Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Quotidien du médecin - Dr Frédérique Dulorme (URPS ML Guadeloupe) : « La situation est catastrophique et la tension hospitalière se ressent fortement en ville »

Août 2021, par Info santé sécu social

PAR LOAN TRANTHIMY - PUBLIÉ LE 27/08/2021

Présidente de l’URPS médecins libéraux Guadeloupe et pédiatre installée à Lamentin, le Dr Frédérique Dulorme témoigne de la situation dramatique dans laquelle se trouve ce territoire ultramarin face au Covid-19. Elle souligne la forte mobilisation de la profession dans ce combat qui se joue aussi sur le terrain de l’information médicale.

LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation sanitaire en Guadeloupe  ?

Dr FRÉDÉRIQUE DULORME : Elle est catastrophique ! Depuis plus d’une semaine, les taux d’incidence varient entre 1 900 et 2 100 cas pour 100 000 habitants, entraînant une saturation au niveau hospitalier et nécessitant la création de lits de réanimation supplémentaires. L’hôpital a triplé sa capacité initiale avec l’ouverture d’unités Covid qui accueillent plus de 300 patients par jour. Et cette tension hospitalière se ressent fortement en ville.

De quelle façon ?

Les médecins libéraux reçoivent beaucoup de demandes de consultation, avec des malades du Covid dont l’état de santé s’aggrave. Mais certains d’entre eux, malgré leurs comorbidités et leur âge, ont moins de chance d’intégrer les services hospitaliers en tension. Nous ne pouvons les adresser à l’hôpital que s’il y a des sorties médicalisées, et qui sont souvent très lourdes.

En ville, nous avons mis en place une coordination avec les infirmiers pour qu’un certain nombre de malades du Covid, même pour des cas sévères, restent à domicile en bénéficiant de l’oxygène. Ce besoin en concentrateurs d’oxygène a explosé en ville comme à l’hôpital et conduit à une pénurie que nous espérons en voie de règlement.

En tant que pédiatre, j’ai également constaté une augmentation des demandes de consultation pour le Covid par rapport aux vagues précédentes. J’ai dû hospitaliser des nouveau-nés pour des encombrements mal tolérés, des diarrhées profuses avec des risques de déshydratation.

Comment s’organisent les médecins face à cet afflux de sollicitations ?

Les généralistes sont en première ligne dans cette crise et vivent des situations compliquées avec l’anxiété et le désespoir de certaines familles. Mais quelle que soit leur spécialité, les médecins libéraux se sont organisés pour proposer soit des téléconsultations aux patients testés positifs, soit des créneaux de rendez-vous pour éviter de mélanger les patients dans les salles d’attente.

La sous-vaccination fait les ravages dans les Antilles. Comment les médecins peuvent-ils convaincre les indécis ?

Ici, les craintes entendues par rapport aux effets secondaires ou aux technologies développées du vaccin sont finalement les mêmes qu’en métropole. Mais on dirait que le mouvement antivax a été plus écouté en Guadeloupe et c’est très problématique.

Pour lever les doutes et les peurs, les médecins, quotidiennement en colloque singulier, essayent de déconstruire les fausses informations et font de la pédagogie. Nous avons mis en place un certain nombre d’actions pour donner plus de visibilité et d’écho à la parole médicale dans la prise en charge et la prévention par la vaccination. C’est un travail extrêmement chronophage mais vital pour que la population puisse choisir la vaccination de façon confiante et éclairée.

Dans le cadre de la campagne de vaccination, les libéraux rencontrent-ils des difficultés  ?

Le délai entre les commandes et les livraisons a été un frein. Comme nous ne pouvons pas stocker les doses dans les cabinets, nous perdons l’adhésion de certains patients. Mais surtout, les libéraux sont sollicités pour tout : dépister, vacciner, renforcer les unités Covid… Dans un contexte de pénurie médicale préexistante, le combat est très difficile. Malgré tout, nous ne baissons pas les bras et appelons la population à se faire vacciner. C’est la seule façon pour sortir de cette situation dramatique que nous sommes en train de vivre.

Propos recueillis par Loan Tranthimy