Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Vers la vaccination des enfants ?

Août 2021, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 17 août 2021

Ce 13 août, la Direction générale de la Santé (DGS) a publié une mise au point sur la vaccination des adolescents, en rappelant notamment que conformément à l’avis de la Haute autorité de Santé du 27 juillet, les personnes âgées de 12 à 17 ans peuvent être vaccinées contre la Covid avec le vaccin Moderna, ce qui permet une vaccination en ville (en officine et en cabinet médical). Cette ouverture pourrait permettre d’accroître encore la couverture vaccinale dans cette tranche d’âge qui atteint des niveaux déjà remarquables : 50 % ont reçu une primo injection et 23 % sont complètement vaccinés. On relève cependant des disparités régionales qui miment celles concernant les adultes : le nord et par exemple la Normandie avec 57,9 % de primo vaccinés connait ainsi des niveaux de protection plus élevés que le sud ou les territoires d’outre-mer. Aussi, partout sur le territoire, la médiation des pédiatres ou des médecins de « famille » devrait contribuer à rassurer les parents (et enfants) qui demeurent encore hésitants. En outre, alors que des travaux suggèrent une meilleure protection par le vaccin Moderna quant au risque d’être infecté par le variant Delta (et donc de le transmettre), le recours à ce produit chez les plus jeunes semble d’autant plus indiqué, puisque leur vaccination est quasiment tout autant à visée « altruiste » qu’individuelle.

Des cas plus nombreux entraînant mathématiquement une hausse des complications graves qui restent très rares

Cependant, parallèlement à cette vaccination des adolescents, de nombreux experts s’intéressent à la vaccination des plus jeunes, même si pour l’heure, aucun vaccin n’a été homologué chez les moins de douze ans. Le variant Delta pèse inévitablement dans cette réflexion. En premier lieu, même si quelques cas d’infection chez des nouveau-nés ayant nécessité des hospitalisations (mais sans cependant entraîner de risque vital) ont été rapportés en France ces derniers jours (notamment à Nice), il ne semble pas que le variant Delta soit associé à une augmentation des formes graves chez les plus jeunes. Cependant, ce virus plus contagieux conduit mathématiquement à une progression du nombre de cas chez les plus jeunes (y compris graves), qui ne sont en outre pas protégés par la vaccination. Ainsi, depuis juillet le nombre d’enfants infectés par SARS-CoV-2 a été multiplié par dix (mais le nombre de sujets hospitalisés de moins de 9 ans ne dépasse pas 44). Même situation aux États-Unis à propos desquels l’épidémiologiste suisse Antoine Flahault note pour Sciences et Avenir : « Ils étaient moins de 13% des cas de Covid-19 aux États-Unis depuis le début de la pandémie et représentent désormais un cas sur cinq. Leur nombre hebdomadaire a plus que doublé là-bas la semaine dernière ». Le pédiatre Robert Cohen confirme aussi interrogé par France Info : « On s’est tué à dire pendant des mois, nous les pédiatres, que les enfants ne jouaient pas de rôle dans la dynamique de l’épidémie, ce qui était exactement vrai. Mais avec le variant Delta, on ne peut plus affirmer la même chose. Ce sont des virus deux à trois fois plus contagieux ! Même si les enfants sont naturellement moins transmetteurs, avec un variant d’une telle contagiosité, ils transmettent désormais comme les adultes pouvaient le faire avec le variant anglais, donc on a un vrai problème ».

Le test de la rentrée

Dès lors, l’hypothèse d’une vaccination des plus jeunes si un vaccin était autorisé est clairement posée. « Qu’on envisage la vaccination des enfants avec le variant Delta, ça me parait une évidence scientifique » décrypte ainsi le professeur Cohen, ajoutant que l’enjeu ne concerne pas uniquement l’immunité collective mais aussi la santé des enfants : « Même si le risque d’hospitalisation est mince pour les enfants, il risque d’y avoir mathématiquement, aussi, plus d’enfants hospitalisés avec un virus pareil ». Aussi, même si aucun vaccin ne sera probablement homologué dans les semaines qui viennent, la rentrée scolaire est en ligne de mire. Ainsi, l’Institut Pasteur estime que jusqu’à 50 000 cas par jour (!) pourraient être enregistrés chez les plus jeunes en septembre (ce qui suppose de réaliser au moins autant de tests dans cette tranche d’âge). La Réunion, qui voit ses enfants reprendre le chemin de l’école cette semaine, et alors que l’incidence y est élevée (400 cas pour 100 000 avec une couverture vaccinale chez les plus de 12 ans inférieure à celle de la métropole) pourrait servir de test.

