Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Faut-il s’inquiéter de la hausse d’incidence des contaminations par SARS-CoV-2 ?

Octobre 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 18 octobre 2021

Beaucoup nous y avaient bien sûr préparés. Sur l’air de « toutes les bonnes choses ont une fin », de nombreux épidémiologistes rappelaient que même si SARS-CoV-2 n’a pas exactement eu de comportement saisonnier, le retour des températures froides était nécessairement propice à la transmission du virus.

Cependant, parallèlement, la tonalité positive du pourtant habituellement très circonspect Institut Pasteur et la diminution constante du taux d’incidence depuis deux mois incitaient à l’optimisme.

La levée du port du masque à l’école était-elle de mauvais augure
Las, depuis quelques jours, le taux d’incidence connaît une légère progression, atteignant 46 cas pour 100 000 contre 43 au cours de la première semaine d’octobre, soit une progression de 4,1 %. On relève encore que ce dimanche, le nombre de cas positifs a atteint + 35 % par rapport à la semaine dernière. Dans une vingtaine de départements, ce qui a un temps été considéré comme un « seuil d’alerte », soit 50 cas pour 100 000 habitants, a été dépassé. A l’échelle nationale, la progression concerne notamment la tranche d’âge des 60/79 ans avec une augmentation de + 21,4 % en une semaine. Mais on note également, dans certaines localités où l’obligation du port du masque à l’école a été levée à l’école, des clusters dans les établissements scolaires. D’ailleurs, quelques départements qui ont pu bénéficier de cette mesure pourraient être contraints de l’imposer à nouveau : c’est déjà le cas en Lozère. Sans doute, cette situation ne fera que conforter certains des épidémiologistes qui avaient mis en garde contre cet assouplissement qu’ils considéraient prématuré.

Dans les hôpitaux, jusqu’ici tout va bien
Le relâchement des mesures permettant de limiter la circulation du virus (et pas seulement dans les écoles primaires) peut être l’une des raisons de l’encore très légère reprise qui parait être observée. La limitation de la possibilité des rencontres en plein air et des aérations moins importantes sont également probablement en cause. Faut-il s’inquiéter pour autant ? D’abord, pour l’heure, il n’y a absolument aucun signe d’augmentation de l’activité liée à la Covid dans les établissements hospitaliers. D’ailleurs, l’exemple de la Grande-Bretagne est à cet égard intéressant : malgré une hausse certaine des contaminations (avec autour de 40 000 cas par jour), le nombre des hospitalisations reste en recul. L’exemple de la vague précédente en France semble d’ailleurs confirmer que le profil de l’épidémie, grâce notamment à la vaccination, a évolué. Cependant, les médecins mettent en garde contre des flambées locales (comme cela a été le cas cet été) et ne peuvent que signaler l’extrême lassitude des équipes.

Des atouts (parfois paradoxaux) et des bémols

Les atouts de notre pays face à ce qui est encore loin de constituer un nouveau rebond épidémique (et encore moins une vague) sont (outre à très court terme les vacances de la Toussaint qui entraineront probablement une circulation moindre) son haut taux de vaccination (près de 74 % de la population a un schéma vaccinal complet) et paradoxalement le fait que la vaccination ait été tardive. « Comme nous avons vacciné très tard - une bonne partie à reçu les injections au mois de juin - on peut imaginer qu’avec un vaccin efficace pendant six mois on est couvert jusqu’à décembre », remarque ainsi dans l’Express, le Dr Benjamin Davido (Raymond Poincaré).

Nous comptons cependant également quelques faiblesses. D’abord, la campagne de rappel vaccinal ne rencontre pas le succès espéré, avec aujourd’hui par exemple à peine la moitié des résidents d’Établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes (EHPAD) éligibles ayant reçu une troisième dose. Cette situation préoccupe Benjamin Davido : « Mon souci est le suivant : j’ai l’impression qu’on a, en partie, oublié que l’immunité restait relativement transitoire. Or si on n’arrive pas à mettre en place une campagne de vaccination portant sur la troisième dose (…) on risque de se retrouver dans une situation où un certain nombre de gens qui n’ont pas fait le rappel auront perdu leur immunité au mois de janvier » constate-t-il. Au-delà même de cette injection de rappel, la France n’a jamais complètement réussi à rattraper son retard en ce qui concerne la vaccination des plus âgés, qui n’atteint pas les couvertures pléthoriques de plusieurs de ses voisins. Ainsi, 9 % des 60/64 ans, 10 % des 65/69 ans et 13 % des plus de 80 ans n’ont reçu aucune dose de vaccin contre la Covid. Enfin, dernier point de fragilité : le récent abandon de la gratuité des tests de dépistage pourrait conduire à leur chute, complexifiant la surveillance de l’épidémie.

SARS-CoV-2 est là pour durer
En tout état de cause, ce frémissement conduit plusieurs spécialistes à rappeler ce qui a déjà souvent été dit : SARS-CoV-2 ne devrait probablement jamais disparaître. Le spécialiste suisse, professeur aux hôpitaux universitaires de Genève, Dominique Pittet analysait ainsi récemment sur Europe 1 : « Que le virus ne disparaisse jamais, c’est pratiquement certain. Notre scénario principal, c’est que probablement, il va simplement rejoindre les quatre autres familles de coronavirus avec lesquelles nous vivons depuis des centaines d’années et pour lesquelles nous avons tous des anticorps… C’est probablement le chemin vers lequel nous nous acheminons dans quelques années ». Mais à moyen terme, il est plutôt sombre, prédisant que l’automne ne pourra pas être serein.

La fin du passe ne passera pas
Voilà qui renvoie une nouvelle fois à de lointaines perspectives la levée de toutes les mesures de contrôle de l’épidémie et de la vaccination, en tout cas en France (d’autres ont fait des choix différents, comme la Grande-Bretagne). C’est dans ce contexte que ne peut apparaître que d’autant plus éphémère, le vote en commission de l’Assemblée nationale examinant le projet de loi sur la vigilance sanitaire, d’un amendement de Pacôme Rupin (La République en marche). Ce texte, adopté contre toute attente ce vendredi, prévoit que le passe sanitaire ne pourrait être exigé au-delà du 15 novembre que dans les territoires où le taux d’incidence dépasse les 50/100 000. « Il est important de mettre des critères. On ne peut pas laisser une totale faculté au gouvernement d’utiliser cet outil sans un minimum de règles. Je pense qu’on peut avancer, peut-être pas sur celui-là [son amendement adopté], mais sur un encadrement un peu plus strict », a estimé le député. Sans doute, l’évolution, même encore très mesurée, de l’épidémie ne joue pas en sa faveur.

Aurélie Haroche