Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Stratégie vaccinale anti-Covid : une esquisse qui laisse encore des zones de flou

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Paris, le vendredi 4 décembre 2020

En conférence de presse gouvernementale, le Premier ministre Jean Castex a présenté hier soir aux Français sa stratégie de vaccination anti-Covid 19. La campagne, qui devrait commencer dès janvier 2021 est largement inspirée des recommandations de la HAS (Haute autorité de santé).

Trois étapes pour une campagne
La première étape de cette opération d’ampleur doit débuter début janvier, avec la réception des premiers vaccins. Ils seront d’abord réservés aux personnes âgées en établissement et aux personnels qui y travaillent et qui présentent des facteurs de risque. Cela représente « environ 1 million de personnes, soit la quantité de vaccins livrés pendant ce mois de janvier » a indiqué Jean Castex.

Olivier Véran a par la suite justifié ce choix : si ce sont d’abord ces personnes et non tous les plus de 80 ans qui sont concernés par cette première étape, c’est parce que « la vie en collectivité les expose davantage au coronavirus ».

Puis « le périmètre de vaccination sera élargi au fur et à mesure » et une deuxième phase commencera en février, et concernera « environ 14 millions de personnes à risque, à cause de leur âge ou d’une pathologie, ainsi que certains personnels de santé ». Plus en détail il s’agira des plus de 75 ans dans un premier temps, puis des plus de 65 ans, des porteurs de maladies chroniques et des personnels soignants.

Toutes ces « personnes prioritaires se verront proposer une consultation en amont, pour vérifier leur état de santé et les informer sur le vaccin, avant de recueillir leur consentement. Cette consultation pourra, dans certains cas, donner immédiatement lieu à la vaccination. Pour les Ephad, les familles seront étroitement associées » a précisé Olivier Véran.

Enfin, la phase 3 pourrait s’enclencher « au printemps », avec l’ouverture de la vaccination « à toute la population ». Passeront en premier « les 50-64 ans, les personnels essentiels (sécurité, éducation, alimentation), les personnes vulnérables et précaires, et enfin le reste de la population majeure », a expliqué Oliver Véran. Concernant les moins de 18 ans, leur vaccination n’est pas à l’ordre du jour, les essais de phase 3 déposés pour les demandes d’AMM excluant les mineurs (la question de la vaccination des moins de 18 ans souffrant de pathologie chronique devra pourtant être traitée rapidement).

Pour mener à bien cette campagne, 6 contrats d’approvisionnement permettront à la France de disposer de « 200 millions de doses, qui permettraient de vacciner 100 millions personnes » selon Jean Castex (soit bien plus que la population adulte française pour laquelle 100 millions de doses seraient largement suffisantes même si l’on admet que tous les adultes souhaiteraient se vacciner !). Les deux premiers vaccins disponibles seront ceux de Pfizer/BioNtech et de Moderna. Le Premier ministre a ensuite rappelé que la vaccination « ne sera pas obligatoire », mais il a incité les Français à être « les plus nombreux possibles » à se faire vacciner, « un acte altruiste » pour « protéger les autres ». De plus, cet acte sera gratuit, le gouvernement ayant prévu « 1,5 milliard euros, inclus dans le budget 2021 de la Sécurité sociale ».

Sécurité, transparence, proximité
Le fait qu’il soit possible de commencer une campagne de vaccination seulement un an après l’apparition du virus inquiète la population reconnaît Jean Castex. « Ce délai bref ne signifie en aucun cas que nous nous serions précipité. C’est le fruit d’un effort scientifique et de recherche sans précédent. Plusieurs centaines de projets fondés sur des techniques différentes ont été menés en même temps », a-t-il rappelé.

Pour autant, face aux « réticences et aux craintes exprimées par certains », le chef du gouvernement a souligné que la stratégie vaccinale française était centrée « autour de trois impératifs : la sécurité, la transparence et la proximité ». Aucune vaccination ne pourra ainsi être lancée sans l’aval de la Haute autorité de Santé, tandis qu’une cellule dédiée de pharmacovigilance sera mise en place à l’Agence nationale de sécurité du médicament. Enfin, Jean Castex compte sur la proximité et « chacun devra pouvoir se faire vacciner par un professionnel de santé à coté de chez lui, qu’il connaît et en qui il a confiance, en particulier les médecins traitants (…) il est souhaitable que le médecin généraliste soit au cœur du dispositif ».

Autre gage de transparence, le plan du gouvernement sera présenté au Parlement dans les jours à venir « dans le cadre d’un débat prévu par l’article 50-1 de la Constitution », qui peut impliquer un vote mais n’engage pas la responsabilité du gouvernement.

Monsieur vaccin
Un « conseil d’orientation de la stratégie de vaccination » verra également le jour pour aiguiller le gouvernement. Constitué de quatre comités (d’experts scientifiques, de professionnels de santé, de représentants des collectivités territoriales, de représentant des associations de patients et des citoyens), il sera présidé par Alain Fischer, immunologue de renommée mondiale et professeur au Collège de France. Alain Fischer a en outre l’expérience de ces missions à risque, puisque ce « Monsieur vaccin » avait déjà présidé la concertation vaccinale qui avait aboutit à étendre les vaccinations obligatoires pour les nourrissons. Le rôle du Pr Fischer sera donc celui d’un conseil mais ne pilotera pas l’opération qui restera entre les mains de l’Avenue de Ségur.

Alain Fischer est intervenu pendant cette conférence de presse, pour détailler les avancées des travaux sur différents vaccins (sans aborder, soulignons-le, les vaccins russes et chinois déjà utilisés en Chine et en Russie sans doute car ils n’ont pas déposé de demande d’AMM en Europe pour l’instant). Il a d’ailleurs souligné qu’il était nécessaire d’attendre des communications scientifiques, et non des simples communiqués de laboratoires, avant de graver dans le marbre cette campagne. «  J’attends avec impatience des informations des scientifiques. Le recul à ce jour ne dépasse pas deux à trois mois. Les données ne sont pas complètes pour les personnes à risques », a-t-il précisé.

Restons prudent !
Autres annonces qui tempèrent quelque peu l’enthousiasme, Olivier Véran, a prévenu : « le vaccin ne changera pas le cours de l’épidémie tout de suite. Il faudra rester vigilant dans les prochains mois, continuer à respecter le port du masque, les gestes barrières et à se faire tester » d’autant que les effets des premiers vaccins sur la transmission du virus ne sont pas encore évalués. Il a également rappelé les difficultés logistiques : « le vaccin Pfizer, par exemple, doit être conservé à -80°C (…) et doit être administré en moins de 5 jours. Il nous faut une organisation bien huilée, des super-congélateurs, des moyens de transports spécifiques », a énuméré Olivier Véran. Une « organisation bien huilée » qui sera testée « à blanc » « mi-décembre »…Ce qui contredit d’ailleurs les espoirs du Premier ministre d’une campagne menée principalement au cabinet du généraliste.

Dernière précaution oratoire, « ces dates peuvent être modifiées » a précisé Olivier Véran...

Xavier Bataille