Covid-19 (Coronavirus-2019nCoV) et crise sanitaire

Le Monde.fr : Covid-19 : le gouvernement maintient sa stratégie de desserrement par étapes mais affiche un relatif optimisme

Février 2022, par infosecusanté

Le Monde.fr : Covid-19 : le gouvernement maintient sa stratégie de desserrement par étapes mais affiche un relatif optimisme

Dans un contexte épidémique qui s’améliore lentement et face à une tension hospitalière encore forte, le passe vaccinal demeure la pierre angulaire de la politique française.

Par Camille Stromboni

Publié le 03/02/2020

L’art de naviguer pendant un début de décrue serait-il aussi délicat qu’en pleine flambée épidémique ? La question refait surface à chaque vague de Covid-19, et la cinquième ne semble pas faire exception. Dans son sillage, d’autres se posent, face au variant Omicron, désormais dominant : la France va-t-elle à la bonne vitesse pour alléger les mesures de restriction qui pèsent sur le quotidien des Français ? Quels indicateurs retenir pour de telles décisions, quand d’autres pays européens font d’ores et déjà le choix de relâcher plus largement les vannes ?

Au gouvernement, on maintient le cap. Le calendrier des allègements, dévoilé dès le 20 janvier par le premier ministre, Jean Castex, alors même que le pic épidémique n’était pas encore atteint, demeure. S’il a pu soulever lors de son annonce des craintes sur un desserrement trop précoce, le pic des contaminations, qui semble désormais franchi, vient conforter ce choix.

« Le pire est derrière nous, on a fait le plus dur, a acté Olivier Véran sur BFM-TV, mercredi 2 février, confirmant le passage du pic des contaminations. Le ministre de la santé l’a néanmoins souligné : cela ne signifie pas « qu’on n’a pas des jours difficiles devant nous, la tension à l’hôpital est très forte ».

« On est en train d’arriver au pic d’hospitalisations »
Le conseil de défense sanitaire, intervenu le 2 février, soit le jour des premières levées de restriction sur le télétravail, l’abandon des jauges pour les lieux de grands rassemblements et la fin de l’obligation du port du masque à l’extérieur, n’a pas donné lieu à un changement de rythme. Prochaine étape : la réouverture des discothèques au 16 février, et le déploiement d’un nouveau protocole sanitaire à l’école, au retour des vacances scolaires, sur lequel des concertations sont prévues la semaine prochaine.

Sur le front de l’épidémie, plusieurs indicateurs confirment le début de reflux de la cinquième vague. La circulation virale, avec 315 363 cas positifs comptabilisés le 2 février, a commencé à ralentir. Le nombre de patients hospitalisés s’élève, lui, à 32 720 malades du Covid-19 au 2 février, soit un niveau supérieur à celui de la première vague. « On est en train d’arriver au pic d’hospitalisations », a indiqué M. Véran.

Avec une différence de taille : le nombre de patients en réanimation s’est, lui, déjà stabilisé en dessous de la barre des 4 000, qui donnait des sueurs froides aux hôpitaux – 3 700 patients Covid-19 occupent un lit en soins critiques au 1er février –, avec une tendance à la baisse, amorcée il y a bientôt trois semaines déjà.

Dans les rangs de l’exécutif, on défend la stratégie d’un desserrement par étapes, avec le maintien du passe vaccinal comme pierre angulaire, contrairement à certains voisins européens. Dans un « contexte épidémique qui s’améliore doucement », l’entrée en vigueur du passe vaccinal, au 24 janvier, constitue l’outil qui permet cette levée de premières restrictions, a défendu Jérôme Marchand-Arvier, directeur de cabinet au ministère de la santé. Le responsable était auditionné par la commission des affaires sociales du Sénat, mardi 1er février, dans le cadre de la mission d’information sur l’adéquation du passe vaccinal à l’évolution de l’épidémie.

800 000 primovaccinés depuis l’annonce du passe vaccinal
Les objectifs du passe restent « entiers », selon lui : « l’incitation à la vaccination », « le renforcement du niveau de protection des Francais » et « la diminution du risque de développer des formes graves ». Depuis l’annonce de cette transformation du passe sanitaire en passe vaccinal, fin décembre 2021, le pays compte 800 000 primovaccinés supplémentaires, a avancé le directeur de cabinet, arguant d’une « accélération considérable ». Mais il reste 4,3 millions de Français de plus de 12 ans non vaccinés, « sur lesquels pèsent à la fois pour eux et pour le système de santé un risque de développement de formes graves », a-t-il souligné, alors que 80 % de la population a reçu au moins une dose. En outre, 7 millions de personnes éligibles n’ont pas encore fait leur rappel, selon le ministre de la santé.

