Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - Sur les traces du virus Origines du Covid : les doutes s’accumulent autour du laboratoire de Wuhan

Mai 2021, par Info santé sécu social

Les origines du Sars-CoV-2 restent mystérieuses, mais de nouveaux éléments relancent les interrogations sur la nature des recherches menées à l’Institut de virologie de Wuhan et alimentent la possibilité d’une fuite.

publié le 25 mai 2021

Mais d’où vient le Covid-19 ? Après plus d’un an de crise, la question de l’origine du Sars-CoV-2, le virus responsable de la pandémie actuelle, reste vive. Les Etats-Unis, par la voix de leur représentant, Jeremy Konyndyk, ont d’ailleurs demandé ce mardi une nouvelle enquête « solide, complète et dirigée par des experts sur les origines du Covid-19 » à l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

De récents éléments font en effet ressurgir l’hypothèse d’une fuite du laboratoire de Wuhan. Une possibilité qui avait été évoquée dès le début de la pandémie, bien que parfois confondue avec l’hypothèse d’un virus fabriqué en laboratoire.

Ainsi, le Wall Street Journal a affirmé ce dimanche que trois chercheurs de l’Institut de virologie (WIV) de la ville chinoise d’où est partie la pandémie ont été hospitalisés en novembre avec « des symptômes évocateurs du Covid-19 ou d’une maladie saisonnière commune ». L’information provient d’une note des services secrets américains. Et si le Wall Street Journal précise que tous les experts ne sont pas d’accord sur la crédibilité de la source, dans tous les cas, cette révélation arrive dans un moment de forte tension pour le laboratoire chinois.

Pas de preuve de transmission de l’animal à l’homme
En effet, même si l’enquête de l’OMS juge « hautement improbable » l’hypothèse d’une fuite de laboratoire, elle échoue à donner une preuve d’une transmission de l’animal à l’homme, malgré la piste du pangolin. Pour ce faire, il aurait fallu trouver un virus présent chez un animal et génétiquement très proche du Sars-CoV-2. « Plus de 80 000 échantillons provenant d’animaux sauvages, domestiques ou d’élevage, ont été testés, sur le marché de Wuhan, dans la région de Hubei et d’autres régions chinoises. Tous étaient négatifs. […] A partir du moment où une hypothèse scientifique a été testée plus de 80 000 fois, sans résultats probants, il est normal de s’interroger sur sa validité et d’en tester d’autres », note le virologue français Etienne Decroly dans Mediapart.

Depuis quelques semaines, les éléments pointent au contraire vers une responsabilité de l’Institut de virologie de Wuhan. Ils ont d’ailleurs conduit plusieurs chercheurs à écrire une lettre sur le sujet dans le prestigieux journal Science. D’autant que cet institut n’a pas joué franc jeu dans la mise à disposition publique des séquences des virus étudiés en son sein. Par exemple, il a mis du temps à admettre qu’il travaillait bien sur des coronavirus prélevés en 2012 dans une mine et responsables de la mort, par pneumonie, de plusieurs mineurs.

D’ailleurs, le virus naturel génétiquement le plus proche du Sars-CoV-2, nommé le RaTG13, provient de cette mine, même s’il « ne semble pas être le progéniteur direct du SARS-CoV-2 », notent Etienne Decroly et Virginie Courtier dans The Conversation.

Après avoir partagé cette séquence, le laboratoire de Wuhan en a publié le mois dernier huit autres, toutes provenant de la même mine et donc étudiées depuis plusieurs années par le laboratoire. Encore plus perturbant, des rapports de master et une thèse soutenue au sein de l’institut, publiés par le compte Twitter anonyme The Seeker, « indiquent qu’il y a au moins un autre coronavirus de chauve-souris conservé au WIV, et que ce coronavirus est potentiellement très intéressant », explique le même Etienne Decroly dans le Monde.

Dernier point, pour le moment, le Monde révèle dans son article avoir eu accès à « une fiche » mentionnant « un financement de 250 000 yuans (32 000 euros) en 2018 » pour « l’étude de la pathogénicité de deux nouveaux coronavirus de chauve-souris de type Sars, sur des souris transgéniques exprimant le récepteur ACE2 humain » au laboratoire de Wuhan.

Cette information interroge sur la nature des recherches sur le coronavirus menée dans cet institut. A quel degré de manipulation s’adonnent les scientifiques chinois ? Une pratique, vivement débattue, consiste notamment à rendre des virus davantage capables d’infecter les humains pour mieux les étudier. On parle d’expériences de « gain de fonction ». Les Etats-Unis avaient posé en 2014 un moratoire temporaire sur ce type de recherche concernant les coronavirus et les grippes. Pourtant, en 2015, des chercheurs américains avaient créé un virus du coronavirus chimérique capable d’infecter les humains.

Quoi qu’il en soit, que ce soit un virus stocké ou modifié en laboratoire, le premier point serait de savoir comment il aurait pu s’échapper de l’Institut de virologie de Wuhan.