Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Tribune libre - Pour l’obligation vaccinale

Décembre 2021, par Info santé sécu social

La point de vue favorable à l’obligation vaccinale exprimé dans cet article ne reflète pas la position du NPA et de sa commission santé sécu social

La cinquième vague du COVID en cours en Europe est d’abord la résurgence hivernale du variant delta, facilitée par le relâchement des mesures barrières dans de nombreux pays.

La vaccination, en particulier quand il y a eu trois injections, permet de réduire l’impact sanitaire de cette résurgence. Mais elle va prendre une tournure nouvelle avec la dissémination du variant omicron, puisque le nombre de cas d’infections par ce variant double tous les deux jours, selon les mesures faites dans plusieurs pays européens ou aux Etats-Unis, et qu’il est donc possible de prédire quand il va devenir majoritaire (entre début et mi-janvier). Cela pousse les gouvernements à intensifier l’utilisation des instruments qui ont permis jusqu’à présent de freiner les contagions : réduction des échanges internationaux, réduction des activités collectives y compris familiales, confinements, fermetures de commerces « non essentiels », etc. Et augmentation du taux de vaccinés, bien sûr, avec une tendance qui se précise d’arriver jusqu’à l’obligation vaccinale.

En Angleterre, le parlement a voté les mesures demandées par Boris Johnson (en fait, l’opposition travailliste et une fraction des conservateurs – une centaine de députés, plutôt à droite de ce parti, a fait défection) : tests quotidiens pour les cas contacts, télétravail, port du masque en intérieur et passe sanitaire obligatoire lors des grands événements (c’est ce que refusait l’aile droite des conservateurs, comme une mesure liberticide).

En Allemagne, quasi-confinement pour les personnes non vaccinées : pas d’accès aux commerces non essentiels, aux restaurants, aux lieux de culture ou de loisir, et pour toute la population réduction de la jauge pour le public des matches de foot et autres grands événements, fermeture des lieux de nuit dans les Länder où l’incidence dépasse 350 pour 100 000 (plus de la moitié du pays). Le principe d’une obligation vaccinale est adopté pour les soignants, et en discussion pour l’ensemble de la population. Au Danemark, masque obligatoire dans les restaurants ; bars, discothèques et restaurants devront fermer à minuit, pas plus de 50 personnes dans les événements en lieu clos. Aux Pays-Bas c’est un confinement d’un mois, jusqu’au 14 janvier, qui est annoncé par le premier ministre Mark Rutte.

En Belgique, obligation vaccinale pour les soignants, avec période de transition de 3 mois où les non-vaccinés pourront faire deux tests par semaine pour continuer à travailler (sans test avant le 1er avril, sans vaccin après, il y aura une mise à pied).

En Italie, l’obligation vaccinale est étendue aux enseignants. En Espagne, où les régions disposent de leurs politiques de santé, la Catalogne met en place un passe sanitaire… On pourrait passer en revue l’ensemble des pays d’Europe et non seulement les plus proches, on y verrait toutes les variantes d’une même tendance à l’œuvre, l’augmentation de la pression sur tout ou partie de la population pour augmenter le taux de vaccination (en y comprenant maintenant les enfants, qui sont aujourd’hui parmi les principaux vecteurs des virus) et limiter les échanges impliquant de la promiscuité. Avec une autre constante cependant : il faut éviter au maximum de « gripper l’économie », et c’est pourquoi on aborde peu la question des contaminations au travail, dans les transports, dans les magasins…

Quelle position adopter face aux différentes mesures ?

Nous sommes tous d’accord pour défendre la vaccination face aux discours obscurantistes de tout poil. Nous sommes tous d’accord pour dire qu’une santé de proximité, disponible, ouverte, est nécessaire pour offrir aux personnes les plus éloignées du système de santé, des réponses élaborées avec elles. Nous voyons bien comment la politique en cours, fondée sur des décisions centralisées (voire monarchiques), qu’on nous impose sans dialogue, heurte des groupes entiers de la population, qui n’ont pas beaucoup de raisons de croire et de respecter un gouvernement qui les méprise et les combat, et n’a cessé de mentir sur ses choix dans la lutte contre la pandémie.

Nous ne le sommes plus quand il s’agit de se positionner face au passe sanitaire ou à l’obligation vaccinale. Pour celui qui signe ce papier, les enjeux de santé publique – sauver des dizaines de milliers de vie, éviter des centaines de milliers de « COVID long », empêcher que tous les soins, toutes les activités de prévention autres que pour le COVID s’arrêtent parce qu’on est obligé de faire face à la pandémie – justifient qu’on fasse de la vaccination une obligation. Pour beaucoup de camarades, cela serait « liberticide » et/ou inefficace.

Le caractère liberticide me semble très discutable. Ne pas être vacciné est un élément qui accentue le risque de maladie et de mort pour autrui. La limitation de vitesse est alors aussi liberticide ? Devoir montrer qu’on ne met pas en danger autrui en devant exhiber un passe sanitaire au moment d’entrer dans un lieu collectif est liberticide ? Alors l’obligation de subir une évaluation de l’alcoolémie en cas d’accident corporel sur la route est liberticide… (etc.) Plus difficile est la discussion sur le caractère efficace de l’obligation. L’obligation, surtout quand elle est édictée par une instance perçue comme hostile et/ou incompétente, renforce une réactance très naturelle : « Comme je suis contre eux, je suis contre leurs prescriptions ». Et d’ailleurs, les pays où les vaccins destinés aux enfants ne sont pas obligatoires mais seulement recommandés n’ont pas forcément, loin de là, des taux de couverture vaccinale supérieurs à la France où ils sont obligatoires. L’Organisation mondiale de la santé ne demande pas de passer à la vaccination obligatoire pour le COVID. Et on estime qu’il circule de nombreux faux passes sanitaires, ce qui permet de prévoir qu’il y aura aussi de faux passes vaccinaux.

Et pourtant… le passe sanitaire a permis l’accélération de la demande de vaccination l’été dernier, et de troisième injection en ce début d’hiver. L’obligation vaccinale des soignants a été plus efficace que l’appel aux données scientifiques et à la déontologie pour faire en sorte que l’immense majorité des soignants se vaccinent et ne soient plus ni victimes ni vecteurs de la maladie. (Notons en passant que les soignants ont déjà l’obligation d’être vaccinés contre 4 maladies, diphtérie, tétanos, polio et hépatite B, et que cela n’a jamais fait l’objet de résistance). Et il n’y a pas de raison que ce soit différent dans la population générale, si l’organisation suit, et notamment le « allers vers » qui a montré son efficacité en Seine-Saint-Denis. Quant à nous, qui sommes du côté de la vie, encore et toujours, nous défendrons la vaccination, défendre son extension à toute l’humanité par la levée des brevets, obligation vaccinale ou pas.

Alors, le refus de l’obligation vaccinale est-il une position de classe ? Le lecteur jugera.

Philippe Michaud