Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Mieux surveillée, la progression du variant Delta inquiète en France

Juin 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mercredi 16 juin 2021

« C’est peut-être encore peu, mais c’était la situation anglaise il y a quelques semaines » a observé hier le ministre de la Santé, Olivier Véran, à l’heure de présenter de nouveaux chiffres quant à la proportion de personnes infectées par le variant Delta (ex indien) de SARS CoV-2. « Actuellement en France, 2 à 4% des tests positifs que nous criblons correspondent à du variant indien, ce qui représente (…) de l’ordre de 50 à 150 nouveaux diagnostics de variants Delta quotidiennement dans notre pays » a précise le ministre. L’évolution apparaît certaine, puisque le 25 mai, les résultats de l’enquête flash de séquençage signalaient le repérage de 0,5 % de variants Delta.

Des clusters dans toute la France

Ces données cachent cependant des disparités locales et des incertitudes. Les Landes paraissent en effet le département le plus concerné. Quelques 30 % des contaminations quotidiennes pourraient ainsi être liées au variant Delta, qui a infecté deux des trois personnes hospitalisées en réanimation dans le département actuellement.

Cependant, d’un point de vue global la situation sanitaire s’améliore, avec un reflux du nombre de nouvelles infections. Face à ce panorama contrasté, les opérations de dépistage massives ont été multipliées dans le département des Landes, tandis que de nouveaux points de vaccination ont été déployés. Cependant, les Landes sont loin d’être l’unique territoire suscitant l’attention. Les agrégats de cas d’infections au variant delta s’observent partout dans le pays. Ainsi, ce week-end, c’est la Haute École des arts du Rhin qui était concernée par quatre cas confirmés d’infection par le variant Delta et 43 cas suspects objets d’investigations. Hier, ce sont six cas de variants Delta qui ont été identifiés chez des personnes « ayant des liens avec le collège Montesquieu » d’Evry-Courcouronnes. Partout, les mêmes « plans » sont mis en place par les autorités sanitaire : contact tracing renforcé, dépistages élargis et vaccination accélérée.

Surveillance par mutation

La portée de ces actions aurait pu cependant demeurée limitée en l’absence d’une politique de repérage du variant Delta plus efficace. Jusqu’alors en effet, la surveillance des variants en France reposait sur l’utilisation de kits de criblage, appliqués à chaque test positif. Le hic, c’est que ces dispositifs ne permettaient pas d’identifier la présence du variant Delta. A cet égard, on se souvient que les Landes connaissaient il y a quelques semaines un nombre élevé de contaminations non liées aux variants Alpha, Bêta ou Gamma. Aujourd’hui, la donne change, avec la mise en place d’un nouveau système, annoncé dès la fin mai par Santé publique France : le criblage de mutations d’intérêts et non plus des variants. Or, parmi les trois mutations visées aujourd’hui, figure L452R qui caractérise le variant Delta, parallèlement à E484K et E484Q. Sans doute plus pertinente d’un point de vue virologique, cette méthode nécessite cependant de pouvoir s’adapter rapidement en incluant les nouvelles mutations, telle la mutation L452R2, retrouvée aujourd’hui dans certaines souches du variant Delta et qui pourrait accroitre le risque d’échappement immunitaire. En outre, certains spécialistes font remarquer que ce ne sont pas seulement les mutations qui confèrent aux variants leur caractéristique, mais également les combinaisons entre elles, ce qui pourrait être détecté par ce criblage par mutation, à condition encore une fois qu’un spectre élargi de mutations puisse être ciblé.

L’agueusie bien moins fréquente
En tout état de cause, si la surveillance active du variant Delta est indispensable, c’est en raison des craintes d’une plus grande transmissibilité. Si les données disponibles demeurent encore parcellaires, les premiers éléments de Public Health England (PHE) évoquent une transmissibilité supérieure de 60 % au variant Alpha (ex anglais).

Cependant, sa dangerosité ne serait pour sa part pas nécessairement accrue. PHE signale même que les symptômes le plus souvent décrits par les sujets infectés par ce variant s’apparentent plus à une rhinite classique qu’à la Covid. Ainsi, notamment, l’agueusie ne fait plus partie des 10 symptômes les plus fréquents.

Quand les titrages d’anticorps sont démentis par la vie réelle
Ces symptômes moins évocateurs et moins marqués pourraient freiner le dépistage et amoindrir la vigilance des personnes potentiellement atteintes. Or, cette vigilance est indispensable compte tenu d’une potentielle moindre efficacité des vaccins. Sur ce point, les données disponibles sont elles aussi contrastées. Les résultats de travaux conduits en laboratoire publiés notamment dans The Lancet étaient inquiétants : les niveaux d’anticorps neutralisants apparaissaient en effet six fois moins élevés en présence du variant Delta qu’en présence de la souche historique chez les personnes ayant reçu deux doses de Pfizer/BioNTech. Pourtant, en vie réelle, les conclusions sont moins alarmantes. Présentées hier par Pfizer/BIoNTech et par AstraZeneca, elles mettent en évidence des performances similaires vis-à-vis du variant Delta en ce qui concerne l’évitement du risque de forme grave et d’hospitalisations. Cependant, tant les études en vie réelle que le titrage des anticorps semblent converger vers la conclusion qu’une vaccination avec une dose n’offre pas une protection aussi importante face au variant Delta que face à la souche historique ou au variant Alpha.

Espacement des doses : rétropédalage
Cette information a conduit le gouvernement britannique à décider hier de réduire l’espacement entre les deux doses d’AstraZeneca qui avait été élargi à 12 semaines au début de la campagne, afin de l’accélérer. La France a pris hier des dispositions similaires concernant les vaccins Pfizer/BioNTech et Moderna : si ces annonces ont été dictées par le souhait de ne pas voir les départs en vacances influencer le cours de la campagne vaccinale, elles pourraient également être bénéfiques pour être mieux armés face au variant Delta.

Vent contraire entre la France et l’Angleterre
Ce dernier, en tout état de cause, inquiète dans toute l’Europe. Des poussées ont en effet été enregistrées au Portugal (où 58 % des contaminations sont désormais liées au variant Delta et où le nombre de nouvelles infections progresse à nouveau), en Belgique (augmentation de 60 % des contaminations par le variant Delta en deux semaines) ou l’Allemagne (2,5 % des échantillons positifs testés la dernière semaine de mai). La situation est par ailleurs telle en Grande-Bretagne, où le variant Delta représente 74 % des contaminations, que Boris Johnson a fait le choix hier de repousser au 19 juillet la dernière phase du déconfinement, afin de se donner du temps pour accélérer encore la vaccination et accroître notamment la part de personnes complétement vaccinées (ce qui est aujourd’hui le cas de 56,6 % des Britanniques et de 23,37 % des Français). Une telle perspective semble aujourd’hui totalement écartée en France, dont le gouvernement vient au contraire d’annoncer la fin du masque en extérieur et la levée anticipée du couvre-feu. Il faut dire qu’en dépit de la crainte suscitée par le variant Delta, l’évolution globale de la situation épidémique est plus qu’encourageante.

Aurélie Haroche