Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - Omicron : premiers cas suspects en France, incertitudes sur les vaccins et fermetures en cascade des frontières

Novembre 2021, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 29 novembre 2021

Quelques heures à peine après que le ministre de la Santé a indiqué que compte tenu de la présence du variant Omicron du virus SARS-CoV-2 dans plusieurs pays d’Europe proches de la France, sa détection dans l’hexagone ne devrait pas se faire attendre, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal indiquait le recensement d’une dizaine de cas suspects. Il s’agit de personnes infectées par SARS-CoV-2 de retour d’Afrique-du-Sud, du Bostwana, d’Eswatini, du Lesotho, du Mozambique, de la Namibie et du Zimbabwe. Les séquençages, qualifiées de « prioritaires » sont en cours et les résultats devraient être connus demain, mercredi au plus tard. La détection du nouveau variant se heurte à l’absence de tests de criblage : en effet comme le précise la Direction générale de la Santé (DGS), Omicron ne présente aucune « mutation d’intérêt recherchée actuellement par criblage (L452R, E484K/Q) ». Néanmoins, « un résultat de criblage A0B0C0 peut suggérer sa présence mais n’est pas spécifique ;(…) un signal dit discordant (défaut de détection d’une cible dans le gène S) avec le dispositif RT-PCR de Thermo Fisher peut suggérer sa présence ». Dès lors, est-il fortement recommandé aux personnes de retour d’un des sept pays aujourd’hui considérés comme à risque de réaliser un test RT-PCR et non un test antigénique, d’autant plus que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ne s’est pas encore prononcée sur l’efficacité de ces derniers pour détecter le variant Omicron.

La troisième dose, plus que jamais d’actualité

Avant même l’annonce de l’identification de ces cas possibles en France, la DGS avait annoncé un renforcement de la politique d’isolement pour toutes les personnes en contact avec des sujets susceptibles d’avoir été infectés par Omicron. Ainsi, quel que soit leur statut vaccinal, ces individus doivent être « considérés comme contact à risque élevé et doivent donc être placés en quarantaine ». Cette disposition prise en urgence reflète bien les incertitudes majeures qui existent sur l’efficacité des vaccins face à Omicron.

Cependant, au-delà de ces mesures spécifiques, Olivier Véran a signalé que pour l’heure aucune restriction supplémentaire n’était prévue pour faire face à ce nouveau variant. « A l’heure à laquelle je vous parle, qu’il y ait ou non un ou deux ou dix cas de personnes contaminées par ce variant en circulation en Europe, voire en France, n’impacte pas le profil de la vague épidémique que nous connaissons. C’est une vague qui est déjà liée à un variant très contagieux, le variant Delta » a-t-il relevé. L’incitation à réaliser une dose de rappel vaccinal demeure donc la disposition phare du gouvernement (ainsi que celle de l’Organisation mondiale de la Santé), en dépit des zones d’ombre quant à l’efficacité des vaccins face à Omicron. A raison, note interrogé par Franceinfo, le Pr Jean-Daniel Lelièvre, chef du service des maladies infectieuses à l’Hôpital Henri Mondor à Créteil : « L’arrivée d’un nouveau variant est une indication à faire cette dose supplémentaire. (…) On ne connaît pas la sensibilité du variant Omicron mais, si on fait le parallèle avec le variant Delta, on sait que la 3e dose induit une protection beaucoup plus importante que les deux premières. Cette 3e dose a un effet immunologique beaucoup plus large ». Par ailleurs, concernant le risque que les vaccins actuels, basés sur le variant de Wuhan qui n’est aujourd’hui plus en circulation, ne soient plus aussi pertinents, il temporise : « Prenons l’exemple du variant Beta, dont on parle moins. Le laboratoire Moderna a fait des études avec un vaccin adapté au variant Beta et le vaccin dont on dispose à l’heure actuelle. On s’est aperçu que la vaccination avec le vaccin dont on dispose à l’heure actuelle était à peu près aussi efficace qu’un nouveau vaccin adapté au Beta. Donc, il faut rester prudent (…). Les vaccins ARN que nous avons à disposition permettent d’avoir une efficacité remarquable contre les variants Alpha, Beta et Delta alors qu’ils ne sont pas présents dans le vaccin. Il n’y a aucune raison de penser que ce ne sera pas la même chose avec le variant Omicron ».

