Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

L’Express.fr : TRIBUNE / Vaccination obligatoire des soignants : "pourquoi le gouvernement se trompe de combat"

Juillet 2021, par infosecusanté

L’Express.fr : TRIBUNE / Vaccination obligatoire des soignants : "pourquoi le gouvernement se trompe de combat"

L’obligation vaccinale sera contreproductive, selon cinquante soignants qui appellent l’Etat à répondre en urgence aux besoins de l’hôpital public.
Un collectif de personnels hospitaliers, favorables à la vaccination, explique dans cette tribune pourquoi ils s’opposent à une obligation pour les soignants.

Tribune

Par un collectif de médecins et personnels paramédicaux

publié le 06/07/2021 à 08:00

La fin de la pandémie mondiale de Covid repose sur l’acquisition d’une immunité de groupe. L’immunisation ne pouvant être acquise que par deux moyens (contracter la maladie, ou se faire vacciner), il est irréfutable que la vaccination de tous est souhaitable pour limiter, si ce n’est la survenue d’une quatrième vague, tout au moins son intensité, sa durée et son impact économique et social.

Les études scientifiques et le suivi de pharmacovigilance confirment aujourd’hui que le vaccin est efficace pour éviter de déclencher une forme grave du COVID, limiter fortement les formes plus modérées et leurs éventuelles conséquences (syndrome post-covid), ainsi que pour diminuer le risque de transmission du virus. Elles confirment aussi que le vaccin est fiable et sûr. Alors oui, tous les soignants où qu’ils exercent doivent se vacciner. Mais si nous, soignants de l’hôpital public, sommes tous d’accord sur le fait qu’il s’agit d’un devoir moral de protéger les patients dont nous prenons soin, rendre la vaccination obligatoire, c’est-à-dire assujettie à des sanctions juridiques nous pose question.

Tout d’abord, cette obligation vaccinale survient dans un contexte très particulier : celui d’une crise majeure de l’hôpital public encore aggravée par la pandémie qui a très durement éprouvé les personnels hospitaliers pendant 18 mois. Des personnels, qui rappelons le, travaillent depuis des années dans des conditions inacceptables pour les patients et pour eux-mêmes : en sous-effectifs chroniques, sans lits ni moyens suffisants pour pouvoir garantir la qualité et la sécurité des soins. Des soignants à qui l’on a dit tout et son contraire et à qui on a promis reforme après reforme, depuis 20 ans, des améliorations qui ne sont jamais arrivées. Ils appellent à l’aide depuis des années, avant de fuir à contrecoeur leur structure ou leur métier.

Regagner la confiance en allant vers les soignants
Une injonction à se vacciner ne nous semble pas adaptée à ce stade et risque au contraire d’être contre-productive. Peut-on vraiment affirmer que l’absence de vaccination de certains personnels soignants traduit un refus ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une perte de confiance vis-à-vis des institutions ? Comment se fier à un management qui n’a pas de marge de manoeuvre pour redonner du sens aux métiers du soin ? Comment se fier à des tutelles qui durant cette crise ont multiplié les incohérences auprès des soignants ? Aller travailler sans masque, puis seulement avec un masque chirurgical, puis plutôt avec un FFP2, partir en éviction 14 jours en cas de positivité au COVID, puis venir en étant positif mais sans symptôme en respectant les gestes barrières... Toutes ces injonctions se sont succédé en lien étroit avec la gestion de pénurie de matériels et de ressources humaines. Nous nous souvenons tous de la peur alors. Peur de contracter la maladie, de la diffuser dans nos foyers et aux patients.

Il est injuste aujourd’hui de montrer les soignants du doigt en doutant de leur conscience professionnelle. Certains sont perdus. Ils ne savent plus qui à se fier et reçoivent comme beaucoup de Français une information brouillée. Pour regagner leur confiance, il faut aller vers eux, continuer à échanger avec les collègues qui ne sont pas encore vaccinés pour répondre aux interrogations de ceux qui hésitent encore, les écouter, les rassurer. Cette stratégie bienveillante a bien fonctionné dans certains services où près de 100 % du personnel est vacciné. Capitalisons sur ces expériences positives en faisant confiance à notre intelligence collective. Toute démocratie, sanitaire ici, exige le débat et l’échange d’arguments entre tous les acteurs de terrain.

