Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Mediapart : Le variant Delta se propage, les vaccins sont largement efficaces

Juillet 2021, par infosecusanté

Mediapart : Le variant Delta se propage, les vaccins sont largement efficaces

8 JUILLET 2021

PAR CAROLINE COQ-CHODORGE

Portée par le variant Delta plus transmissible, l’épidémie reprend dans plusieurs pays, dont la France. Mais les vaccins la freinent, et protègent largement des formes graves. Au Royaume-Uni, pays le plus touché, Boris Johnson veut lever toutes les mesures barrières.

Il n’y a plus de surprises avec le Covid-19. D’une saison à l’autre, le scénario se répète. « Comme en janvier, avec le variant Alpha, il y a un petit décalage entre l’Angleterre et la France », constate l’épidémiologiste Dominique Costagliola.

Un variant deux fois plus contagieux
Un variant plus contagieux émerge et remplace le variant jusque-là dominant. Outre-Manche, le variant indien Delta s’est installé au printemps, puis s’est propagé à la faveur du déconfinement, à très grande vitesse. Il représente aujourd’hui 100 % des cas. « Sans mesures barrières ni vaccination, une personne infectée peut contaminer six à sept personnes, contre trois pour le variant historique », constate Dominique Costagliola.

En France, le variant Delta s’est d’abord propagé en silence. Le département des Landes est le plus touché, les enquêtes épidémiologiques menées par Santé publique France ne sont pas parvenues à identifier le patient zéro. En Nouvelle-Aquitaine, le Delta représentait déjà 32,5 % des tests criblés au 1er juillet. À Paris, il est à l’origine de 50 % des contaminations, a tweeté mardi le directeur général de l’ARS Île-de-France Aurélien Rousseau.

Portée par le Delta, l’épidémie repart à la hausse dans plusieurs départements, en particulier Paris, seul en métropole à avoir dépassé le seuil de 50 cas pour 100 000 habitants. Les 20-29 ans sont à l’origine de cette reprise, par capillarité les 10-49 ans suivent le mouvement à la hausse.

Du déjà-vécu encore, quand « à l’été 2020, avec le déconfinement, l’épidémie a augmenté chez les plus jeunes, avant de toucher les plus âgés à partir de la deuxième quinzaine d’août », rappelle Dominique Costagliola.

Mais, cette fois, les personnes vaccinées devraient être largement protégées.

L’efficacité des vaccins confirmée
Les vaccins contre le Covid-19 n’ont jamais prétendu protéger à 100 % contre une contamination ou une forme grave. Mais le Royaume-Uni, l’un d’un pays les plus avancés dans la vaccination, confirme qu’ils sont largement efficaces. En Grande-Bretagne, 68 % de l’ensemble de la population a reçu au moins une dose, loin devant la France (51 %).

Une étude britannique, publiée dans le British Medical Journal, a suivi près de 160 000 personnes âgées de 70 ans et plus qui ont rapporté des symptômes du Covid-19 et ont été vaccinées avec les vaccins Pfizer ou AstraZeneca entre le 8 décembre 2020 et le 19 février 2021, soit au début de la campagne vaccinale au Royaume-Uni. Cette cohorte a été comparée avec les données avant la vaccination. Cette étude a la particularité de suivre l’effet des vaccins dans le temps. Cet effet est « clair », constatent les auteurs, presque identique pour les deux vaccins. Les plus de 80 ans, qui ont bénéficié des deux doses du vaccin pendant la durée de l’étude, sont protégés à 70 % contre une contamination 10 à 13 jours après la première dose, à 89 %, 14 jours après la deuxième dose. Les plus de 70 ans, après la première dose, sont protégés à 80 % contre une hospitalisation et à 85 % contre un décès, entre 2 et 4 semaines après l’injection.

En Angleterre, les vaccins ont prévenu 7,2 millions de contaminations et 27 000 morts
Public Health England estime, le 28 juin, que « les vaccins ont prévenu 7,2 millions de contaminations et 27 000 morts, en Angleterre seulement ».

Santé publique France vient de rendre publics les premiers résultats d’efficacité des vaccins. Ils confirment les données anglaises. 2 doses de vaccins protègent à 86 % contre une contamination par le variant Alpha. Comme prévu, l’efficacité des vaccins est moindre sur les variants Gamma (brésilien) et Bêta (sud-africain), dont la mutation sur la protéine Spike échappe un peu plus à l’immunité.

La France n’a pour l’instant pas de données sur l’efficacité des vaccins contre les hospitalisations. « La base de données Sidep sur la vaccination contre le Covid ne peut pour l’instant pas être croisée avec la base de données sur les hospitalisations », explique le professeur Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin à Paris. Mais elle conduit actuellement « une étude, dans cinq hôpitaux, dont les données sont encore partielles, mais qui confirment les données anglaises : au 15 juin, on constate très peu d’échecs de la vaccination après deux doses. Les échecs concernent des personnes immunodéprimées, les transplantés d’organes, et des malades d’hématologie. Il est encore trop tôt pour avoir des données sur le variant Delta ».

Seuls les Britanniques livrent de premières données sur le Delta. Selon le dernier rapport de Public Health England, publié le 25 juin dernier, une vaccination complète est efficace à 79 % contre une infection par le variant Delta, à 96 % contre une hospitalisation. Par rapport au variant Alpha, l’efficacité vaccinale est diminuée contre une contamination, mais augmentée contre une hospitalisation.

