Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Covid-19 : l’embûche de Noël

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Par Luc Peillon — 7 décembre 2020

L’évolution des courbes de contamination inquiète à nouveau l’exécutif, qui pourrait sacrifier la réouverture des lieux culturels prévue le 15 décembre, sans pour autant oser compromettre les fêtes de fin d’année.

Déconfiner, et si oui, jusqu’à quel point ? Telles sont les questions qui agitent en ce moment les hautes sphères de l’Etat, tant la courbe de l’épidémie, depuis quelques jours, prend une mauvaise tournure. Prévue pour le 15 décembre, cette levée des restrictions, que les Français connaissent à nouveau depuis le 30 octobre, pourrait n’être finalement que partielle, excluant notamment la réouverture des cinémas, musées, et salles de spectacle, tout en étant remplacée par un couvre-feu dès 17 heures, au lieu de 21 heures comme initialement prévu.

Lors de son intervention télévisée du 24 novembre, le président de la République avait en effet posé deux conditions à la levée du confinement dans une semaine : que le nombre de patients Covid en soins critiques soit compris entre 2 500 et 3 000, et que celui des contaminations quotidiennes se situe « autour » de 5 000.

Concernant la première exigence, l’objectif pourrait être atteint. Lundi, Santé publique France annonçait la présence de 3 188 malades du Covid en soins critiques, un chiffre en baisse constante depuis le pic à 4 903 le 16 novembre. La seconde condition, en revanche, commence à inquiéter. La cible serait même « très difficile à atteindre », selon le directeur de la santé, Jérôme Salomon, lors d’un point presse lundi soir. D’autant que les différents thermomètres mesurant le nombre de cas positifs sont un peu déréglés en ce moment.

Faire le ménage
Le premier outil permettant d’apprécier le nombre de nouveaux cas quotidiens de Covid-19 est celui des remontées des tests PCR positifs, recensés par date de prélèvement. Autrement dit, en fonction du jour où la personne est allée se faire tester. Une donnée regardée en moyenne sur sept jours, afin de lisser des chiffres parfois erratiques, notamment dus aux week-ends, où la plupart des laboratoires privés sont fermés.

Selon Santé publique France, la baisse a été forte et relativement régulière depuis le pic du 30 octobre, où 47 936 personnes se sont révélées positives en vingt-quatre heures. Ce chiffre a ainsi été divisé par deux en douze jours (24 000 contaminations le 12 novembre), puis à nouveau par deux en neuf jours (11 500 cas le 21 novembre). Or, depuis, la décrue s’est nettement ralentie, le dernier chiffre connu faisant état de 8 260 contaminations le 1er décembre, soit à peine 30 % de baisse sur une même période d’une dizaine de jours. Problème : cet indicateur est incomplet, puisqu’il n’intègre pas les tests rapides antigéniques, disponibles en France depuis plusieurs semaines, notamment en pharmacie.

Or la courbe est plus inquiétante, et a même tendance à remonter ces derniers jours, avant une très faible baisse lundi, si l’on intègre ce nouveau type de diagnostic. Ainsi, le nombre de cas positifs quotidiens (en fonction de la date de remontée des résultats) n’a cessé de décroître jusqu’au 1er décembre (toujours en moyenne sur sept jours), avec 10 347 contaminations quotidiennes à cette date. Mais depuis, la courbe s’est donc redressée, avec 10 396 nouveaux cas le 2 décembre, 10 573 cas le 3, avant de s’effriter à 10 489 le 4 décembre, dernière date connue. La difficulté cette fois-ci, avec cet indicateur : on ne sait pas encore très bien si les tests positifs antigéniques ne sont pas redondants avec les tests PCR. Autrement dit, si les personnes qui ont fait un test antigénique, puis un PCR, ne sont pas comptées deux fois. Santé publique France ne sait pas non plus si les remontées des tests antigéniques sont réellement exhaustives. L’agence a promis depuis plusieurs jours de faire le ménage dans ses données, et devrait, si tout va bien, s’exécuter ce mardi.

Bref, difficile d’y voir clair, et de façon précise sur le nombre exact de nouvelles contaminations quotidiennes. Ce qui est sûr, c’est que la baisse a nettement ralenti ces derniers jours, et s’est même peut-être transformée en hausse depuis le 1er décembre. Avec désormais le risque de ne pas atteindre l’objectif maximum de 5 000 contaminations quotidiennes d’ici au 15 décembre pour déconfiner entièrement les Français. Et ce dix jours avant Noël.

Marmite sur le feu
La baisse des cas avait toutefois déjà donné des signes de faiblesse. Huit jours après la rentrée scolaire du 2 novembre (délai minimum avant de percevoir l’impact d’une mesure sur les résultats des tests), la tendance avait commencé à ralentir. Depuis, les dispositions du confinement du 30 octobre ont été assouplies avec, le 28 novembre, l’élargissement à 20 kilomètres (et pour trois heures) du rayon de déplacement autorisé et l’ouverture des commerces non essentiels.

Des assouplissements intervenus alors que la France, comme la plupart des autres pays, est encore très loin d’avoir atteint l’immunité collective, ce seuil nécessaire de contamination de la population, estimé à 66 % pour le Covid-19, afin d’inverser, faute de vaccin, la courbe de l’épidémie. Selon les dernières projections de l’Institut Pasteur, seulement 11 % des Français auraient ainsi été en contact avec le virus depuis le début de l’épidémie, avec des taux très disparates selon les régions : 21,3 % en Ile-de-France, 15,2 % dans le Grand-Est et 14,3 % en Auvergne-Rhône-Alpes, mais seulement 3,6 % et 4,4 % pour la Bretagne et la Nouvelle-Aquitaine. De quoi, dans les territoires les plus touchés, ralentir la courbe des contaminations mais pas mettre fin à la circulation du virus. Comme une marmite sur le feu, dès que le couvercle du confinement est levé, l’eau déborde et débordera. Inlassablement.