S’il faut absolument protéger les patients des infections nosocomiales au SARS-COV2, le frein à la vaccination de tous les Français est aussi un vrai problème qu’il faut prendre à bras-le-corps. Le vrai sujet dans l’éventualité d’une 4ème vague, sera à nouveau la capacité de nos hôpitaux à faire face. Le vrai sujet n’est pas seulement d’avoir des soignants vaccinés mais des soignants "tout court".

Le problème ne se limite pas, nous semble-t-il, à celui de la vaccination des soignants hésitants ; il concerne celle de toute la population, notamment la plus vulnérable. Le problème actuel est aussi et surtout celui d’un hôpital en crise : le manque d’infirmièr.e.s, d’aides-soignant.e.s et de médecins ne cesse de s’aggraver depuis 18 mois et entraîne chaque jour la fermeture forcée de secteurs hospitaliers qui, de fait, ne peuvent plus accueillir les patients qui le nécessitent. Culpabiliser et stigmatiser les soignants hésitants à se faire vacciner dans ce contexte n’est pas raisonnable et pourrait conduire à accentuer la fuite de personnels de l’hôpital public (30% de postes vacants et autant de lits fermés).

Abandon de l’hôpital public
Il est important de comprendre en pratique quelles sont les conséquences de l’abandon de l’hôpital public. Cela signifie pour nous tous, citoyens, patients ou futurs patients de véritables pertes de chance, des conditions indignes de prise en soins, des attentes interminables sur des brancards aux urgences, des délais (retards) de prise en charge en hospitalisation ou en consultation inacceptables. Dans ces conditions dégradées, les soignants ont le sentiment de perdre le sens de leur métier, les valeurs du soin et la solidarité auxquelles ils sont profondément attachés. Bien que nous, personnels hospitaliers, alertions depuis des années, la situation se dégrade et devient intenable. La surdité de nos directions, tutelles et gouvernements successifs est devenue insupportable.

Malgré la mobilisation exceptionnelle de tous les professionnels de la santé avec les usagers, au sein du Collectif Inter-Urgences (CIU) et du Collectif Inter-Hôpitaux (CIH) et avec de nombreux syndicats professionnels depuis plus de 2 ans, les demandes pour l’hôpital public n’ont toujours pas été entendues. La crise COVID a aggravé une situation déjà catastrophique. Le Ségur n’a été qu’un petit sparadrap sur une plaie béante. Le choc d’attractivité n’est clairement pas là.

Le devoir et l’obligation pour l’État est de donner à l’hôpital public les moyens d’assurer ses missions : de garantir un accès à des soins de qualité pour tous, d’éviter la mise en danger des patients due au manque de personnels, de lits, de matériels et de médicaments. Car ce sont ces pénuries-là, qui ont été mises au grand jour lors de cette crise. Nous défendons le juste soin pour les patients. Celui-ci passe avant tout par des organisations plus cohérentes, plus démocratiques, des moyens suffisants et des conditions de travail dignes : nombre de personnels suffisants aux lits des malades, moyens adaptés aux besoins, gouvernance partagée pour les orientations stratégiques de l’hôpital.

C’est ce combat qu’il faut mener pour assurer à tous des soins de qualité et en toute sécurité. Obligeons nos dirigeants et les pouvoirs publics à remplir enfin leurs missions de santé publique, à tirer les leçons de cette crise pour refonder le système de santé. Engageons-nous, tous ensemble, soignants et soignés, personnels hospitaliers et de santé et citoyens, pour sauver notre hôpital public, en soutenant le projet de référendum d’initiative partagée porté par l’association soutenue par le CIU et le CIH "Notre hôpital, c’est vous" (www.notrehopital.org) !

