Le droit de mourir dans la dignité

Libération - Fin de vie : Macron se débarrasse encore de la patate chaude

Mars 2022, par Info santé sécu social

Le président-candidat brandit une « convention citoyenne » pour trancher le débat, lequel est joué depuis longtemps, que ce soit sur l’arsenal juridique ou dans l’opinion publique.

par Eric Favereau
publié le 18 mars 2022

Il y a quelque chose d’indécent à toujours repousser le choix en matière de législation de fin de vie. Comme si la question était réduite à une vulgaire patate chaude et qu’il fallait toujours renvoyer à demain les choix à faire. C’est, en tout cas, le sentiment qu’a pu donner Emmanuel Macron en annonçant, jeudi lors de la conférence de presse où il présentait son programme, qu’il allait demander à une « convention citoyenne » de trancher ce débat. Ajoutant que les conclusions de cette convention seraient soumises « à la représentation nationale ou au peuple ». A eux de faire ensuite le choix « d’aller au bout du chemin qui sera préconisé ».

Une façon de s’en laver les mains. Car, coté « convention citoyenne », faut-il le rappeler à notre président-candidat, il y a déjà tout ce qu’il faut en matière de fin de vie. Ainsi, en décembre 2013, à la demande de François Hollande alors président, une conférence citoyenne s’est tenue sur la fin de vie. Et elle s’est prononcée en faveur du suicide assisté et de la création d’une exception d’euthanasie, selon le principe qu’il n’y a non pas une mais des fins de vie : celle-ci s’appliquerait dans les cas où le patient ne peut exprimer sa volonté. Cette conférence citoyenne reposait « sur un groupe de travail représentatif de la diversité de la société française ».

Question tranchée
Et cela ne s’est pas arrêté là. Des débats, il y en a eu à la pelle, comme des discussions, des rencontres, mais aussi des missions, telle celle d’Alain Claeys et Jean Leonetti qui a abouti à une nouvelle loi en 2016. Plus près de nous encore, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a lancé en juin un groupe sur la fin de vie présidée par Alain Claeys et le professeur Régis Aubry. Leur rapport est fini, l’avis est rédigé, mais il n’est pas encore adopté, car pour des raisons réglementaires les nouveaux membres du CCNE ne sont pas encore nommés (cela traîne depuis six mois).

Bref, si tout cela n’est affaire que de débats et de concertations, on ne manque de rien. Si on se tourne maintenant vers le Parlement, on voit aussi que la question est tranchée : plus de 240 députés, de droite comme de gauche, ont voté au printemps dernier un amendement « sur l’élargissement de la législation sur la fin de vie et sur l’euthanasie ». Coté opinion publique, celle-ci est manifestement faite. Le dernier sondage en date confirme une tendance toujours très nette : 75% des Français déclarent « souhaiter que la légalisation de l’aide active à mourir figure dans le programme des candidats à l’élection présidentielle », selon un sondage de l’Ifop, réalisé en février pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité. Plus précisément, 94% des Français approuvent le recours à l’euthanasie (contre 93% en avril), et 89% se disent favorables à l’autorisation du suicide assisté (au même niveau qu’en avril).

Attentisme déroutant

Manifestement, tout cela ne suffit pas, et le président-candidat appelle donc à de nouvelles concertations. « Sur ce sujet, je souhaite que nous puissions avancer de manière apaisée », a-t-il fait valoir. Mais où voit-il une tempête ? Le débat est aujourd’hui apaisé. Macron a ajouté, toujours lors de ladite conférence de presse, que la loi actuelle est « une bonne loi mais pas assez connue ». Ce qui est inexact : la loi dite Claeys-Leonetti est tout à fait connue, comme l’ont montré plusieurs études. Le problème est qu’elle est mal ou peu appliquée, en particulier autour de la possibilité offerte aux patients sous certaines conditions de bénéficier d’une sédation continue jusqu’au décès. Dans la pratique, un certain nombre d’équipes se montrent ainsi réticentes à le faire.

A un mois du premier tour de la présidentielle – alors que d‘autres candidats se sont, eux, clairement prononcés pour une euthanasie encadrée (comme Anne Hidalgo, Jean-Luc Mélenchon ou Yannick Jadot) –, cet attentisme est, au minimum, déroutant. A moins que le candidat Macron ne soit, au fond, opposé à cette simple demande des citoyens qui veulent avoir leur mot à dire sur la fin de vie.