avion à prendre, beaucoup de gens mentent… » De quoi laisser craindre que les vrais malades renoncent, eux, à se faire tester.

Consciente du risque, l’ARS d’Ile-de-France cherche la parade. « Vendredi, on m’a contacté pour aider à la mise en place d’un réseau spécifique, sécurisé et rapide, de tests pour les patients symptomatiques ou contacts, indique le Dr Azoulay. D’ici une semaine, les médecins qui diagnostiquent un risque Covid pourront contacter une plateforme téléphonique qui obtiendra un rendez-vous dans les 24 heures à leur patient, à proximité de son lieu de résidence. Les enquêteurs de la Cnam [assurance maladie, ndlr] pourront faire de même pour les cas contacts. »

Asymptomatiques.

Pour les syndicats de biologistes, c’est l’ensemble de la doctrine qu’il s’agit d’adapter. Avec la reprise de l’activité des blocs opératoires des cliniques, leur charge de travail ne fait que croître, rendant les demandes de tests toujours plus pesantes. « Dans les zones où le virus circule et où les ressources humaines manquent, le gouvernement doit édicter une doctrine plus restrictive, de sorte à ce que l’on puisse prioriser les prélèvements, estime-t-on au SJBM. Même s’il est souhaitable de dépister au maximum pour repérer les asymptomatiques, il faut faire preuve de pragmatisme. » D’autant que le dépistage de masse se révèle souvent décevant. A Savigny-sur-Braye (Loir-et-Cher), sur 800 tests pratiqués, un seul s’est révélé positif. A Montargis (Loiret), sur 4 500 prélèvements, deux l’étaient.

« Si le gouvernement veut continuer à dépister à grande échelle, il faudra mettre en adéquation l’objectif et les moyens alloués, insiste François Blanchecotte, du Syndicat des biologistes. Pour des raisons de sécurité sanitaire, les salles d’attente des labos sont contingentées, d’où les queues sur les trottoirs. Pour dépister plus et plus vite, il faudrait donc installer des lieux où les gens puissent se garer pour éviter les embouteillages, et embaucher davantage de personnel. Passé un certain seuil de demandes, les labos et même les drives ne sont plus des lieux de prélèvement adaptés, une capacité d’accueil bien plus importante est nécessaire. »