Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Confinement : inéluctable (?), mais serré, classique ou allégé

Janvier 2021, par Info santé sécu social

Paris, le jeudi 28 janvier 2021

La semaine n’avait apparemment pas été assez riche en revirements. Dimanche, une prise de parole d’Emmanuel Macron pour annoncer un confinement était annoncée pour le milieu de la semaine. Mais l’information était démentie lundi, tandis que l’un des plus vifs défenseurs de la nécessité d’une fermeture rapide du pays, le président du Conseil scientifique, Jean-François Delfraissy considérait finalement mardi matin que l’on pouvait encore se donner du temps. Pour beaucoup, il était donc acquis qu’aucune décision majeure ne devait être redoutée ou espérée avant la semaine prochaine. Et voilà, qu’hier, à l’issue du Conseil de défense, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal précise que de nouvelles dispositions vont devoir être actées, que le statu-quo est très peu probable et que tous les scénarios sont sur la table, y compris un « confinement serré » (nouveau parfum après le confinement strict et le confinement allégé). Les rumeurs prévoient une allocution présidentielle dimanche ou lundi.

Feu le couvre-feu

Ce qui aurait fait (une nouvelle fois) basculer l’exécutif sont les résultats très attendus d’indicateurs concernant d’une part l’efficacité du couvre-feu et d’autre par la circulation du variant B.1.1.7 (identifié pour la première fois en Grande-Bretagne et de ce fait baptisé variant britannique). Or, sur ces deux fronts les nouvelles sont mauvaises. Si de premières données concernant le couvre-feu avancé à 18h dans les départements où il a été mis en place dès le 2 janvier laissaient espérer une efficacité sur l’épidémie, les chiffres concernant toute la France après presque 15 jours de recul sont décevants. Le couvre-feu a une efficacité relative, il « ralentit la progression du virus », mais il ne permet pas cependant de diminuer sa circulation, a expliqué Gabriel Attal, faisant écho au sombre diagnostic du président de la région Grand Est quelques jours plus tôt.

Les inconstants résultats de la fameuse enquête flash
Mais plus encore que la performance médiocre du couvre-feu ce sont les chiffres de circulation du variant anglais qui pourraient précipiter le gouvernement (et surtout la France) dans le confinement. Dans ce domaine on relève tout d’abord, comme c’est maintenant habituel, une cacophonie certaine. On se souvient qu’une enquête flash a été menée les 7 et 8 janvier 2021 qui reposait sur la participation de 46 laboratoires (dont une trentaine de CHU) qui ont présélectionné les prélèvements positifs à séquencer en fonction de leur sensibilité au test PCR Thermo-Fisher. Après de premières annonces préliminaires par Olivier Véran, dans le bulletin du 15 janvier de Santé Publique France, des résultats incomplets sont détaillés : « les données actuelles du CNR, dans le cadre de la surveillance des variants sur le territoire français, ont montré que 38 % des résultats discordants étaient ensuite confirmés par séquençage. Sur la base de ces données, il est ainsi possible d’estimer que le variant VOC 202012/01 serait responsable de 1 à 2% des cas de COVID-19 actuellement diagnostiqués en France ». La proportion apparaissait plutôt rassurante. Mais l’enquête flash des 7 et 8 janvier (il y a donc quinze jours, c’est-à-dire il y a u un siècle) n’avait pas révélé tous ses secrets. Hier Gabriel Attal indique que ses résultats presque finalisés (certains prélèvements n’ont été reçus par les services devant réaliser le séquençage que ce lundi !) indiquent que selon elle le variant représentait 3,3 % des cas.

