Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

JIM - La feuille de route du Conseil scientifique pour un Noël à moindre risque… mais lourd d’incertitudes liées à Omicron

Décembre 2021, par Info santé sécu social

Publié le 14/12/2021

Paris, le mardi 14 décembre 2021

C’est le porte-parole d’un gouvernement auquel il a longtemps été reproché d’infantiliser ses concitoyens qui s’exprime. « On croit à la responsabilité des Français » a ainsi martelé ce matin Gabriel Attal invité par France Info à s’exprimer une fois encore sur la situation sanitaire. « Je ne suis pas dans l’infantilisation (…). On ne va pas fliquer le Noël des Français (…). Ça fait deux ans qu’on a ce virus ; je pense que les Français savent comment faire » a-t-il ajouté, confirmant qu’aucune restriction supplémentaire n’était prévue avant le 25 décembre. Quand on l’interroge sur la différence entre la position de la France et les préoccupations marquées du gouvernement britannique liées à Omicron, il remarque que la principale décision de Boris Johnson a consisté à élargir la campagne de rappel vaccinal, un choix fait par la France il y a plusieurs semaines. Pour le reste, il renvoie à l’avis du Conseil scientifique publié hier.

Un pic d’admissions à l’hôpital supérieur à la deuxième vague ?

Les sages ont en effet rendu public ce 13 décembre un document essayant de répondre à la question « Fin d’année 2021 : comment concilier les enjeux sanitaires et sociétaux ? ». Les membres du Conseil rappellent d’abord la situation : le début du mois de décembre est marqué par une importante cinquième vague liée au variant Delta, qui ne semble pas encore avoir atteint son pic, tandis que « l’arrivée du variant Omicron (…) soulève beaucoup d’incertitudes ». L’absence de diminution des niveaux de transmission actuels conduirait à enregistrer « un pic d’admissions à l’hôpital qui pourrait être supérieur à 2 000 par jour (proche du niveau observé lors de la deuxième vague de l’automne 2020). Une baisse de seulement 10 % des taux de transmission en population permettrait de réduire de 40 % le pic d’admissions hospitalières et soulagerait un secteur hospitalier éprouvé par vingt mois de crise sanitaire » projette le Conseil scientifique.

L’influence du rythme de la campagne de rappel vaccinal
Les leviers pour obtenir une diminution de la tension hospitalière sont comme toujours de deux ordres : vaccinaux et comportementaux. Concernant la vaccination, le Conseil établit deux scénarios : « Dans le scénario où les taux de transmission restent similaires à ceux observés courant novembre, le pic d’hospitalisations pourrait atteindre 2350 admissions à l’hôpital par jour si l’on peut administrer un maximum de 400 000 doses par jour à compter du 1er décembre, avec une adhésion à la dose de rappel de 80 % chez les 50+ et de 50 % chez les 18-49 (Figure 1C). Le nombre cumulé d’hospitalisations entre le 1er novembre 2021 et 1er mai 2022 serait de 215 000 dans ce scénario. Afin d’augmenter l’impact du rappel, il faudrait augmenter à la fois la capacité maximale d’administration et l’adhésion de la population. Pour un maximum de 600 000 doses administrées par jour (ce qui est la tendance actuelle ndrl) avec une adhésion de 95 % des personnes éligibles, le pic d’hospitalisations serait de 2100 admissions par jour et le nombre cumulé d’hospitalisations de 176 000. L’augmentation de la cadence d’administration pourrait donc éviter 29 000 hospitalisations ». Ouverture le dimanche des pharmacies, réactivation de nombreux centres, facilitation pour les plus âgés qui n’ont pas à prendre rendez-vous (ce qui est également le cas pour les personnes n’ayant encore reçu aucune dose, objet d’une attention particulière du Conseil) : le gouvernement a déployé de larges moyens pour maintenir cette cadence, même s’il sait que les vacances de fin d’année devraient inévitablement avoir une influence négative sur ce rythme.