Dix à quinze jours pour mieux cerner le niveau de menace
Au-delà de cette analyse optimiste et alors qu’une première image tridimensionnelle du variant Omicron, publiée par des chercheurs Italiens, montre qu’il compte beaucoup plus de mutations que le variant Delta, tout en notant que cela ne permet nullement de préjuger de la dangerosité de ces mutations, les scientifiques estiment que dix à quinze jours seront nécessaires pour en savoir plus sur Omicron. Sur sa contagiosité, sa pathogénicité et sa résistance aux réponses immunitaires naturelles et vaccinales. Le cofondateur du réseau Obépine (Observatoire épidémiologique dans les eaux usées), le Pr Vincent Maréchal, qui signale que l’apparition de ce nouveau variant en Afrique du Sud après le variant Alpha n’est pas une coïncidence et semble liée aux déficits immunitaires d’un grand nombre d’habitants de ce pays infectés par le VIH, indique que les investigations vont suivre deux pistes. D’abord, les travaux vont se concentrer sur le rôle de plusieurs mutations centrales dans la réponse immunitaire, afin de « savoir si les anticorps produits après la vaccination sont capables de neutraliser le virus ». Parallèlement, un travail épidémiologique va être mené pour déterminer la part de personnes vaccinées infectées par Omicron. « La combinaison de ces deux paramètres va nous permettre de savoir si ce virus peut échapper à la réponse immunitaire naturelle et à la réponse immunitaire post-vaccinale ». Notons à cet égard que selon l’OMS, les premières données suggèrent un risque accru de réinfection.

Réactifs, les laboratoires confrontés à « un vrai problème »
Parallèlement à ces recherches indispensables, les laboratoires sont déjà sur le pied de guerre. Pfizer-BioNTech a ainsi indiqué : « Nous avons immédiatement lancé des études sur le variant B.1.1.529 » qui « diffère clairement des variants déjà connus car il présente des mutations supplémentaires sur la protéine spike ». Les laboratoires ont depuis longtemps déjà affirmé qu’ils pourraient présenter en moins de six semaines un vaccin adapté à un nouveau variant et livrer les premières doses en 100 jours. Cependant, du côté de Moderna, on se montre plus prudent. Alors que le patron de l’entreprise qualifie Omicron de « vrai problème », on indique que 60 à 90 jours seront nécessaires pour mettre au point un nouveau prototype. Aussi, parallèlement, Moderna va évaluer l’efficacité du vaccin qu’il avait développé comme rappels face aux variants Alpha, Beta, Gamma et Delta. « Ce sera rapide car on a déjà les données cliniques à soumettre aux agences réglementaires » explique Stéphane Bancel cité par l’Express. Dans l’immédiat, il préconise d’augmenter le dosage de son vaccin pour la troisième injection.

Tempérance
Si la réactivité des laboratoires pharmaceutiques est encourageante (et alors qu’AstraZeneca a également indiqué être mobilisé), l’Agence européenne du médicament invite à la prudence : « Nous surveillons de près le variant B.1.1.529 nouvellement apparu, qui présente de nombreuses mutations dans la protéine de pointe du Covid-19. (...) Il est prématuré à l’heure actuelle de prévoir l’adaptation des vaccins afin de lutter contre ce variant émergent », juge-t-elle. Une autre inconnue importante existe en effet : le variant Omicron supplantera-t-il Delta en Europe et si oui en combien de temps ?

Déjà vu

Mais, les dirigeants du monde entier ne se sont pas donnés le luxe de patienter pour disposer de premiers éléments de réponse plus tangibles que les indices actuels (telle la très forte hausse de l’incidence en Afrique du Sud couplée à un taux d’hospitalisation qui paraît plus élevé). Une « course contre la montre » s’est engagée, a en effet commenté la patronne de la Commission Européenne, Ursula von der Leyen. Pour y répondre, beaucoup ont renoué avec les méthodes privilégiées au début de la pandémie : la fermeture des frontières et ce en dépit des protestations de l’Afrique du Sud, appuyées par l’Organisation mondiale de la Santé, mettant en doute la pertinence scientifique d’une telle mesure. La question de la fermeture de ces frontières sera notamment au menu de la rencontre exceptionnelle des dirigeants du G7 ce lundi. Pour l’heure dans l’Union européenne, comme l’a indiqué ce matin le ministre français Clément Beaune, on se refuse à envisager de trop grandes restrictions au sein du territoire communautaire. Mais, l’épidémie nous a déjà démontré à de multiples reprises que ce qui était affirmé un jour pouvait être démenti dès le lendemain.

Aurélie Haroche