Une cinétique à corriger d’urgence

L’information est préoccupante à plus d’un titre. D’abord, rétrospectivement, on constate que la circulation du variant la première semaine de janvier était probablement supérieure à celle supposée. Cela signifie que sa diffusion est possiblement plus importante aujourd’hui que ce qui avait été anticipé et que les modélisations réalisées par l’INSERM et l’Institut Pasteur d’une circulation majoritaire début mars (prévisions présentées hier à Emmanuel Macron et qui ont fait dire à un des conseillers de l’Elysée qu’un "tsunami" se prépare) sont peut-être déjà faussées. Surtout, pour une gestion plus dynamique, il paraît essentiel de pouvoir disposer de résultats quasiment en temps réel. Or, la cinétique de la première étude laisse redouter que les conclusions consolidées de la seconde enquête flash (lancée cette semaine) ne soient pas disponibles avant mi-février. Heureusement, d’autres sources sont disponibles et elles ne sont guère encourageantes et confortent le gouvernement dans l’idée que des mesures plus strictes ne peuvent plus attendre. Ainsi, l’Assistance publique-hôpitaux de Paris a présenté mardi les résultats d’une analyse de 1080 tests PCR réalisée entre le 11 et le 21 janvier dans huit sites de dépistage franciliens, concluant que 9,4 % correspondaient au variant anglais (avant séquençage). Parallèlement, Jonas Amzalag, biologiste chez Biogroup, signalait hier soir qu’une enquête rapide menée au sein des laboratoires Biogroup d’Ile-de-France en cette quatrième semaine révélait un taux de prélèvements suspects de l’ordre de 17 % dans la région (avant séquençage). Pour le biologiste, ces chiffres qui doivent encore être consolidés semblent confirmer une tendance de plus en plus claire. Ces données plus que jamais rappellent la nécessité d’une politique de surveillance des variants bien plus dynamique. Pour Jonas Amzalag, les laboratoires de biologie médicale peuvent dans cette nouvelle lutte être des alliés majeurs, qu’il s’agisse du repérage par la RT-PCR (désormais la RT-PCR ThermoFischer n’est plus l’outil utilisé mais des kits spécifiques sont disponibles) ou le séquençage. Un arrêté publié le 23 janvier précise d’ailleurs les conditions de tarification du criblage et du séquençage « du gène S complet par technologie Sanger ou un acte de séquençage du génome complet par technologie NGS » par les biologistes médicaux. La mobilisation de l’ensemble des ressources disponibles ne pourrait-elle pas permettre à la France d’égaler un pays comme l’Islande, où tous les prélèvements positifs sont séquencés ?

Enième cas d’école
Mais avant cette bataille du séquençage, les autorités politiques doivent, dans l’urgence, décider des mesures à adopter. Ainsi, le gouvernement doit une nouvelle fois lancer une concertation éclair avec les acteurs concernés (concertation qui n’est souvent que symbolique, puisque la plupart des arbitrages relève du chef de l’État). Si hier soir, beaucoup glosaient sur l’inéluctabilité d’un confinement « serré », ayant trop rapidement entendu les paroles de Gabriel Attal (qui l’a présenté comme une des pistes possibles et non comme une certitude), différentes hypothèses restent étudiées. Un confinement uniquement le week-end ou le dimanche pourrait ainsi être préféré à une fermeture complète. Les incertitudes sont en tout cas multiples avec toujours la question centrale des écoles. Le gouvernement continue à exploiter les scénarios qui permettraient d’éviter une fermeture complète des établissements scolaires ; la piste d’un avancement des vacances est notamment explorée. La conscience du risque quasi nul de forme grave chez l’enfant et a contrario des conséquences délétères d’une scolarité interrompue dictent, même aux experts qui militent depuis plus d’une semaine pour un confinement, un discours nuancé sur le sujet, même si beaucoup néanmoins estiment qu’il faudrait se résoudre à la fermeture des établissements scolaires. Cependant, sur la question de savoir si un confinement le plus strict est le plus efficace, les données sont tellement peu robustes que le gouvernement pourrait encore douter tandis la circulation des variants vient encore compliquer l’équation. Car si beaucoup estiment que cette menace impose d’agir de façon massive et rapide, les cas étrangers (notamment Israël et la Grande-Bretagne) font redouter que le variant « résiste » au confinement pour reprendre l’expression du généticien et endocrinologue Philippe Froguel (CHRU de Lille).

Dès lors une nouvelle question cruelle se pose : faut-il estimer que face au variant, seul un confinement très strict pourrait avoir une efficacité ou au contraire constater que compte tenu du bénéfice de plus en plus incertain du confinement, ses risques (dont celui du décrochage scolaire) doivent être plus que jamais être pris en considération. Quelles que soient les critiques qu’ils nous inspirent, il est particulièrement redoutable aujourd’hui d’être membres du gouvernement.

Aurélie Haroche