Perte d’autonomie, “dépendance”

Le Monde - « Tout ne peut plus reposer uniquement sur les aidants », celles et ceux qui s’occupent de personnes en situation de dépendance

Octobre 2020, par Info santé sécu social

Spécialiste de la question de la perte d’autonomie des personnes âgées, Annie de Vivie estime que la politique du gouvernement en la matière manque encore d’ambition, à l’occasion de la Journée nationale des aidants, mardi.

Propos recueillis par Marie Pellefigue Publié le 05/10/2020

Le gouvernement a eu beau annoncer des mesures pour les aidants et la création d’une cinquième branche de la Sécurité sociale consacrée à l’autonomie, le compte n’y est toujours pas pour Annie de Vivie, gérontologue, fondatrice du site d’information destiné aux seniors et à leurs aidants Agevillage.com et autrice de J’aide mon parent à vieillir debout (Chronique sociale, 2017).

Le « plan aidants » présenté fin 2019 a-t-il permis d’améliorer le quotidien des personnes en perte d’autonomie et de leurs proches ?
Annie de Vivie : Pas vraiment. Depuis un an, la situation s’est même dégradée. La crise sanitaire actuelle a mis en lumière le manque de personnel nécessaire pour prendre soin correctement des personnes fragilisées, notamment dans les structures d’accueil et de relais. Et il a fallu attendre près d’un an pour que les décrets d’application du congé de proche aidant, prévu par ce plan, sortent. Manifestement, les autorités n’ont pas pris conscience de l’urgence…

Pourtant, en 2030, la génération du baby-boom entrera dans le quatrième âge. Il faut créer une politique consacrée à la perte d’autonomie, structurer l’aide au niveau national tout en créant un écosystème autour des aidés. Tout ne peut plus reposer uniquement sur les aidants.

Le gouvernement a quand même fait voter en juin le principe d’une branche « autonomie » de la Sécurité sociale…
Il s’agit d’une avancée réelle. Le gouvernement admet enfin que le risque lié à la situation de perte d’autonomie va intégrer la solidarité nationale. Un « aidé » pourrait donc bénéficier d’une couverture spécifique, au même titre qu’un retraité, un chômeur, une femme enceinte ou un malade. Mais il faut aller au-delà d’une simple reconnaissance, avec des moyens suffisants pour financer tous les besoins du cinquième risque.

Quel dispositif financier préconisez-vous ?

Il faut créer une prestation unique de perte d’autonomie, versée quel que soit l’âge, le handicap ou la pathologie de la personne. Son montant pourrait varier selon certains critères (évolution de la situation, revenus, etc.).

Actuellement, le système est totalement morcelé, donc illisible. Un enfant handicapé relève par exemple de certaines structures et mécanismes, qui changeront à l’âge adulte et à nouveau après 60 ans. Pourquoi devoir, à différents moments de sa vie, passer d’un système à un autre, pour recevoir une prestation différente, alors que sa situation personnelle – la perte d’autonomie – n’a pas évolué ? Cela n’a aucun sens. D’autant que chaque nouvelle étape crée une situation d’attente de plusieurs mois et fragilise ainsi les personnes vulnérables et leur entourage.

Quelles mesures, selon vous, s’imposent pour les professionnels ?
Il est plus que nécessaire de renforcer l’attractivité des métiers liés à la dépendance. Cela passe par la création d’une filière ou de formations spécifiques. Il est impensable d’envoyer des salariés assurer de l’aide au quotidien sans les avoir préparés à ce qui les attend. Pour qu’ils sachent comment réagir face à telle ou telle pathologie, il faut les former.

L’aide à la personne demande une expertise et un savoir-faire très fin, très technique, ce que les politiques n’admettent toujours pas. Cela conduit à mettre en échec certains professionnels. En leur donnant les bons outils, leur quotidien et celui des aidés comme des aidants seraient améliorés.