Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : en tentant de freiner le virus « sans contraintes excessives », Emmanuel Macron joue les équilibristes

Décembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : en tentant de freiner le virus « sans contraintes excessives », Emmanuel Macron joue les équilibristes

A l’issue d’un conseil de défense sanitaire puis d’un conseil des ministres, lundi, le premier ministre Jean Castex a annoncé une série de mesures sanitaires mais s’est refusé à imposer un couvre-feu ou à repousser la rentrée scolaire.

Par Alexandre Lemarié

Publié le 28/12/2021
Freiner le virus, sans paralyser le pays. Emmanuel Macron suit une nouvelle fois cette ligne de crête pour faire face à la poussée fulgurante du variant Omicron. Comme si, à quelques mois de l’élection présidentielle, le chef de l’Etat s’était résolu à jouer jusqu’au bout les équilibristes face à l’épidémie de Covid-19.

A l’issue d’un conseil de défense sanitaire puis d’un conseil des ministres tenus en visioconférence, lundi 27 décembre, le premier ministre, Jean Castex, a annoncé une série de mesures, afin de « freiner la propagation » de ce nouveau variant très contagieux, qui entraîne des chiffres de contaminations records en France, avec notamment une pointe à plus de 100 000 nouveaux cas quotidiens le 25 décembre.

Principale annonce visant à « soulager » les services hospitaliers, menacés de saturation : le recours au télétravail « sera rendu obligatoire » à partir de la rentrée « pour tous les salariés pour lesquels il est possible », à raison de « trois jours minimum par semaine et quatre jours quand cela est possible », a annoncé le chef du gouvernement, lors d’une conférence de presse, au côté du ministre de la santé, Olivier Véran. Dès mardi, la ministre du travail Elisabeth Borne, mènera une concertation avec les partenaires sociaux à ce sujet.

Retour des jauges
Autre évolution d’ampleur : le retour des jauges pour les grands rassemblements, fixées à 2 000 personnes maximum en intérieur et 5 000 en extérieur, y compris dans les enceintes sportives. Seuls les meetings politiques ne seront pas concernés, dans le cadre de la campagne présidentielle. Les concerts debout seront interdits, tout comme la consommation de boissons et d’aliments dans tous les cinémas, les théâtres, les équipements sportifs et les transports collectifs. Boire un verre debout dans les cafés et les bars sera également proscrit. Ces dispositions, adoptées en conseil des ministres, s’appliqueront « à compter de lundi pour une durée de trois semaines », a indiqué M. Castex.

Quant à l’obligation de port du masque, déjà effective partout en intérieur, elle sera « étendue » en extérieur, « notamment dans tous les centres-villes », a annoncé le premier ministre, en précisant que le retour de cette règle impopulaire sera du ressort des préfets, en lien avec les maires.

Mais le pays a beau faire face à une situation épidémique « extrêmement tendue », selon M. Castex, à cause de la « double vague » des variants Delta et Omicron, l’exécutif n’a pas opté pour des mesures radicales, contrairement à plusieurs pays européens. Alors que des médecins l’exigeaient, le gouvernement n’a pas choisi d’imposer un couvre-feu, notamment pour la soirée du 31 décembre. Le premier ministre s’est contenté d’appeler à la « responsabilité » des Français, en leur recommandant de « limiter les grandes fêtes » et de respecter les gestes barrières.

Dans le même esprit, l’exécutif a décidé de ne « pas reporter la rentrée » des écoles, prévue le 3 janvier, ni de « basculer les collèges et les lycées en distanciel ». Le gouvernement a ainsi balayé d’un revers de la main la proposition de la candidate Les Républicains (LR) à la présidentielle Valérie Pécresse, qui réclamait de différer la rentrée scolaire. Une idée notamment soutenue par une cinquantaine de soignants, dans une tribune au Journal du dimanche, afin de faire baisser le taux d’incidence, qui dépasse les 700 pour 100 000 habitants, au niveau national. Certes, « le virus circule chez les enfants » mais « nous assumons de sanctuariser l’éducation », a rétorqué M. Véran, en soulignant les « grandes difficultés » auxquelles s’exposeraient des enfants privés d’école. « Une bonne mesure de santé publique, c’est une mesure médicale mais aussi sociétale », a-t-il insisté.

