Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Déconfinement  : l’exécutif entre deux thèses

Avril 2021, par Info santé sécu social

Réouverture des écoles la semaine prochaine, terrasses et certains lieux culturels « mi-mai », Macron tient à son calendrier, mais dans la majorité, au vu des derniers développements sanitaires, on doute.
Développer

par Lilian Alemagna et Charlotte Chaffanjon
publié le 21 avril 2021

Ne leur parlez pas de « déconfinement ». Les petites mains qui y travaillent dans les ministères préfèrent « préparation de la réouverture » ou encore « levée des mesures de freinage ». Emmanuel Macron a beau tenir à son calendrier fixé lors de sa dernière allocution (réouverture des crèches, des écoles maternelles et primaires le 26 avril, collèges et lycées le 3 mai, retour progressif des terrasses et accès aux lieux culturels à partir de la « mi-mai »), les entourages ont appris, en un an, à être très prudents : deux fois depuis le début de l’épidémie, le chef de l’Etat a fixé une date de retour à la normale, deux fois il a été contraint, quelques mois plus tard, de remettre le pays partiellement sous cloche face à la reprise du Covid-19. Deux fois on lui a ensuite reproché d’être allé trop vite.

C’est lui qui, au printemps 2020, contre l’avis de beaucoup, tient à la date du « 11 mai » pour commencer un « déconfinement progressif ». Un mois plus tard, les bars et restaurants rouvrent et la France « retrouve pour partie [son] art de vivre », se félicite alors Macron. Mais le confinement strict avait permis une décrue spectaculaire des contaminations, donc des hospitalisations, et une mise en sommeil du virus durant l’été. A l’automne, le « nouveau confinement » choisi par le chef de l’Etat pour endiguer la deuxième vague – établissements scolaires laissés ouverts, possibilité de se déplacer pour aller travailler… – n’a pas les mêmes effets. Fin novembre, Macron fixe le 15 décembre comme point de passage vers une « nouvelle étape » – il ne prononce plus le mot « déconfinement ». A condition de retomber à « 5 000 contaminations par jour et environ 2 500 à 3 000 personnes en réanimation ». Si la décrue était visible, avec 3 000 hospitalisations en réa et 11 000 cas par jour, le compte n’y était pas et le « plateau » faisait son apparition.

« Donner une cohérence »
Et pour cette troisième vague ? Le chef de l’Etat a pris soin, très vite, de préciser qu’il n’avait fixé aucun critère sanitaire à la réouverture des établissements scolaires. « Macron ne fera plus croire au “grand soir” comme il l’a fait à tort le 11 mai, dit un ministre. Il ne donnera plus le sentiment qu’il est possible de passer de la nuit au jour, ce sera progressif. » Si les cabinets s’activent à la préparation de cette (nouvelle) sortie de crise, certains dirigeants redoutent un moment « périlleux ». « Attention à ne pas induire, par notre communication, des changements de comportements », glisse l’un d’eux, qui craint des images de terrasses bondées d’un côté et de services de réanimation qui restent saturées de l’autre.

Dans les prochaines semaines, l’exécutif prend donc le risque de signaux contradictoires : préparer les réouvertures de certains commerces avec les professionnels concernés et, en même temps, adopter la semaine prochaine en Conseil des ministres – pour un examen début mai au Parlement – une énième prolongation de l’état d’urgence sanitaire ; intégrer le futur « pass sanitaire » à l’application Tous Anti-Covid et, en même temps, risquer un retard dans son calendrier de vaccination si la défiance envers le vaccin AstraZeneca, voire plus tard le Johnson & Johnson, s’intensifie. « C’est le Président qui impulsera mais Matignon se charge déjà de préparer des phases pour donner une cohérence, dit-on au sein du gouvernement. On ne va pas dire au monde du sport : “oui, vous pouvez mettre 1 000 personnes dans les stades” et aux théâtres : “pas plus de 30”. »

« Au-delà des considérations médicales »
Pour un conseiller ministériel, c’est donc « quinze jours très compliqués » qui s’annoncent : « On risque d’arriver à un plateau ni haut ni bas, sans casser la courbe des contaminations comme au printemps dernier. Macron a une volonté très claire de tenir le 15 mai, même si c’est pour rouvrir trois terrasses et un musée. » « Ne va-t-on pas rouvrir trop tôt ? s’interroge également un de ses collègues. Je me pose légitimement la question au vu des taux d’incidence encore très élevés. »

Au ministère de la Santé, on comprend qu’« Emmanuel Macron aille au-delà des considérations médicales et épidémiques ». « La fatigue et le moral des personnes, l’état économique du pays sont aussi importants, dit-on dans l’entourage de Véran. Et puis, on n’est pas dans la même configuration que la deuxième vague avant les mois les plus froids. Là, l’impact des beaux jours va être un facteur facilitant de la baisse de pression. »

Le 31 mars, Macron avait promis de « revenir […] prochainement » devant les Français « pour préciser [cet] agenda de réouverture ». « Pour que chacun puisse aussi se projeter avec plus de visibilité dans les mois qui viennent », avait-il précisé. L’Elysée ne donne toujours aucune date. Preuve que le chef de l’Etat manque lui-même de « visibilité ».