Noémie Banes, Infirmière, Cadre de Santé, Hôpital d’Oloron-Sainte-Marie

Ludovic Billard, Cadre de santé, CHU de Nantes

Philippe Bizouarn, Anesthésiste-réanimateur, CHU de Nantes

Julie Bourmaleau, cadre de santé, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Sophie Crozier, Neurologue, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Aline Frazier, Rhumatologue, Hôpital Lariboisière, APHP, Paris

Jean Ruiz, Anesthésiste-réanimateur, CHU de Toulouse

François Salachas, Neurologue, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Julien Taïeb, Hépatologue, Hôpital Européen Georges Pompidou, APHP, Paris

Catherine Adamsbaum, Radiologue, CHU de Kremlin-Bicêtre, APHP

Soizic Beaumier, Pédiatre, Hôpital d’Aubagne

Chérine Benzouid, Pédiatre, Hôpital Robert Debré, APHP, Paris

Véronique Boisson, Anesthésiste-réanimatrice, CHU St-Pierre de la Réunion

François Boué, Immunologue, Hôpital Béclère, APHP, Clamart

Barbara Coué, Infirmière, Hôpital Lariboisière, APHP, Paris

Jérémy Chanchou, Aide-Soignant, Centre hospitalier d’Arles

Olivier Costa, Aide-soignant, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Sabine Dhennequin, Secrétaire hospitalière, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Boris Emery, Ambulancier, Hôpital Raymond Poincaré, APHP, Garches

Fabienne Eymard, Infirmière, Cadre de santé, APHM, Marseille

Estelle Gajeweski, Puéricultrice, Centre hospitalier d’Epernay

Laurence Gembara, Psychiatre, CHU de Clermont-Ferrand

Isabelle Guichard, Interniste, Hôpital de Saint-Etienne

Gisèle Hapter, Pédopsychiatre, Hôpital Jacques Monod, Le Havre et CHU de Rouen

Kevin Houget, Aide-soignant, CHU de Rennes

Sylvie Lotton-Barbotin, Gériatre, Hôpital de Quimperlé

Yves Maes, Aide-soignant, Centre hospitalier d’Arles

Marion Malphettes, Hématologue, Hôpital Saint-Louis, APHP, Paris

Marie-Pierre Martin, Infirmière, Hôpital Necker, APHP, Paris

Marie-Hélène Metzger, Médecin de Santé Publique, Hôpital Béclère, APHP, Clamart

Sophie Michallet, Infirmière, CHU de Grenoble

Anca Nica, neurologue, CHU de Rennes

Remy Olympie, Infirmier, Hôpital de Guingamp

Fabien Paris, Infirmier, Hôpital de Saint-Nazaire

Estelle Payen, Aide-soignante, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Sylvie Pécard, Infirmière, Hôpital Saint-Louis, APHP, Paris

Maud Pontis, psychologue, CHU de Rennes

Morgan Quentel Barbi, Aide-soignant, Centre Hospitalier de Brest-Carhaix

Bastien Reisler, Infirmier, Centre Hospitalier de Chambéry

Aurélie Ruiz, Infirmière, Centre hospitalier de Montpellier

Grégory Salvary, Infirmier, Centre Hospitalier de Mont de Marsan

Eric Sartori, Neurologue, Groupe Hospitalier Bretagne Sud, Lorient

Pierre Schowb-Tellier, Infirmier, Hôpital Beaujon, APHP, Clichy

Aline Tanvouez, Aide-soignante, APHM, Marseille

Mélanie Teyssier, Infirmière, Cadre de Santé, Hôpital Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Arnaud Tuilleras, Infirmier, Hôpital de Limoges

Christophe Trivalle, Gériatre, Hôpital Paul-Brousse, APHP, Villejuif

Laurent Vassal, Psychiatre, Hôpital de Ville-Evrard, Neuilly-sur-Marne

Cécile Vigneau, Néphrologue, CHU de Rennes