Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Variant brésilien : jusqu’ici tout va bien, mais il n’est pas inutile d’anticiper !

Avril 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 19 avril 2021

Le défaut d’anticipation, en dépit d’alertes précoces sérieuses, apparaît comme le trait majeur de la gestion de la crise sanitaire en France. Les exemples ont été multiples. Le séquençage en est un parmi d’autres.

Alors que dès le printemps dernier, certaines voix se sont élevées pour déplorer une activité de séquençage du SARS-CoV-2 très inférieure en France à celle d’autres pays, c’est dans un certain mouvement de panique que la prise de conscience semble avoir réellement conduit au début de l’année à la mise en place d’un véritable processus de diagnostic. Si aujourd’hui le retard semble en partie comblé, le séquençage continue à pêcher par un défaut d’anticipation. C’est ce que constate dans les colonnes du Journal du Dimanche, le virologue, Jean-Michel Pawlotsky (CHU Henri-Mondor, AP-HP) coordinateur d’une des quatre plateformes de séquençage du SARS-COV-2. « La France, qui ne faisait pas beaucoup de séquençage, a réussi en quelques semaines au début de l’année à se doter d’un système de surveillance national efficace et bien organisé. Surveiller ne suffit pas, encore faut-il donner l’alerte au bon moment : le variant anglais a été découvert dans le Kent en septembre, mais l’inquiétude n’a émergé que pendant les fêtes, bien trop tard », observe-t-il.

Protégé par le variant britannique !
C’est également semble-t-il le sens de l’avis du Conseil scientifique publié hier et consacré au variant BR-P1, également dénommé B.1.1.248 et plus connu sous le nom de variant brésilien. Jusqu’ici tout va bien, confirme le Conseil scientifique qui note « Actuellement, aucun signal d’une évolution particulière du variant BR-P1 n’a été observé à ce jour. En effet, il est présent en toute petite quantité en France (…) autour de 0,3 % des nouvelles infections au 30 mars 2021. Au total, la détection de ce variant en France métropolitaine est marginale ». Pourtant, dès son titre le Conseil scientifique invite à mettre en place dès aujourd’hui les solutions permettant « d’anticiper l’été ». L’hypothèse du Conseil scientifique est en effet qu’actuellement la France soit en « partie protégée actuellement par la présence du variant UK », mais note « Un risque d’extension du variant BR-P1 doit être pris en compte durant l’été 2021, si on observe une baisse du variant UK et une couverture vaccinale avec les vaccins à ARNm en hausse, mais à un niveau encore insuffisant ».
Des données très parcellaires sur l’échappement immunitaire
Au-delà de cette orientation globale, le Conseil scientifique tente de faire le point sur les connaissances concernant le variant brésilien et relève les nombreuses zones d’ombre qui persistent.

Il conclut ainsi que son niveau de transmission bien élevé serait néanmoins « moins élevé que le variant UK » et indique encore « On ne sait pas encore s’il est plus létal ». En effet, les signaux inquiétants concernant la mortalité venant du Brésil pourraient être liés aux faibles capacités hospitalières du pays. Concernant les réinfections, le Conseil scientifique tempère également : « Probablement 15-30 % des cas à Manaus seraient des réinfections. Toutefois, les données de séroprévalence sont très discutables, ayant probablement conduit à surestimer la réelle circulation des virus historiques. Il faut considérer qu’il restait un fort potentiel pour la diffusion du virus, et que seulement pour une petite part d’entre eux, il y a eu des cas de réinfection ». A propos, en outre, de l’échappement immunitaire du variant face aux vaccins, le Conseil scientifique signale que sur ce point, le variant dit Sud-Africain (SA) pourrait devoir susciter une inquiétude plus importante : « Le variant BR-P1 présente un risque d’échappement immunitaire comme le variant SA, mais a un moindre niveau. En effet, parmi les mutations d’échappement que ces deux virus présentent, le variant SA en a au moins une de plus, ce qui en fait celui qui présente le plus grand risque, supérieur au BR-P1. Ces données sont essentiellement in vitro fondées sur l’étude de la réponse humorale (anticorps) mais concernant la réponse cellulaire (induite également par les vaccins). Il semble que la protection croisée entre les différents variants reste excellente ».

Gare au Suriname
Ces différentes incertitudes ne doivent pas empêcher de se préparer. Le Conseil plaide en France métropolitaine pour une optimisation du séquençage. Concernant le contrôle des frontières, il approuve les mesures prises par le gouvernement (suspension des vols, suivie d’une quarantaine et d’une limitation des voyages aux ressortissants français et aux personnes vivant en France). Il attire cependant également l’attention sur le fait que « l’aéroport d’Amsterdam est une plateforme commune à KLM et Air France avec le lien particulier avec le Suriname » (pays qui a une frontière avec la Guyane). Enfin, il invite à « Anticiper l’arrivée possible du variant BR-P1 à l’été dans les précommandes de vaccins ciblés sur les nouveaux variants qui pourraient être disponibles à l’automne, en particulier avec Moderna ».
Renforcer les mesures en Guyane dès aujourd’hui
Des préconisations particulières concernent par ailleurs la Guyane où le variant brésilien est d’ores et déjà majoritaire. Là encore, l’amélioration du séquençage s’impose. Mais le Conseil scientifique insiste également sur la nécessité d’une progression de la vaccination (la couverture est aujourd’hui inférieure à 5 %) et estime que les frontières avec le Brésil devraient demeurer fermées. Il encourage également à des procédures strictes entre la Guyane et les Antilles. Enfin, même si l’incidence est beaucoup plus faible aujourd’hui en Guyane, qu’en métropole, le Conseil scientifique recommande un couvre-feu avancé à 17h et un confinement le dimanche.

Un taux de mutation assez faible
Bien que partageant le plus souvent les prescriptions du Conseil scientifique, certains spécialistes font cependant remarquer que la fermeture des frontières ne saurait être présentée comme seul rempart efficace. Ils rappellent en effet que l’émergence de variants est loin d’être uniquement liée aux échanges internationaux mais également liée à une forte circulation virale, à laquelle peut également s’ajouter une pression de sélection liée à une vaccination en progression mais non majoritaire. Enfin, de plus en plus de voix appellent à ne pas céder une nouvelle fois à la panique concernant les variants. Jean-Michel Pawlotsky, interrogé sur le risque d’une multiplication de mutations mettant systématiquement en échec les vaccins, relève : « Nous sommes nombreux à ne pas y croire. Ce virus a un répertoire de mutations limité : ce sont un peu les mêmes qui apparaissent partout, dans des ordres différents. La technologie des vaccins à ARN messager va permettre de les adapter très rapidement. L’idée est de surveiller les nouveaux variants, d’identifier les mutations préoccupantes afin de les introduire dans ces vaccins pour fabriquer une dose de rappel ». De fait, si aujourd’hui les variants inquiètent beaucoup, le génome de SARS-CoV-2 est relativement stable pour un virus à ARN en raison de la présence d’une « enzyme correctrice ». Ainsi, la fréquence des mutations de SARS-CoV-2 est bien inférieure à celle des virus de la grippe.

Aurélie Haroche