Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : le variant Omicron résiste davantage au vaccin mais se montrerait moins sévère

Décembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : le variant Omicron résiste davantage au vaccin mais se montrerait moins sévère

Une étude en population réelle en Afrique du Sud permet d’évaluer l’ampleur de la baisse d’efficacité des deux premières doses. Selon une autre étude, menée au Royaume-Uni, le rappel vaccinal rehausse notablement la protection.

Par Nathaniel Herzberg et Florence Rosier

Publié le 15/12/2021

Le profil du nouvel ennemi public numéro un se précise. Après le portrait-robot d’Omicron livré la semaine dernière par les laboratoires, les études en vie réelle offrent leurs premiers résultats. Ils proviennent à la fois d’Afrique du Sud, terre d’émergence du variant, et du Royaume-Uni, où le premier ministre a fait le pari du million de doses de vaccin par jour pour stopper le « raz de marée » Omicron.

Mardi 14 décembre, Discovery Health, le principal organisme d’assurance médicale privé sud-africain, a ainsi rendu public une étude réalisée sur 210 000 tests PCR positifs, recueillis entre le 15 novembre et le 7 décembre, parmi lesquels 78 000 sont attribués au variant Omicron. Ils confirment l’échappement important de ce nouveau variant vis-à-vis du système immunitaire, tout en lui attribuant une moindre sévérité – sauf, peut-être, pour les enfants.

La capacité d’Omicron à contourner les défenses immunitaires érigées par le vaccin était la première grande question. L’étude livre un résultat contrasté. La double dose de Pfizer perd une grande partie de sa capacité de protection contre l’infection au SARS-CoV-2 : l’efficacité passe de 80 % contre une contamination par le variant Delta à 33 % contre une contamination par Omicron. « Une chute importante », insiste l’organisme dans un communiqué. D’où un risque très élevé d’infection chez des personnes déjà vaccinées ou infectées – et une circulation intense du virus, même dans les pays largement vaccinés.

En revanche, le schéma à deux doses du laboratoire américain conserve une efficacité de 70 % contre les hospitalisations liées à Omicron. Là encore, la baisse est significative, par comparaison aux 93 % enregistrés face à Delta. Mais, pour le professeur Glenda Gray, du South African Medical Research Council, « la protection reste bonne (…), [c’est] un résultat très encourageant ». L’étude précise aussi que « la protection contre l’hospitalisation reste importante à tous les âges », avec 60 % d’efficacité dans la tranche 70-79 ans.

Un risque d’hospitalisation accru chez les moins de 18 ans
Les épidémiologistes vont disposer d’une autre donnée, potentiellement précieuse : celle de la sévérité. C’est apparemment une bonne nouvelle. Selon l’étude, le risque d’hospitalisation avec Omicron baisserait de 29 %, par comparaison avec les chiffres enregistrés durant la première vague. De plus, les personnes hospitalisées sont moins nombreuses à être admises en soins intensifs. Le président de Discovery Health, le docteur Ryan Noach, invite toutefois à la prudence. Selon lui, cette moindre sévérité pourrait résulter « des anticorps accumulés dans la population sud-africaine par les précédentes vagues ».

Le secrétaire général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, a du reste mis en garde contre des conclusions hâtives. « Nous sommes inquiets que les gens considèrent Omicron comme bénin, a-t-il déclaré. A ce stade, nous devrions avoir appris que nous sous-estimons ce virus à nos risques et périls. Même si Omicron provoque une maladie moins grave, le nombre de cas pourrait, une fois de plus, submerger les systèmes de santé non préparés. »

D’autant qu’un autre résultat laisse planer une nouvelle menace : chez les moins de 18 ans, le risque d’hospitalisation pour complications semble, lui, accru de 20 % avec Omicron. Un résultat qui demande à être confirmé, insiste le communiqué de Discovery Health, et qui, quoi qu’il en soit, laisse toujours les enfants largement épargnés par les formes sévères.

« Deux doses sont insuffisantes »
« La moindre efficacité des vaccins sur Omicron était malheureusement attendue, commente Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin, à Paris. Deux types d’études allaient dans ce sens. » Ce sont, d’abord, les études de « séroprotection » menées in vitro : il s’agit d’évaluer les capacités de neutralisation vis-à-vis du variant Omicron des anticorps issus du sérum des personnes vaccinées. Qu’ont-elles montré ? Les anticorps issus des patients qui avaient reçu deux doses de vaccin n’assuraient plus aucune neutralisation contre Omicron. En revanche, les anticorps provenant des patients qui avaient reçu trois doses récupéraient leur pouvoir neutralisant contre le virus.

Et, surtout, avant cette étude sud-africaine, il y a eu une première étude sur l’efficacité vaccinale, mesurée dans des registres de patients au Royaume-Uni. Publiée en preprint le 9 décembre, elle montre que, contre les formes symptomatiques de Covid-19, « deux doses des vaccins Pfizer ou AstraZeneca sont insuffisantes pour conférer des niveaux de protection suffisants contre les infections et les formes bénignes de Covid-19 liées à Omicron ». Sur la période de l’étude, cependant, le nombre de patients infectés par Omicron était trop faible (581 patients, comparés aux 56 439 patients infectés par le variant Delta) pour qu’on puisse mesurer l’impact de la vaccination contre les formes graves liées à Omicron.

En revanche, l’étude britannique s’est intéressée aux effets de la troisième dose, ce qui n’a pas pu être mesuré en Afrique du Sud, faute de campagne de rappel dans ce pays. Au Royaume-Uni, les personnes ayant reçu un « booster » avec le vaccin Pfizer (après deux doses de Pfizer ou d’AstraZeneca) retrouvaient une protection partielle contre les formes symptomatiques liées à ce nouveau variant – de l’ordre de 71 % à 75,5 %, en moyenne. Une protection moindre, toutefois, que contre les formes symptomatiques liées au variant Delta – de l’ordre de 87 % à 94 %, en moyenne. « Le rappel avec le vaccin Pfizer offre une augmentation significative de la protection contre les formes bénignes et pourrait offrir des niveaux de protection encore plus élevés contre les formes graves », soulignent les auteurs.

Une vitesse de contamination « impressionnante »
« Ces études plaident donc en faveur d’un renforcement de la campagne de rappel, relève Odile Launay. Il s’agit de contrer la cinquième vague en cours avec le variant Delta, mais aussi de se préparer à l’essor d’Omicron, qui se répand à une vitesse impressionnante. Sinon, ce sera une catastrophe. »

Pour le virologue Bruno Lina, membre du conseil scientifique et directeur du Centre national de référence des virus respiratoires à Lyon, ces travaux livrent « des données de protection encore préliminaires, sur un nombre encore limité de patients ». Pour autant, en combinant les données de séroprotection (in vitro) et d’efficacité vaccinale (dans la vraie vie), « on a une meilleure vision des choses. Ce qui est clair, c’est que cinq à six mois après la deuxième dose vaccinale, les patients sont mal protégés contre le variant Delta, et plus mal encore contre Omicron. Leurs taux d’anticorps ont tant chuté qu’ils ne protègent plus que contre 30 % des infections liées à Omicron ».

Quinze jours après le rappel, en revanche, les taux d’anticorps, devenus « stratosphériques », restaurent une protection. « C’est assez rassurant, même si Omicron échappe mieux aux anticorps neutralisants que Delta », résume Bruno Lina. Ce qui, au passage, conforte l’idée qu’il faudra peut-être adapter la composition des vaccins à ce nouveau variant.

Nathaniel Herzberg et Florence Rosier