Son directeur de cabinet a précisé « la boussole » retenue pour prendre ces décisions, alors que les taux de contamination ont explosé ces dernières semaines : l’hôpital, encore à de « très hauts niveaux d’occupation ». Le maintien du passe se justifie aussi par la « protection qu’il confère », « dans une période de forte circulation du virus ».

Interpellé sur les conditions d’une levée du passe, Jérôme Marchand-Arvier a refusé de s’avancer sur un chiffre, qu’il s’agisse du niveau de personnes non vaccinées ou du nombre de malades en réanimation. Le passe pourrait être supprimé avant sa fin programmée, en juillet, si les conditions sanitaires le permettent, s’est avancé le ministre de la santé mercredi, citant comme critère un retour à la normale des hôpitaux, sans déprogrammation des soins pour les patients non-Covid.

« Prudence »
Devant les sénateurs, les virages pris par le Danemark et le Royaume-Uni, engagés dans un abandon des restrictions malgré la circulation toujours forte d’Omicron, ont été écartés par le directeur général de la santé, Jérôme Salomon, qui a appelé à la « prudence » sur ces « benchmarks internationaux ». « Les pays sont touchés de façon très asynchrone » par la vague Omicron, a-t-il rappelé, tandis que « beaucoup de pays continuent à être très prudents ».

La tension sur l’hôpital n’est pas la même en France, a également relevé Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, lui aussi interrogé au Sénat mardi 1er février. Le niveau en soins intensifs dans les établissements danois ou britanniques est « beaucoup plus bas » que le nôtre, selon le professeur de médecine. « Nous ne sommes pas au bout de la vague, nous sommes dans la vague », a insisté l’expert, qui a pointé aussi un « léger retard » français sur les injections de rappel chez les personnes âgées, par rapport à ces deux pays européens.

Les politiques de dépistage ne sont pas les mêmes non plus, particulièrement à l’école. « Le Danemark est l’un des pays qui teste le plus, avec l’Autriche ou encore l’Allemagne, avec plusieurs tests pour les élèves chaque semaine », relève l’infectiologue Gilles Pialoux.

« Il faut une politique ciblée pour les personnes fragiles »
Dans les rangs des médecins, on reste également sur ses gardes. « Le pic semble être derrière nous sur le nombre de contaminations, et on voit une stabilité en soins intensifs, cela peut donc avoir un sens de “desserrer” certaines restrictions, commente l’épidémiologiste Mahmoud Zureik. Mais on est à un niveau très élevé, il faut absolument mener une politique ciblée pour les personnes fragiles et immunodéprimées, elles ont un risque important de contamination et très important de développer des formes graves. » Un arrêté rendant les masques FFP2 gratuits pour les personnes à risque de forme grave de Covid-19 est paru au Journal officiel le 2 février.

« Nous sommes sur un plateau extrêmement haut et il est très peu probable que cela redescende avant la fin de l’hiver, prévient Djillali Annane, chef de réanimation à Garches (Hauts-de-Seine). Il n’est pas raisonnable de parler de sortie de crise, même si la tension diminue et que tout le monde a envie de l’entendre. »

Difficile, selon lui, d’entendre cette petite musique d’un Omicron sans conséquence, quand bien même il entraîne moins de formes graves que le variant Delta : « Il y a plusieurs centaines de morts par jour, majoritairement d’Omicron, des centaines de milliers de personnes contaminées, des milliers de malades hospitalisés », insiste Djillali Annane. Sans compter les incertitudes autour de l’impact du sous-variant d’Omicron, BA.2, et de l’émergence possible de nouveaux variants du SARS-CoV-2.

« Même s’il faut être très pragmatique et desserrer dès que l’on peut les contraintes, il est un peu tôt, juge l’épidémiologiste William Dab, qui défendait en décembre 2021 des mesures plus strictes, notamment le report de la rentrée scolaire, pour équiper et sécuriser les écoles. Surtout, il faut être prêt à réagir très vite quand la menace arrive et ne pas faire comme si c’était derrière nous. Je suis frappé de voir que le scénario retenu pour la communication de l’exécutif est toujours le plus optimiste. »

L’ancien directeur général de la santé s’interroge : l’objectif du gouvernement est-il avant tout de réduire la tension sur l’hôpital, ou bien de diminuer à tout prix la circulation virale, indépendamment de ses conséquences ? « Tous les pays font des choix différents parce qu’il y a des arbitrages à faire entre le sanitaire, le social, l’économique, pointe-t-il. Mais pour cela, il faut une stratégie sanitaire qui permet d’apporter des réponses graduées, selon des indicateurs précis, de donner du sens et de gagner la confiance de la population. » Une « stratégie de santé publique claire » qui fait encore défaut, selon lui.