« Le maître mot c’est le pragmatisme »
Une phrase qui pourrait résumer l’état d’esprit de M. Macron, tant ce dernier veille à concilier les différents enjeux (santé, économie, éducation…) depuis le début de la crise. Une fois encore, le chef de l’Etat a gardé sa ligne de conduite, consistant à prendre de nouvelles mesures sanitaires, tout en veillant à ne pas aller trop loin dans l’échelle des restrictions. L’Elysée insiste sur la « proportionnalité » de la réponse, « sans contrainte excessive ». « On n’impose pas des mesures pénalisantes ayant peu d’impact. Le maître-mot c’est le pragmatisme. »

Outre la non-fermeture des écoles, l’autre constante de M. Macron consiste à tout miser sur la vaccination. C’est l’objectif du projet de loi transformant le passe sanitaire en passe vaccinal adopté lundi, lors du conseil des ministres. Concrètement, dans les lieux où le passe sanitaire s’appliquait depuis plusieurs mois, comme les restaurants ou les théâtres, il ne sera plus possible de présenter un test négatif pour y accéder. Seul un schéma vaccinal complet le permettra à partir du 15 janvier, si le texte est voté au Parlement. Un renforcement des sanctions contre les « faux passes sanitaires », considérés comme un « acte délibéré de mise en danger d’autrui », est prévu dans le projet de loi.

Alors que le délai de rappel entre deux doses de vaccin sera réduit à trois mois dès le 28 décembre, M. Véran n’a pas caché que l’administration d’une quatrième dose à l’avenir était « une possibilité ». « On est totalement ouvert à cette perspective », a-t-il indiqué, en soulignant toutefois que « cette question viendra en son temps ». Pour l’instant, la priorité reste encore et toujours de convaincre les près de cinq millions de Français toujours réfractaires de se faire vacciner, a souligné M. Castex.

Et de faire face au mieux à la déferlante Omicron. Face à la multiplication des cas, le gouvernement a indiqué qu’il annoncera « en fin de semaine » la probable réduction du délai d’isolement pour les malades et les cas contacts, qui peut aller jusqu’à dix-sept jours. Une manière d’éviter des arrêts de travail en masse et une « désorganisation possible d’un certain nombre de services essentiels », comme l’a signalé le conseil scientifique. Pour s’adapter à une situation face à laquelle il navigue à vue – « d’ici début janvier, nous pourrions atteindre plus de 250 000 cas par jour », a prévenu M. Véran – le gouvernement a d’ores et déjà programmé un conseil de défense sanitaire le 5 janvier 2022.

« C’est l’économie qui a gagné face à la santé »
En attendant, les réactions aux annonces de l’exécutif sont contrastées, entre les soignants regrettant des mesures insuffisantes sur le plan sanitaire et l’opposition politique fustigeant au contraire de nouvelles règles jugées liberticides. « C’est l’économie qui a gagné face à la santé. C’est un choix », a ainsi déploré Jean-Paul Stahl, professeur spécialiste des maladies infectieuses au CHU de Grenoble, sur BFM-TV, tandis que la candidate du Rassemblement national (RN) à la présidentielle, Marine Le Pen a fustigé des mesures « punitives ». Un ton contradictoire, dans lequel les partisans du chef de l’Etat veulent voir le signe d’un « bon équilibre » entre renforcement des mesures sanitaires et souci de préserver au maximum les libertés.

L’exécutif, en tout cas, a conscience de faire face à une population dont le niveau de lassitude semble avoir atteint son paroxysme après quasiment deux ans de crise liée au Covid-19. « Tout cela semble être un film qui n’en finit pas », a reconnu Jean Castex, en disant « comprendre » le « ras-le-bol » ambiant. Une manière de faire preuve d’empathie, afin de rendre les nouvelles mesures acceptables. A moins de quatre mois du vote des 10 et 24 avril, pas question de déclencher un mouvement de colère de la part des Français.

Alexandre Lemarié