Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : de nouvelles modélisations de l’Institut Pasteur confirment l’intérêt d’étendre le rappel vaccinal

Novembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : de nouvelles modélisations de l’Institut Pasteur confirment l’intérêt d’étendre le rappel vaccinal

Le pic des hospitalisations de la cinquième vague devrait se situer en janvier 2022. En plus de la troisième dose, les comportements individuels seront cruciaux pour enrayer la circulation du virus.

Par Delphine Roucaute

Publié le 29/11/2021

Combien de personnes pourraient être hospitalisées au plus fort de la cinquième vague ? C’est à cette question primordiale pour le système hospitalier que l’Institut Pasteur a tenté de répondre avec des modélisations, publiées lundi 29 novembre, impliquant de nombreux paramètres, tels que l’efficacité vaccinale (sur les infections et sur les hospitalisations), le taux de transmission du virus, le délai entre la dernière dose et le rappel et surtout la distribution de cette dose supplémentaire, qui équivaut, pour la majeure partie de la population, à une troisième injection de vaccin contre le Covid-19.

Les résultats préliminaires, communiqués la semaine dernière aux autorités, ont convaincu la Haute Autorité de santé (HAS) de recommander l’injection d’une dose de rappel à toute la population majeure, alors qu’elle préconisait six jours plus tôt de se limiter aux plus de 40 ans. Une prise de position qui illustre l’importance que cette dose supplémentaire peut représenter au moment où les contaminations continuent d’augmenter à un rythme hebdomadaire de plus de 60 %, et ce depuis plusieurs semaines.

Comme dans toute modélisation, différents scénarios ont été étudiés. Mais, dans le scénario de référence, perçu comme le plus réaliste en fonction des données actuelles, si l’on parvenait à injecter 400 000 doses de rappel par jour, en respectant un délai de cinq mois entre la primo-vaccination et ce rappel, « le pic des hospitalisations [serait] réduit de 20 %, 33 % et 44 % si le rappel cible [respectivement] les plus de 65 ans, les plus de 50 ans et les plus de 18 ans ». Si aucune dose de rappel n’était distribuée, le pic des hospitalisations pourrait atteindre 2 250 par jour. Si la recommandation, initialement envisagée par le gouvernement, de n’ouvrir la campagne qu’aux plus de 50 ans début décembre, avait été maintenue, le pic aurait pu être équivalent à celui atteint lors de la deuxième vague, en novembre 2020.

Pourquoi un tel écart avec l’amplitude de la vague observée cet été ? En raison de la baisse de l’efficacité vaccinale – essentiellement sur les infections –, mais aussi de l’effet du refroidissement des températures, que tous les modèles prennent en compte. On observe en effet « une amplitude des taux de transmission entre l’été et l’hiver estimée à 33 % », selon les résultats préliminaires d’une analyse visant à estimer l’impact des différentes mesures de contrôle et des variables climatiques sur les taux de transmission du SARS-CoV-2.

Absence de mesures restrictives
Point extrêmement important : dans le scénario de référence, les modélisateurs émettent l’hypothèse que « face à la croissance rapide de l’épidémie observée en novembre, les Français vont renforcer les comportements protecteurs (par exemple respect des gestes barrières et du port du masque, télétravail, réduction des contacts), conduisant à une diminution du nombre de reproduction (…) de 10 % à compter du 1er décembre ». Toute la question est donc désormais de savoir si, en l’absence de mesures restrictives de la part de l’exécutif, la population réduira d’elle-même ses contacts et les situations à risque de contamination.

« Ce qui est intéressant, c’est de montrer que de petites différences dans les taux de transmission ont un impact très important sur la taille du pic, et donc sur l’impact sanitaire et sur notre vie à tous, souligne Simon Cauchemez, responsable de l’unité Modélisation mathématique des maladies infectieuses à l’Institut Pasteur. Donc, un message vraiment important avec ces modélisations, c’est que l’effort qu’on devrait fournir maintenant pour casser ou réduire la dynamique de transmission n’est sans doute pas énorme. Si on télétravaille un peu plus, si on renforce le respect des gestes barrières, le port du masque, si on réduit un peu nos contacts, ça peut vraiment changer la donne. » Sans ces changements de comportements dans le prochain mois, « se posera la question de la mise en place de mesures sans doute plus restrictives, avec un impact économique et social plus fort », alerte le membre du conseil scientifique.

Ruée sur Doctolib
D’autant que c’est précisément parce que les adultes de 18 à 50 ans ont plus d’interactions sociales que leurs aînés qu’il est important de les inclure dans la campagne de rappel vaccinal. « Si on ne cible que les plus vieux, on réduit le risque d’hospitalisation, mais, quand le virus circule très vite dans la population chez les jeunes, il réussit finalement à atteindre aussi les plus fragiles. Et donc les modèles suggèrent, en effet, qu’en ciblant les adultes jeunes comme les plus vieux on a un impact plus fort sur l’épidémie, et finalement sur les hospitalisations », explique Simon Cauchemez. Et ce, même si les plus âgés n’ont pas accès prioritairement à la dose de rappel, un des phénomènes à craindre avec la ruée observée sur la plate-forme de prise de rendez-vous en ligne Doctolib à la suite des annonces faites par le ministre de la santé, Olivier Véran, le 25 novembre. Si jusque-là, le rythme de distribution est de l’ordre de 230 000 injections par jour sur la dernière semaine, plus de 570 000 rendez-vous par jour ont été pris en parallèle. De quoi espérer atteindre la cadence attendue pour aplatir la vague.

Ces modélisations devront nécessairement être mises à jour en fonction de l’actualité. D’ici quelques semaines, l’équipe de Simon Cauchemez devrait inclure l’hypothèse de la vaccination des enfants de 5 à 11 ans et l’impact que cela pourrait avoir sur la dynamique de l’épidémie. Mais aussi, dans un délai plus long, l’impact que pourrait avoir le variant Omicron, dont on sait relativement peu de choses pour le moment, notamment si un échappement partiel à la protection conférée par l’infection ou par le vaccin est confirmé ou si ses caractéristiques de transmissibilité diffèrent de celles de Delta.

« Si l’hypothèse de l’échappement immunitaire d’Omicron est confirmée, le risque est que ce variant soit plus transmissible dans les populations vaccinées, rappelle Simon Cauchemez. Dans ce contexte, le rappel est sans doute encore plus important car il procure malgré tout une meilleure immunité et réduit le potentiel de propagation. C’est un argument supplémentaire pour plaider en faveur de l’injection de doses de rappel le plus rapidement possible à un nombre le plus large possible de personnes. » Mais, dans tous les cas, le pic d’hospitalisations devant se situer plutôt dans la deuxième moitié de janvier, il faut espérer qu’Omicron ne changera pas d’ici-là complètement la donne.

Delphine Roucaute