Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Emilie Cariou et Aurélien Taché : « La stratégie de communication du président Macron est cynique et irresponsable "

Janvier 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Emilie Cariou et Aurélien Taché : « La stratégie de communication du président Macron est cynique et irresponsable »

TRIBUNE

13/01/2022

Emilie Cariou Députée (EELV) de la Meuse, coprésidente des Nouveaux démocrates

Aurélien Taché Député (EELV) du Val-d’Oise et coprésident des Nouveaux démocrates

Les deux députés écologistes estiment, dans une tribune au « Monde », que le passe vaccinal est une attaque contre l’Etat de droit et y voient une étape de plus dans une hystérisation des débats.Publié hier à 13h00 Temps deLecture 3 min.
Sélections

D’un côté les progressistes, le camp de la raison, les vaccinés. De l’autre, ceux à qui il suffit de traverser la rue pour trouver du travail, ces « conservateurs », ces fanatiques, ces non-vaccinés. Monter les Français les uns contre les autres n’est pas digne de la fonction présidentielle.

La crise des « gilets jaunes » n’a pas pris fin grâce à des réponses apportées aux tensions sociales : elles ont été insuffisantes. Si le monde entier ne faisait pas face à une pandémie, les manifestants seraient encore dans la rue, à réclamer respect et considération. Le terreau – fertile – de la colère est toujours là. Le président de la République doit cesser de l’alimenter. Cette stratégie de communication est à la fois cynique et irresponsable.

Cynique parce qu’en pleine crise sanitaire et période de campagne, le président sait pertinemment, qu’elle ne froisse pas son électorat. Bien au contraire, elle le renforce. Irresponsable, parce qu’elle nuit gravement à la cohésion nationale, dont il est pourtant le garant.

L’hôpital mérite mieux
Elle est aussi calculatrice. Au mois de mars 2020, nous étions en guerre contre le virus. Le président avait raison de le dire. L’ennemi, il convient de le nommer à nouveau : SARS-CoV-2. Inélégant et mortifère, c’est bien contre lui que le gouvernement et la représentation nationale doivent, ensemble, se battre.

La marginalisation et le mépris des non-vaccinés sont un appel à la violence

En jetant l’opprobre et en polarisant sur les non-vaccinés, Emmanuel Macron détourne l’attention des Français de la situation délétère dans laquelle se trouvait déjà l’hôpital, bien avant la crise sanitaire. Les soignants sont épuisés. A quelques mois de l’élection présidentielle, l’hôpital mérite mieux qu’un débat hystérisé sur la vaccination.

Mais il y a plus grave encore. Le président et le gouvernement sont en train d’ouvrir une porte dangereuse qui risque de faire basculer notre Etat de droit vers un Etat moral. Selon l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme : « Nul ne sera condamné pour des actions ou omissions qui, au moment où elles ont été commises, ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’acte délictueux a été commis. »

Sans obligation vaccinale inscrite dans le droit positif, le passe vaccinal va priver une partie des citoyens français de nombreuses libertés fondamentales, dont celle d’aller et de venir, pour le seul fait d’être « irresponsables ». Et le rôle du législateur n’est pas de dire ce qui est « bon » ou « mauvais », mais de définir ce qui est légal et ce qui ne l’est pas.

Le lit du séparatisme
Les prises de position du président font le lit du séparatisme, le vrai : celui qui met au ban une partie des Français. Alors, la prochaine étape de la stratégie dite « sanitaire » du président sera-t-elle la déchéance de citoyenneté ?

Les menaces de mort et les violences envers les parlementaires pullulent. Les journalistes sont agressés dans l’exercice de leur travail. Des directeurs d’hôpitaux sont séquestrés. Monsieur le président de la République, lorsque vous dites vouloir « emmerder » les non-vaccinés, qui est irresponsable ?

Aujourd’hui dans le débat public, émergent des questions sur le fait d’accepter ou non les patients non-vaccinés dans nos hôpitaux. Et bientôt, viendront les suivantes « doit-on soigner la cirrhose d’une personne souffrant d’alcoolisme ou le fumeur atteint d’un cancer ? ». Le ver est dans le fruit. Les politiques de santé qui trouveraient leur seule réponse dans le fondement de la responsabilité individuelle sont contraires à celle que notre pays a choisi d’adopter, fondée sur la solidarité nationale. Doucement mais sûrement, la petite musique du système assurantiel qui nie les déterminants sociaux ou les accidents de la vie, commence à se faire entendre.

Monsieur le président de la République, oui la vaccination protège des formes graves de la maladie. Mais le passe vaccinal est une brèche dans l’Etat de droit. La marginalisation et le mépris des non-vaccinés sont un appel à la violence. Et si la responsabilité individuelle est essentielle dans la lutte contre l’épidémie, elle ne doit pas guider nos politiques de santé. L’heure est à l’apaisement.

Emilie Cariou(Députée (EELV) de la Meuse, coprésidente des Nouveaux démocrates) et Aurélien Taché(Député (EELV) du Val-d’Oise et coprésident des Nouveaux démocrates)