Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Les Echos - Vaccins contre le Covid : l’Occident lance la troisième dose au détriment des pays pauvres

Août 2021, par Info santé sécu social

Les Etats-Unis incitent toutes les personnes vaccinées en début d’année à subir une troisième injection en raison d’une baisse de la protection immunitaire. D’autres pays occidentaux envisagent de leur emboîter le pas, au risque de priver les pays pauvres de vaccins.

Par Yves Bourdillon
Publié le 19 août 2021

La dynamique en faveur d’une troisième injection de vaccin contre le Covid-19 a pris une ampleur peut-être décisive dans les pays occidentaux avec la décision des Etats-Unis, mercredi, d’inciter toutes les personnes vaccinées depuis plus de huit mois à effectuer une piqûre de rappel à partir du 20 septembre. Il y a une semain e, les autorités sanitaires ne recommandaient ce rappel que pour les personnes immunodéprimées.

Il s’agit de « booster » le système immunitaire face au variant Delta qui a supplanté tous les autres et qui, très contagieux, s’avère être responsable de la réinfection (« breakthrough case ») de personnes vaccinées.

Une nette baisse avec le temps
L’Agence américaine des médicaments (FDA) et le Centre de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) ont annoncé que les données disponibles, sans préciser lesquelles, « montrent clairement que la protection contre l’infection au SARS-CoV-2 commence à baisser avec le temps après les premières doses de vaccin ». Tous les Américains sont vaccinés avec Pfizer, Moderna et J & J, le vaccin AstraZeneca n’étant pas homologué dans le pays.

Washington emboîte ainsi le pas à la Turquie et à Israël, où un huitième de la population a déjà reçu une troisième dose de vaccin Pfizer et où sont désormais éligibles les personnes de plus de 50 ans. La France et l’Allemagne devraient suivre. Berlin proposera une troisième dose à partir du 1er septembre aux plus fragiles. Paris compte faire de même dès que la Haute Autorité de santé aura donné son feu vert, sans que l’extension à l’ensemble de la population soit encore d’actualité. La Serbie a autorisé récemment une troisième dose pour tous ceux vaccinés depuis plus de six mois.

Une stratégie à courte vue
Cette décision pose deux questions délicates. La première, aux aspects à la fois éthiques et prophylactiques, est que les pays riches vont siphonner les doses disponibles et priver les pays pauvres de doses dont ils ont urgemment besoin, s’alarme Tedros Ghebreyesus, le patron de l’Organisation mondiale de la santé.

« On peut essayer, avec une troisième dose généralisée, d’aller au bout du maximum de la protection, mais hormis pour certaines personnes immunodéprimées, ce n’est pas pertinent car les vaccins protègent déjà très bien contre les formes graves », fait valoir Anne Sénéquier, médecin et expert auprès de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Qui ajoute « il ne faut pas réfléchir uniquement dans un cadre national, ces doses seraient bien plus utiles dans des pays pauvres, l’Afrique n’est vaccinée qu’à 2 %. Tant que le virus circule largement là-bas nous sommes en danger devant l’émergence probable d’un variant encore plus contagieux, voire létal ».

Une chute troublante
La rapidité avec laquelle un rappel s’impose a aussi de quoi interpeller. Une troisième injection au bout de huit mois, pour un vaccin pour adulte, semble quasiment sans précédent. Nombre d’injections sont valables à vie. La troisième dose induira-t-elle une immunité moins fugace que la deuxième ? L’efficacité (Pfizer comme AstraZeneca) contre le risque infectieux a perdu dix points en trois mois chez ceux ayant reçu deux injections, pour tomber dans une fourchette comprise entre 68 % et 75 %, selon une étude britannique publiée mercredi. Une étude israélienne affirme que la troisième dose est très efficace, mais elle n’a que quelques semaines de recul.

Le recul de l’efficacité d’environ un point par semaine face au variant Delta est « préoccupant », concède Anne Sénéquier. Qui rappelle toutefois qu’au moins cent vaccins contre le Covid sont en développement dans le monde. Elle estime que la stratégie du « tout vaccin » devra être complétée par le déploiement de traitements, pour lesquelles des recherches sont en cours.

Yves Bourdillon