Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Libération - CheckNews - La plus grande contagiosité du variant delta remet-elle en question l’idée d’immunité collective ?

Août 2021, par Info santé sécu social

Si le nombre de personnes qu’une personne infectée peut contaminer est trop élevé, et si le vaccin ne limite pas suffisamment le risque d’être porteur asymptomatique, la vaccination seule ne peut suffire à endiguer l’épidémie.

par Florian Gouthière
publié le 13 août 2021

Ce mardi, le chef du Oxford Vaccine Group, Andrew Pollard, a publiquement qualifié de « mythe » l’objectif d’une immunité collective dans un monde où se propage le variant delta. Deux jours plus tôt, c’était l’épidémiologiste en chef islandais, Thorolfur Gudnason qui déclarait dans une interview qu’« obtenir l’immunité collective par la vaccination générale est hors d’atteinte ». Le variant delta rebat-il réellement les cartes et, si oui, pour quelles raisons ?

Une épidémie poursuit sa progression tant qu’une personne contaminée peut en contaminer plusieurs autres : ce nombre de personnes nouvellement contaminées, c’est le désormais célèbre « R », ou taux de reproduction de la maladie. Comme expliqué dans un précédent article, la valeur de ce « R » est modulée par plusieurs facteurs dont le nombre de personnes avec lesquelles un infecté est en interaction durant la période de contagiosité, et la facilité avec laquelle une contamination peut survenir à l’occasion de chaque contact.

L’un des bénéfices escompté de la vaccination – outre l’objectif primaire d’une réduction du risque de développer des formes graves du Covid-19 – est de réduire fortement le risque d’infection et la contagiosité des vaccinés. Avec un vaccin qui empêcherait totalement – ou réduirait très fortement – le risque d’infection des vaccinés, il ne serait pas nécessaire de l’administrer à l’ensemble de la population pour parvenir à casser les chaînes de contamination : c’est le principe de l’immunité collective.

Mais plusieurs travaux préliminaires récents ont mis en avant certains éléments préoccupants. Premièrement, le variant delta est indéniablement plus contagieux que ses prédécesseurs – environ deux fois plus que la souche en circulation au début de l’épidémie, selon des travaux suisses présentés en juin dernier. Le nombre de personnes contaminées par chaque non-vacciné infecté est donc plus important. Avec un vaccin qui protégerait fortement contre l’infection, même asymptomatique, on aurait alors besoin d’une couverture vaccinale plus importante (c’est-à-dire un nombre de vaccinés plus important) pour réduire le nombre de personnes potentiellement infectées durant la période de contagiosité. Concernant l’immunité conférée par une infection antérieure par un précédent variant du Sars-CoV-2, des recherches pointent un risque de réinfection plus important en présence delta.

Moins efficaces contre les infections asymptomatiques

Quelques travaux préliminaires ont suggéré deux autres faits inquiétants. Certes, les vaccins actuels conservent une certaine efficacité contre les formes symptomatiques (avec Pfizer, on passerait d’une protection d’environ 93 % face au variant alpha à 88 % face à delta, et d’environ 75 % à 67 % pour AstraZeneca). En revanche, des travaux laissent craindre qu’ils soient moins efficaces pour limiter les infections asymptomatiques. Une étude écossaise estime ainsi la protection conférée par AstraZeneca voisine de 60 %, et de 80 % avec Pfizer, toutes infections confondues (contre respectivement 73 % et 90 % face au variant alpha). Une publication de l’Imperial College (qui n’effectue pas une analyse selon le type de vaccin employé) constate un taux d’efficacité contre l’infection, en population générale, voisin de 50 %.

Second point d’inquiétude : plusieurs données issues du terrain suggèrent qu’en cas d’infection, la charge virale des infectés pourrait être notablement élevée durant les premiers jours d’infection, que l’on soit vacciné ou non. Ces observations restent encore fragiles, et les quelques communications sur le sujet restent encore contradictoires. En outre, les mesures de « charge virale » ne reflètent qu’imparfaitement le potentiel de contagiosité.