Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Vaccins : « On ne sait jamais ni le jour, ni l’heure à laquelle on va être livrés »

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Par Stéphanie Harounyan, correspondante à Marseille — 28 janvier 2021

Depuis le début de la campagne de vaccination anti-Covid, c’est dans les frigos de la pharmacie des hôpitaux de Marseille qu’arrive la très grande majorité des doses qui sont ensuite dispatchées sur le territoire selon les demandes. Un casse-tête permanent pour le responsable du service, qui passe ses journées à gérer la pénurie.

Pierre Bertault-Peres est responsable de la pharmacie de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) où sont stockées les doses de vaccins avant leur répartition dans les structures publiques ou assimilées (hôpitaux, municipalité, cliniques…) des Bouches-du-Rhône.

La vaccination a débuté le 18 janvier sur notre territoire et très vite, comme ailleurs en France, la demande pour couvrir les populations prioritairement concernées (principalement les plus de 75 ans et les personnels soignants de plus de 50 ans) s’est avérée supérieure à l’offre en vaccins. Dix jours après, la tension est-elle un peu retombée ?
Lundi soir, j’ai généré pas mal d’insomnies lorsque j’ai rendu mon bilan quotidien : il ne nous restait que 42 doses pour le département… La livraison est finalement arrivée mardi à 10 heures – ouf ! –, mais entre-temps, j’avais déjà refusé plusieurs commandes, j’ai donc dû rappeler tout le monde pour dire que c’était finalement bon. Bref, vous voyez à quoi on en est rendus… Ce n’est pas très confortable. On ne sait jamais ni le jour ni l’heure à laquelle on va être livrés. Désormais, j’ai tout de même une visibilité à la semaine : on reçoit un peu plus de 15 000 doses pour le département là où, pour contenter tout le monde, il m’en faudrait 20 000. Depuis le début de la campagne de vaccination, on a vacciné près de 34 400 habitants. J’ai plus de 150 « clients » sur le département, entre les hôpitaux, les cliniques, les municipalités, les Ehpad publics… Et j’en ai de nouveaux chaque jour.

Le département est-il correctement doté par rapport aux besoins ?
Quand je discute avec mes collègues des départements voisins, on est tous logés à la même enseigne. On va dire que les Bouches-du-Rhône sont honnêtement dotées. Mais les communes se sont démenées pour ouvrir des centres, presque en se tirant la bourre. Je salue leur performance, mais avant de dire qu’on va préparer un repas pour cinquante convives, il faut regarder ce qu’il y a dans le frigo… Le problème a été pris à l’envers.

Chaque dose de vaccin Pfizer contient 5,5 vaccins, à utiliser immédiatement sous peine de « gâcher » des doses. Arrivez-vous à éviter ces pertes ?
On a 0% de perte, parce qu’à la fin de la journée, on fait le tour des services et on fait trois heureux. Le but, c’est de ne rien gâcher. L’autre soir, j’ai même fait une maraude dans les Ehpad privés pour récupérer des flacons. J’ai beau avoir 63 ans, je n’ai jamais vu un tel bordel : je suis devenu « click and collect » et Amazon en même temps !

Va-t-on vers une amélioration côté approvisionnement ?
Dimanche, on va recevoir nos 3 000 premières doses de vaccin Moderna qui s’ajouteront aux 15 000 vaccins Pfizer. Et on m’a annoncé qu’en mars, on passera à 20 000 doses par semaine. Mais la demande augmentera, elle aussi… D’autant qu’on a commencé les deuxièmes injections. Je suis pour qu’on vaccine les gens une bonne fois pour toutes et qu’on n’en parle plus, mais c’est forcément au détriment des premières injections. J’ai prévenu mes équipes, on est partis pour six mois…

Stéphanie Harounyan correspondante à Marseille