Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Déconfinement : un virage toujours risqué pour le gouvernement

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Déconfinement : un virage toujours risqué pour le gouvernement

Par Lilian Alemagna — 18 novembre 2020

Comme Edouard Philippe début avril, Jean Castex doit piloter un tournant délicat : offrir des perspectives sans déclencher un relâchement général.

Le déjà-vu est saisissant : un Premier ministre, en soirée, s’adressant à des députés depuis une salle de l’Assemblée nationale, qui prononce un peu trop tôt le mot « déconfinement ». C’était le 1er avril. Edouard Philippe, interrogé en visioconférence par une mission d’information parlementaire sur l’épidémie de Covid-19, avance pour la première fois le terme et ajoute qu’il est « probable » qu’il ne se fasse pas « en une fois et pour tout le monde ». Le lendemain, le Premier ministre d’alors nommait Jean Castex à la tête d’une équipe chargée, justement, de préparer cette sortie « progressive » du premier confinement.

Mardi soir, ce même Castex, qui a remplacé depuis Philippe à Matignon, s’est retrouvé dans une salle semblable du Palais-Bourbon devant des députés, cette fois-ci physiquement présents mais tous masqués. Et il en est arrivé à la même étape de gestion de crise de l’épidémie que son prédécesseur : offrir une perspective à des Français priés de rester chez eux pour stopper la propagation du virus… sans toutefois donner le signal que la deuxième vague est terminée et qu’il est désormais possible de vivre normalement. Etape de transition délicate pour la communication du pouvoir.

« On est loin du déconfinement »

Au printemps, à peine Edouard Philippe avait prononcé le mot de « déconfinement » devant les députés qu’il s’était empressé de refroidir tout le monde le lendemain sur TF1 : « Le déconfinement, ça n’est pas pour demain matin », déclarait-il à l’époque. Rebelote donc pour Jean Castex. Moins de vingt-quatre heures après avoir évoqué une « sortie progressive » de ce « nouveau confinement », précisant bien que ce ne serait pas « un retour à l’ante-confinement » avec le maintien de « dispositions de freinage », l’actuel Premier ministre a envoyé à la sortie du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, doucher les espoirs de réouvertures très rapides de commerces ou bien de la fin des attestations de déplacement : « Nous ne sommes pas du tout au déconfinement, on en est même loin, a déclaré l’ancien socialiste. On parle d’une adaptation éventuelle du confinement à partir du 1er décembre si la situation sanitaire nous le permet. »

Et pour l’instant, si la « décroissance », comme le dit le ministre de la Santé, Olivier Véran, est amorcée en ce qui concerne le nombre de contaminations quotidiennes recensées, ce n’est pas encore le cas - décalage dans l’évolution de cette maladie oblige - pour les entrées en réanimation ou bien les sorties de patients. « Nous sommes encore très loin d’avoir gagné la guerre face au virus », a ajouté Attal, insistant sur la nécessité politique de « ne pas donner le sentiment que la crise est derrière nous ».

Des commerces rouverts dès le 28-29 novembre ?

Le message vaut donc pour Bruno Le Maire. Depuis plusieurs jours, le ministre de l’Economie pousse pour une réouverture dès le début de semaine prochaine pour les petits commerces dotés d’un « protocole sanitaire renforcé ». Mais ce mercredi au Sénat, il a dû se rendre à l’évidence. Difficile d’envisager un lever des rideaux métalliques avant le 27 novembre, date du Black Friday organisé par les plateformes internet. « Est-ce que vraiment, vendredi prochain, c’est la bonne date pour organiser un Black Friday ? Ma réponse est non », a lancé le ministre, réclamant de la grande distribution et du commerce en ligne qu’ils « examine[nt] toutes les possibilités de décaler cette opération qui n’a pas de sens dans les circonstances actuelles ».

Manière d’avouer, aussi, que Bercy ne croit plus trop à une réouverture rapide. Maigre motif d’espoir, le petit changement sémantique de Castex mardi soir devant les députés. Alors qu’il n’envisageait pas, jusqu’ici de réouverture de ces boutiques dites « non essentielles » avant le 1er décembre, le Premier ministre a parlé d’une autorisation possible « autour » de cette date. Ce qui laisse un espoir à ces commerçants de pouvoir vendre le dernier week-end de novembre et d’en avoir donc quatre avant les fêtes de Noël. Mais Castex ne peut être plus précis : non seulement parce qu’il a trop peu de visibilité sur l’évolution de l’épidémie alors que les températures sont appelées à baisser en fin de semaine, mais aussi parce qu’il a compris le message : les bonnes nouvelles, c’est pour l’Elysée. Pas pour lui.

Lilian Alemagna