Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Le nouveau protocole sanitaire de Blanquer ne satisfait pas les syndicats

Août 2020, par Info santé sécu social

27 AOÛT 2020 PAR FAÏZA ZEROUALA

Le ministère de l’éducation nationale a publié jeudi 27 août un nouveau protocole sanitaire. Ces six pages préconisent l’accueil du maximum d’élèves et n’imposent que l’obligation du port du masque par les adultes et les élèves dès l’âge de 11 ans.

Il fut un temps où le protocole sanitaire à destination des établissements scolaires, en vue du déconfinement, comptait une soixantaine de pages. Aujourd’hui, quelques jours avant la reprise, un nouveau protocole a été publié par le ministère de l’éducation nationale, mais il a subi une sacrée cure d’amaigrissement.

Les nouvelles consignes tiennent en effet en six pages seulement. Elles se résument peu ou prou à accueillir un maximum d’élèves et au port du masque pour les adultes et les élèves au collège et au lycée. « Le principe est celui d’un accueil de tous les élèves, à tous les niveaux et sur l’ensemble du temps scolaire, dans le respect des prescriptions émises par les autorités sanitaires », peut-on y lire.

Dans le cadre du dispositif « Vacances apprenantes », Jean-Michel Blanquer s’est rendu dans une école à Montataire qui accueille pendant deux semaines une quarantaine d’élèves. © Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Dans le cadre du dispositif « Vacances apprenantes », Jean-Michel Blanquer s’est rendu dans une école à Montataire qui accueille pendant deux semaines une quarantaine d’élèves. © Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Les parents sont considérés comme des acteurs incontournables. « Ils s’engagent à ne pas mettre leurs enfants à l’école, au collège ou au lycée en cas de fièvre (38 °C ou plus) ou en cas d’apparition de symptômes évoquant le Covid-19 chez l’élève ou dans sa famille. » Ils ont la possibilité de déposer leurs enfants dans les locaux à condition d’être masqués et de respecter la distanciation.
En revanche, dans les espaces clos (salles de classe, ateliers, bibliothèques, réfectoires, cantines, internats, etc.), « la distanciation physique n’est pas obligatoire lorsqu’elle n’est pas matériellement possible ou qu’elle ne permet pas d’accueillir la totalité des élèves. Néanmoins, les espaces sont organisés de manière à maintenir la plus grande distance possible entre les élèves ».

Le protocole précise que « le port d’un masque “grand public” est obligatoire pour les personnels en présence des élèves et de leurs responsables légaux ainsi que de leurs collègues, tant dans les espaces clos que dans les espaces extérieurs ».

Pour les élèves, le port du masque est « à proscrire » en maternelle et « pas recommandé » en élémentaire. Sur ce point, l’OMS explique qu’il est possible de le porter dès l’âge de six ans si la situation sanitaire s’y prête et si les enfants parviennent à le conserver. Les collégiens et les lycéens devront se couvrir le nez et la bouche en permanence « dans les espaces clos ainsi que dans les espaces extérieurs ».

Les élèves en sont toutefois exemptés lors de certaines activités précises. « Bien entendu, le port du masque n’est pas obligatoire lorsqu’il est incompatible avec l’activité (prise de repas, nuit en internat, pratiques sportives, etc.). Dans ses [sic] situations, une attention particulière est apportée à la limitation du brassage et/ou au respect de la distanciation. »

Le protocole pour le premier et le second degré impose un lavage des mains pendant 30 secondes à l’arrivée, avant chaque repas, après être allé aux toilettes, avant de rentrer chez soi ou dès le retour au domicile. Encore faut-il que les établissements scolaires possèdent suffisamment de sanitaires et de savons...

Dans cette version du protocole, éviter le brassage entre groupes d’élèves « n’est pas obligatoire » mais limité « dans la mesure du possible ».

Le nettoyage des locaux est préconisé au minimum une fois par jour, là où en sortie de confinement il avait lieu plusieurs fois par jour avec une insistance sur les éléments fréquemment touchés par les élèves et les personnels comme les poignées de porte par exemple. La ventilation des locaux doit être « la plus fréquente possible » pendant au moins quinze minutes, pendant les récréations ou toutes les trois heures.

Ce protocole semble bien léger au regard de la situation, alors que tout indique une reprise des contaminations. Dix-neuf nouveaux départements sont désormais en « rouge », ce qui correspond à des zones de circulation active du virus. De son côté, la ministre de l’enseignement supérieur Frédérique Vidal a annoncé ce jeudi sur BFMTV que le masque serait obligatoire « pour tous et partout dans les établissements d’enseignement supérieur ».

Invité de Franceinfo le 24 août, le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy a d’ores et déjà prévenu : « Il y aura des enfants qui vont se contaminer et il y aura probablement quelques enseignants qui vont se contaminer. Et on va le gérer. »

C’est le cas à la Réunion notamment, où la rentrée est d’ores et déjà perturbée. Les élèves ont repris le chemin de l’école le 17 août. À Saint-Denis, Saint-Paul et dans d’autres villes de l’île, une trentaine d’élèves ont été testés positifs au Covid-19 depuis la semaine dernière, rapporte Franceinfo. Des classes ont été fermées et des élèves isolés. Pour toutes ces raisons, les organisations syndicales demandent au ministre de prendre la mesure de la situation.

