Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Médiapart - Omicron : un crash-test inédit pour le système de dépistage

Janvier 2022, par Info santé sécu social

Dimanche, le gouvernement a annoncé les nouvelles directives de l’isolement et du dépistage. Mais ce mardi soir, les pharmaciens ne pouvaient toujours pas distribuer les autotests gratuits promis par le gouvernement. Et les files d’attente pour les tests PCR s’allongent dangereusement, alors que le cap des 300 000 contaminations par jour est bientôt atteint.

Caroline Coq-Chodorge et Faïza Zerouala
4 janvier 2022

Le ministre de la santé Olivier Véran a éventé la nouvelle devant la représentation nationale en fin d’après-midi : Santé publique France a recensé 271 686 tests positifs au Covid dans la journée du mardi 4 janvier 2022, un nouveau record.

Les longues files d’attente devant les laboratoires ou les pharmacies font dorénavant partie du paysage. Ce mardi 4 janvier, à Aubervilliers, face à la mairie de la commune de Seine-Saint-Denis, la pharmacie a choisi de placer des rubans pour créer une ligne ordonnée.

Les mêmes que ceux placés devant les boîtes de nuit ou les restaurants à la mode. La file s’étire sur plusieurs mètres, dépassant le café voisin, même si la pluie dissuade les plus frileux de patienter. Il émane de la foule une certaine résignation. Chacun attend son tour en silence.

« On est complètement débordés, explique le médecin biologiste, Lionel Barrand, président du Syndicat des jeunes biologistes, qui dirige un laboratoire à Colmar (Haut-Rhin). Normalement, je réalise 150 prélèvements par jour. Hier, j’ai réalisé 750 dépistages du Covid. Il y une file continue de patients, les machines tournent toute la nuit, je valide les tests jusqu’à minuit et demi. Mon personnel craque : il y a des pleurs, des arrêts maladie, des cas contacts. »

À Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire), François Blanchecotte, président du Syndicat des biologistes, voit s’étirer devant son laboratoire « des files d’attente d’une à deux heures ». « On ne donne plus de rendez-vous, ce n’est plus possible. On assiste à une explosion de la demande de tests. Trois millions ont été réalisés sur les sept derniers jours, c’est un record. On fait en réalité plus de prélèvements que nos machines ne peuvent en analyser. On rachète donc des machines. »

Les patients nous appellent car ils ne comprennent plus rien à ces règles qui changent tout le temps. Mais moi non plus, je ne comprends plus rien !
Lionel Barrand, médecin biologiste à Colmar

Et à la charge de travail s’ajoute l’incompréhension de la population : « Les patients ne comprennent plus ces règles qui changent tout le temps, dit le docteur Barrand. Ils nous appellent pour avoir des explications. Mais moi non plus, je ne comprends plus rien ! Pourtant, à minuit et demi, je lis les DGS urgents », soit les messages d’alerte du ministère de la santé à l’intention des établissements et professionnels de santé, devenus très fréquents.

Face à la vague Omicron, pour mesurer l’étendue de l’improvisation en haut lieu, il faut tenter de retracer l’historique de la récente décision d’alléger les mesures de dépistage et d’isolement. Le Haut Conseil de santé publique s’est prononcé « le 31 décembre après-midi » sur une nouvelle stratégie en la matière.

Cette stratégie a été confortée par un avis de la Haute Autorité de santé le 30 décembre. Puis, le 1er janvier, Olivier Véran a dévoilé les nouvelles mesures dans le Journal du dimanche. Ensuite, le 2 janvier, c’est au tour du ministre de l’éducation nationale Jean-Michel Blanquer de parler au Parisien. Deux prises de parole publiques, dans des journaux payants, pour annoncer des règles qui sont entrées en vigueur le 3 janvier.

La période d’isolement des cas positifs tombe donc à cinq jours au lieu de sept jours, en l’absence de symptômes ou avec un test négatif. Pour les non-vaccinés, l’isolement reste de dix jours, mais peut tomber à sept jours si la personne n’a plus de symptômes ou réalise un test négatif.

Les cas contacts ne sont plus tenus à l’isolement, s’ils produisent un test PCR ou antigénique négatif, puis des autotests négatifs au deuxième et au quatrième jour. Les cas contacts non vaccinés continuent à s’isoler sept jours.

En cas de cas positif dans une classe, les enfants contacts doivent également présenter un test PCR négatif pour reprendre le chemin de l’école. Mais eux aussi doivent désormais réaliser des autotests au deuxième et au quatrième jour du contact.

Les autotests pour les enfants et les adultes contacts vaccinés doivent être délivrés gratuitement.