La prudence de la FDA critiquée outre-Atlantique

On le sait, Pfizer/BioNTech et Moderna ont déjà lancé des essais cliniques concernant les plus jeunes dont les premiers résultats devraient être connus en septembre. Cependant, la Food and Drug Administration estime que la plus grande prudence s’impose. Ainsi, le New York Times a révélé fin juillet qu’elle avait demandé aux laboratoires d’augmenter le nombre de participants aux essais, tandis qu’elle souhaite pouvoir s’appuyer sur des données de sécurité sur six mois et non deux mois comme cela est cas pour les adultes. Aux Etats-Unis, ces précautions irritent certains observateurs. Le président de la Société américaine de pédiatrie, le Dr Lee Savio Beers a ainsi estimé sur CNN : « Il est vraiment important de s’assurer que nous abordons l’autorisation du vaccin Covid pour nos plus jeunes enfants avec la même urgence que nous l’avons fait pour les adultes ». Par ailleurs, dans une lettre adressée à la FDA, il a encore relevé : « Si nous apprécions cette démarche prudente visant à recueillir davantage de données sur la sécurité, nous demandons instamment à la FDA d’examiner attentivement l’impact de cette décision sur le calendrier d’autorisation du vaccin pour ce groupe d’âge Attendre 6 mois entravera considérablement la capacité à réduire la propagation du variant Delta hyper contagieux ».

Une tempérance sincère…

Les spécialistes français semblent conserver (pour l’heure) un peu plus de tempérance. Ainsi, dans Sciences et Avenir, le professeur Alain Fischer insiste : « Il y a quelques enfants qui ont des maladies très graves qui les exposent à des Covid sévères parce que leur système immunitaire est défectueux, et qui ont été vaccinés en France, mais c’est un tout petit nombre (5 272 au 30 juin selon SPF, ndrl). Mais il est hors de question de vacciner des enfants bien portants sans avoir des garanties solides sur la sécurité du vaccin. Ça, c’est essentiel, on ne peut pas se permettre une prise de risque chez des enfants en bonne santé » ajoutant encore : « Les résultats des essais cliniques en cours devraient être disponibles à la fin de l’automne. On verra à ce moment-là, en fonction de la situation de circulation virale, quel risque résiduel il y a pour les enfants et quel besoin il y a en termes d’immunité collective de vacciner les enfants. Ce n’est pas exclu qu’on vaccine les enfants, disons entre 5 et 12 ans, dans quelques mois, mais si l’épidémie est contrôlée et qu’il y a très peu de cas ça ne sera peut-être pas nécessaire ». Cependant, chez le professeur Antoine Flahault la question de la vaccination des enfants dès lors qu’un vaccin serait homologué ne suscite pas tant de précautions : « Dès qu’un vaccin sera reconnu comme sûr et efficace chez eux, il ne sera pas très éthique de ne pas le proposer aux enfants. Pourquoi priver les enfants d’une telle protection et risquer d’exposer plus longtemps des enfants à ce virus et ses variants ? » s’interroge-t-il, considérant avec cette réponse comme peu recevables les arguments de protestation de l’OMS estimant qu’avant la vaccination des plus jeunes les moins à risque, il aurait été préférable d’organiser la protection des populations vulnérables du monde entier.

… ou feinte ?

Certains considéreront probablement que la tempérance de certains experts n’est qu’un effet d’affichage et qu’il est plus que probable que la vaccination des enfants soit rapidement à l’ordre du jour dès qu’un vaccin à ARNm sera autorisé (par exemple aux États-Unis). Les réticences que le Conseil national d’éthique pourrait exprimer (à l’instar de celles qu’il avait émises concernant la vaccination des adolescents) ne suffiront probablement pas à freiner ce mouvement. Demeureront cependant de nombreuses questions tant pratiques que politiques. A quel âge faudra-t-il commencer la vaccination ? Quel vaccin devra être privilégié (compte tenu de la possible différence en ce qui concerne la réduction du risque d’infection et de transmission) ? Surtout, l’acceptation d’une telle mesure sera une question cruciale, d’autant plus si certains voulaient s’aventure à élargir le fameux passe sanitaire aux moins de 12 ans (ce qui est déjà le cas désormais en Israël). Faussement naïf, le professeur Cohen note à propos de l’opposition supposée des parents : « Mais pourquoi refuseraient-ils ? À la fin août, on aura atteint 50 millions de primo-vaccinés chez les adultes, pourquoi refuseraient-ils le vaccin pour leurs enfants si les essais cliniques prouvent innocuité et efficacité pour les plus jeunes ? ». Un argument qui on s’en doute ne devrait pas suffire.

Aurélie Haroche