« Il faut prendre ces premières données avec réserve, elles manquent un peu de cohérence, nuance Odile Launay. On pense que le Delta est un peu moins sensible à l’immunité naturelle et vaccinale. Cela plaide en faveur d’une accélération de la vaccination, car la deuxième dose accroît significativement les anticorps. »

L’épidémie repart aussi en Israël, où le variant Delta est désormais prédominant. Le gouvernement israélien a communiqué quelques premières données plus inquiétantes. L’efficacité des vaccins contre une infection tomberait à 64 % contre 94 % jusque-là, selon le ministère de la santé. Mais ces données n’ont pas été publiées, et elles portent sur un très faible nombre de contaminations : ce pays de 9 millions d’habitants ne compte encore que 300 contaminations par jour en moyenne, seuls 35 malades sont hospitalisés pour un Covid.

En France, les départements d’outre-mer confirment, à leurs dépens, l’efficacité de la vaccination. Seuls 30 % des Réunionnais sont vaccinés, 20 % des Guyanais, 15 % des Martiniquais. Ils sont les plus touchés par l’épidémie : la Guyane compte 182 cas pour 100 000 habitants, La Réunion 156, la Martinique 113. Les nouvelles hospitalisations y sont les plus nombreuses en France.

Peut-on désormais vivre avec le virus ?
La vaccination change donc radicalement la dynamique de l’épidémie de Covid-19. « Il y a désormais un décalage entre les contaminations et les hospitalisations, explique le professeur Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l’hôpital Bichat et membre du Conseil scientifique. Il faut qu’il y ait un nombre beaucoup plus important de contaminations pour voir arriver dans les hôpitaux les patients graves. »

Pour constater ce décalage, il suffit de comparer le nombre de cas et de décès de quatre pays touchés par une reprise épidémique : Grande-Bretagne, Israël, Espagne, France.

Si l’épidémie ne remplit plus les hôpitaux, peut-on désormais vivre avec le virus, abandonner toutes les mesures barrières ? C’est le choix du premier ministre britannique Boris Johnson : il a annoncé mardi qu’au 19 juillet toutes les restrictions seront levées, y compris la distance sociale et le port du masque, jusque dans les transports en commun. Il en assume toutes les conséquences : « Nous aurons peut-être 50 000 cas quotidiens au 19 juillet, les hospitalisations vont augmenter et nous devons nous faire à l’idée qu’il y aura aussi malheureusement plus de morts. » Le secrétaire d’État à la santé a même évoqué le chiffre de 100 000 contaminations par jour durant l’été.

Cette annonce a provoqué une bronca. Pour le leader travailliste Keir Starmer, le premier ministre prépare « un été de chaos et de confusion », insistant notamment sur la multiplication des mesures d’isolement pour les Britanniques, des Covid longs et des hospitalisations. Dans la région de Leeds, particulièrement touchée par la reprise épidémique, des opérations sont déjà déprogrammées. Mike Ryan, pilote de la crise à l’Organisation mondiale de la santé, a qualifié de « stupidité épidémiologique » l’idée de laisser la population se contaminer plus rapidement.

La Catalogne fait un autre choix : face à la reprise de l’épidémie, la région espagnole ferme ses discothèques et demande une preuve de vaccination ou un test PCR pour tout événement extérieur de 500 personnes. La Catalogne demande aussi à l’Espagne le retour du port du masque.

Le 29 juin, l’Institut Pasteur a publié une modélisation de l’épidémie dans une population partiellement vaccinée, où toutes les mesures de contrôle seraient levées. Dans le cas où 30 % des 12-17 ans, 70 % des 18-59 ans et 90 % des plus de 60 ans seraient vaccinés, l’Institut Pasteur prévoit un pic d’hospitalisations similaire au pic de l’automne 2020.

L’institut souligne que, dans leur modèle, « les personnes non vaccinées de plus de 60 ans représentent 3 % de la population mais 35 % des hospitalisations ». Les personnes non vaccinées portent aussi l’épidémie : « Une personne non vaccinée a 12 fois plus de risques de transmettre le SARS-CoV-2 qu’une personne vaccinée », estime l’Institut Pasteur. Dans leur modèle, les enfants non vaccinés seront largement touchés par le Covid : ils pourraient représenter la moitié des infections.

« Il faut vraiment tout faire pour augmenter la couverture vaccinale, notamment des plus fragiles. Tout le monde a envie de revivre, mais il faut y aller par palier, rester prudent tant que la couverture vaccinale n’est pas suffisante », insiste l’infectiologue Yazdan Yazdanpanah. « L’efficacité des vaccins est bonne contre les infections, excellente contre les hospitalisations, renchérit Odile Launay. Tant que 80 % de la population ne sera pas vaccinée, la protection ne sera pas suffisante. Lever tous les gestes barrières, comme les Britanniques, n’est pas raisonnable. Personne ne sait comment ce virus peut évoluer, nous ne sommes pas à l’abri d’un variant qui résiste aux vaccins. »

« À chaque fois qu’une personne s’infecte, le virus produit un variant. Laisser circuler le virus augmente la probabilité de voir émerger un variant plus contagieux, » complète l’épidémiologiste Dominique Costagliola. « Ce n’est pas le vaccin qui produit des variants », insiste-t-elle.