« J’ai bien lu Le Journal du dimanche, mais je n’ai pas encore lu l’arrêté au Journal officiel qui doit nous permettre de délivrer des autotests gratuitement, explique cependant Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France. Je viens de raccrocher avec la Direction générale de la santé, qui me promet que l’arrêté paraîtra demain mercredi. Mais cela fait deux jours qu’on nous réclame ces autotests ! Heureusement, les gens sont très citoyens... »

Un allègement du dépistage et de l’isolement justifié par une situation sociale, économique et sanitaire fortement dégradée.

Mesurent-ils le niveau de la crise sanitaire ? Dans son avis du « 31 décembre après-midi », le Haut Conseil de santé publique précise bien les circonstances exceptionnelles qui peuvent justifier l’allègement actuel des contraintes d’isolement pour les cas contacts : une « situation sociale, économique et sanitaire fortement dégradée avec un risque majeur de perturbation du maintien des activités socio-économiques et sanitaires du fait de l’exclusion d’un nombre important de personnes ».

François Blanchotte anticipe trois semaines très difficiles : « Et cette fin de semaine sera redoutable, car les écoles ne font plus de dépistage collectif, plus pratique pour nous car on pouvait s’organiser en amont. On s’attend donc à voir affluer les enfants, les parents, les bébés dans les bras ».

À la pharmacie d’Aubervilliers, pour tenter de fluidifier les arrivées et gagner du temps, la pharmacie a choisi de mettre en place un QR code à flasher. Une fois fait, les demandeurs de test arrivent sur un site où il leur est demandé de renseigner leurs nom, prénom, adresse et numéro de Sécurité sociale, puis quelques éléments sur la présence ou non de symptômes.

C’est ce qui a convaincu Saloua, 40 ans, de venir se faire tester. Elle a mal à la gorge et précise : « À chaque fois que je vois des gens dans mon métier et que j’ai des symptômes, je viens. Je n’ai pas envie de contaminer les autres. » Seulement, la veille, elle a abandonné cette idée, car elle n’arrivait pas à faire fonctionner le site avec le QR code. Elle n’a pas plus de chance aujourd’hui, son téléphone n’est toujours pas coopératif.

La quadragénaire s’agace. Elle n’est pas convaincue du bien-fondé du dispositif : « Ça nous fait perdre du temps, et pour ceux qui ne parlent pas français ou ne savent pas utiliser un smartphone, c’est difficile. Moi je sais le faire mais là, le téléphone refuse de scanner le code. En plus, ils ont tous les renseignements sur la carte Vitale. Si ça ne marche pas, je vais rentrer quand même dans la pharmacie et leur demander de me tester quand même. »

Dans la file, ces compagnons de galère de l’instant s’entraident.

Une femme venue avec son fils rebrousse chemin, après avoir vu qu’il fallait utiliser ce système. Mais globalement, tout le monde joue le jeu. Nadia, une amie de Saloua, elle aussi âgée de 40 ans, est venue avec elle pour se faire tester, comme elles sont ensemble presque en permanence. Elle trouve au contraire qu’il est pratique de remplir soi-même son dossier et que cela fait gagner du temps.

Je ne me sens pas bien mais, dans tous les cas, j’irai travailler car j’en ai besoin
Maria, Atsem

Maria, 43 ans, est Atsem (agente territoriale spécialisée) dans une école maternelle de la ville. En février, un Covid, sûrement contracté à l’école, explique-t-elle, l’a clouée au lit un mois durant. Elle a l’impression qu’elle a de nouveau les symptômes causés par une infection au Covid-19 : mal de gorge, mal à la tête et courbatures.

Elle est arrivée ici vers 8 h 30, faute de mieux et parce que les résultats sont rapides, en une quinzaine de minutes. Avant d’opter pour un test antigénique, Maria s’est présentée à 7 h 30 devant un laboratoire pour un PCR, plus fiable et sensible au virus, surtout avec Omicron. Mais celui-ci ouvrait à 9 h 30, or elle commence le travail à 10 h 15. Elle n’était pas sûre d’être libérée à temps. Elle a rempli son QR code et attend.

Depuis le début de la pandémie, il y a presque deux ans, elle a réalisé une dizaine de tests. Le centre où elle se rend d’habitude n’existe plus. « C’est de plus en plus difficile de trouver des lieux où les faire. Tout a fermé, il manque des personnes pour faire les tests. »

La mère de famille est venue faire tester aussi sa fille de 13 ans. Celle-ci tousse et a été priée par son collège de réaliser un test. Là encore, les procédures du protocole sanitaire sont nébuleuses pour elle. De toute façon, Covid ou non, Maria explique : « Je ne me sens pas bien mais, dans tous les cas, j’irai travailler car j’en ai besoin. »

Caroline Coq-Chodorge et Faïza Zerouala