La vaccination de rappel doit s’imposer chez les soignants
A propos de cette intensification de la campagne de rappel vaccinal, le Conseil scientifique met l’accent sur les personnels soignants. Il relève : « Le pourcentage de soignants ayant reçu une dose de rappel est actuellement de 47 % chez les soignants libéraux, de 22 % chez les soignants salariés et de 18,5 % chez les professionnels exerçant en EHPAD. Ces chiffres bas doivent être relativisés si l’on tient compte des soignants réellement éligibles. Ils restent cependant insuffisants. Le Conseil scientifique recommande très fortement aux soignants et au personnel des établissements sanitaires et médico-sociaux de se faire vacciner avec une dose de rappel, dans un contexte où le variant Omicron va être présent dans les établissements de soins avec un niveau de transmission élevée. Il appartient aux autorités sanitaires de définir le calendrier et les modalités de contrôle du schéma vaccinal avec dose de rappel dans cette population ». A contrario, concernant la vaccination des enfants, l’organe consultatif demeure prudent. Notant que la Société française de pédiatrie est aujourd’hui « réservée » mais que sa position peut évoluer, il se montre en tout cas hostile à toute idée d’obligation ou de passe sanitaire pour enfant.

Fenêtre ouverte et tests avant de manger la bûche
Autre levier : la limitation des situations à risque de contamination. Le Conseil Scientifique note que les efforts à réaliser n’ont rien d’insurmontable puisque : « Une réduction de 10 % des taux de transmission à compter du 1er décembre pourrait réduire le pic des hospitalisations à 1300 et le nombre cumulé d’hospitalisations à 118 000 (Figure 1B ; pour un maximum de 600 000 doses et une adhésion de 95 %). Ces résultats suggèrent qu’un renforcement même léger des gestes barrières, du télétravail ainsi qu’une réduction des contacts peuvent avoir un impact très important sur l’impact sanitaire de cette vague. Cet effort collectif réduirait le risque de devoir mettre en œuvre des mesures plus contraignantes plus tard ». Ainsi, sans préconiser de fermetures d’établissements, le Conseil scientifique en appelle plutôt à la responsabilité collective, s’adressant à la « population, même vaccinée, volontaire à participer à l’effort de contenir l’épidémie et de protéger le système de santé ». A cette population, il est ainsi recommandé de privilégier le télétravail, de « renoncer le plus possible » aux réunions quelles qu’elles soient se tenant sans masque et en lieu clos. Concernant Noël, les repas devraient se faire en comité restreint, avec une aération toutes les heures (contrôlée idéalement par un capteur CO2) et après que tous les convives se sont fait tester. Sur ce point, Gabriel Attal a confirmé : « On a toujours invité les Français qui ont un doute à se faire tester, soit parce qu’ils présentent des symptômes, soit avant de retrouver des personnes fragiles pour les fêtes ». Cependant, pas question de revenir à la gratuité des tests même en cette période sensible tant du point de vue sociétal qu’épidémiologique. « Les personnes concernées par le fait de payer les tests ont fait le choix délibéré de ne pas se faire vacciner. Le gouvernement assume de dire que ce n’est pas à la collectivité de prendre en charge ces tests-là ».

Omicron et Delta : même combat !
Ces préconisations du Conseil scientifique s’inscrivent dans un contexte d’incertitudes renforcées en raison du variant Omicron. Sur ce point, Gabriel Attal a indiqué ce matin que « 133 cas du variant Omicron ont été séquencés. Même s’il y a certainement plus de cas ». Le Conseil scientifique relève pour sa part : « La modélisation de l’introduction et de l’extension du virus Omicron en France permettra d’anticiper le remplacement plus ou moins du variant Delta par le variant Omicron. Il est à ce jour difficile de mesurer son impact, en l’absence de données consolidées de séroprotection croisée (post-vaccinale et post-infectieuse) et d’informations robustes sur son pouvoir pathogène ». En tout état de cause, il semble que les méthodes de riposte restent les mêmes que face à Delta : vigilance quant aux gestes barrières (avec éventuellement des mesures coercitives plus fortes) et troisième dose de rappel. En effet, le Conseil remarque : « Les vaccins actuels auront une efficacité diminuée vis-à-vis du variant Omicron, mais devraient cependant continuent à limiter le risque de formes sévères et graves, surtout chez les personnes ayant reçu une dose de rappel ou qui ont été infectés précédemment. Les nouveaux vaccins (ARNm) partiellement ou spécifiquement dirigés contre le variant Omicron ne seront pas disponibles en large quantité avant l’été 2022 ». A cette date, on saura quel scénario se sera imposé concernant Omicron… à moins qu’il n’ait été détrôné par un autre variant d’ici là.

Aurélie Haroche