Mercredi, lors de sa traditionnelle conférence de presse de rentrée, le ministre de l’éducation nationale avait voulu absolument s’autopersuader que cette reprise allait être aussi normale que possible. Ainsi a-t-il rechigné à livrer des détails sur les procédures à mettre en œuvre en cas de contaminations en milieu scolaire.

Jeudi, lors d’une conférence de presse conjointe avec Jean Castex, le premier ministre, et Olivier Véran, son collègue de la santé, il a expliqué qu’il n’était « pas prévu de mesures d’ordre général » mais « des mesures localisées, avec les préfets, les services des Agences régionales de santé [ARS], les recteurs, pour que se déclenche immédiatement une procédure calée avec le ministère de la santé ».

En cas de suspicion dans un établissement scolaire, il faudra isoler la personne qui présente des symptômes, remettre la liste des personnes contacts à l’ARS, effectuer un dépistage rapide et systématique des cas contacts ; ces résultats pourront ensuite « amener les autorités sanitaires, préfectorales et scolaires à envisager des mesures éventuelles et temporaires d’une ou plusieurs classes voire d’un établissement », a détaillé M. Blanquer.

Dans ce cas-là, des enseignements à distance seront dispensés. Des précisions devraient être données dans les jours à venir. Rien de plus que ce que le locataire de la rue de Grenelle avait déclaré la veille ou le matin même sur France Inter.

Le ministère distille petit à petit les informations, ce qui a le don d’agacer le Snuipp-Fsu, le principal syndicat des enseignants du premier degré. Pour Guislaine David, la nouvelle porte-parole, « le ministre ne prend pas la mesure de la situation ». « Il ne suffit pas d’écrire un plan pédagogique pour qu’il se mette en œuvre. L’école de demain ne pourra pas être celle d’hier. C’est comme s’il n’en avait pas du tout conscience », a-t-elle déclaré mardi.

La responsable syndicale déplore la légèreté des préconisations et l’abandon de certaines pratiques mises en œuvre en mai et en juin. « Il n’est même pas exigé d’éviter que les classes se croisent ! Il faut empêcher le brassage si on veut éviter les fermetures des établissements en entier. »

Elle demande aussi que la désinfection des locaux et des surfaces en contact avec les élèves soit plus fréquente. Guislaine David notait également qu’il n’y avait pas eu de travaux cet été dans les établissements scolaires pour créer davantage de points d’eau, indispensables pour un lavage des mains régulier. « Le protocole ne permet pas une rentrée sereine », a estimé Guislaine David.

Le Snalc n’est pas plus satisfait et pointe dans un communiqué le « flou » du protocole et des directives de l’éducation nationale. « Si le Snalc n’a pas demandé un protocole de 60 pages comme on a pu le connaître par le passé, il estime que ce dont nous disposons actuellement est léger, et fait porter une part importante de responsabilités sur les personnels. »

Le syndicat, très implanté dans le secondaire mais minoritaire, se demande ce qu’il sera possible de faire en éducation physique et sportive ou en éducation musicale. Quid des chorales ?

Et, en cas de fermeture de classes ou de besoin de limiter le nombre d’élèves présents, le Snalc s’interroge : « Si la situation sanitaire se dégrade, ce sera une nouvelle fois le règne de la débrouille, et il faudra chercher (sans être sûr de les trouver) des lieux autres que le domicile de l’élève pour que ce dernier puisse travailler. »

Le Snes-Fsu, principal syndicat du secondaire, n’est pas plus rassuré. Sa porte-parole Frédérique Rolet plaide pour que le ministre prenne la mesure de la situation : « Il est urgent d’être responsable. Il ne faut pas seulement assurer la rentrée mais l’année de façon sûre. »

Elle déplore que les collectivités locales doivent assumer la sécurité des établissements, faute de pilotage central. Leurs moyens sont disparates, pointe-t-elle. Sophie Vénétitay, secrétaire adjointe du Snes-Fsu et professeur de SES, renchérit : « Le protocole est trop léger et laisse de côté toute une partie des situations, tout ce qui se passe en dehors de la classe. »

Elle déplore le manque de règles précises sur l’aération, l’emprunt des livres au CDI ou encore la demi-pension. Elle reconnaît que ce dernier point est une question épineuse et complexe. Mais qu’étaler les services est indispensable pour limiter les brassages.

« Ce protocole ne permet pas de sécuriser les élèves et de faire de la prévention. Les plans sont dans les tiroirs mais on ne les a pas vus. Si dans dix jours il y a une circulation encore plus active du virus et qu’il y a un accueil plus dégradé, on aimerait savoir comment cela va se passer mais nous n’avons pas été associés à une forme de stratégie de gestion d’une éventuelle crise. On aurait aimé une réunion pour en discuter », poursuit encore Sophie Vénétitay.

Rendez-vous à la rentrée pour voir si ces mesures jugées insuffisantes par les syndicats auront besoin d’être adaptées ou améliorées.