Le droit de mourir dans la dignité

JIM (Journal International de Médecine) - Une convention citoyenne sur la fin de vie : pour quoi faire ?

Décembre 2022, par Info santé sécu social

Publié le 09/12/2022

Paris, le vendredi 9 décembre –

La convention citoyenne qui doit se pencher sur la législation sur la fin de vie a débuté ses travaux ce vendredi.

Discuter et réfléchir sur la mort pendant trois mois : tel est le programme assez peu réjouissant qui attend les 173 citoyens tirés au sort pour participer à la convention citoyenne sur la fin de vie. Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, cette convention a été lancée ce vendredi au siège du Conseil économique social et environnemental (CESE) par la Première Ministre Elisabeth Borne et doit achever ses travaux le 19 mars prochain. « Le cadre de l’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? » tel est l’épineuse question à la quelle la convention devra répondre.

Une convention citoyenne…avec des étrangers

Les 173 participants « volontaires et représentatifs de la diversité française » selon Claire Thoury (membre du CESE et présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie) ont été tirés au sort selon des critères d’âge, de sexe, de lieu de vie, de niveau de diplôme et de catégorie socio-professionnel afin que « chaque point de vue soit entendu ». Etonnamment, aucun critère de nationalité n’a été retenu : un étranger peut donc participer à une convention citoyenne ! Ce nombre de participants a été retenu pour « anticiper les risques de défection de citoyens pour raisons personnelles » et s’assurer ainsi que la convention comptera au moins 150 membres à la fin de ces travaux.

Ces citoyens se réuniront lors de neuf week-end de trois jours au CESE, de décembre à mars. Lors de la « phase de rencontre et d’appropriation (sic) » en décembre, les membres de la convention appréhenderont l’état actuel de la législation et des soins palliatifs en France. Ce vendredi, c’est Alain Claeys, coauteur de la dernière loi sur la fin de vie en 2016, qui sera la première personne auditionnée. Suivra une table ronde avec des experts internationaux pour connaitre l’état de la législation dans d’autres pays. Le week-end prochain, les citoyens auront des échanges avec des professionnels de santé et des représentants des cultes.

La phase de délibération s’étendra ensuite sur les mois de janvier et février. Les membres de la convention prendront alors le contrôles des débats et pourront organiser des auditions et des visites sur le terrain. Des débats qui pourront être suivis en direct par tout à chacun sur Internet. Enfin le mois de mars, « phase d’harmonisation et de restitution », sera consacré à la rédaction du rapport qui sera remis le 19 mars au gouvernement.

Une convention à l’utilité douteuse

Lors de la dernière convention citoyenne sur le climat, le Président de la République s’était engagé à reprendre les propositions des citoyens « sans filtre » avant de finalement abandonner certaines d’entre elles. Cette fois, pour éviter toute déception, les organisateurs se sont montrés clairs : « Les conclusions de la Convention citoyenne serviront à éclairer le gouvernement », rien de plus, peut-on lire dans la lettre de saisine d’Elisabeth Borne. Il n’y aura d’ailleurs aucun comité légistique chargé de retranscrire les propositions de la convention citoyenne en loi, comme ce fut le cas pour celle sur le climat. Ce sera donc au Parlement d’élaborer une loi sur la fin de vie en 2023, pour éventuellement légaliser l’euthanasie et le suicide assisté, en s’appuyant ou pas sur les conclusions de la convention citoyenne (le Parlement réunissant des élus et non des tirés au sort étant le lieu idoine pour des décisions de ce type depuis 1789).

Pour les opposants à la légalisation de l’euthanasie, les jeux sont de toute façon joués d’avance et cette convention citoyenne n’est qu’un moyen de donner l’illusion d’un débat démocratique. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a en effet déjà donné son feu vert en septembre dernier à la légalisation du suicide assisté tandis qu’Emmanuel Macron lui-même s’est prononcé en faveur de l’adoption du « modèle belge », nos voisins autorisant l’euthanasie de manière assez large.

A noter également (pour rendre le sujet plus complexe) que la convention citoyenne sur la fin de vie ne sera pas le seul espace de débats sur la question. La ministre des professionnels de santé Agnès Firmin le Bodo et l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran vont ainsi organiser un organiser un groupe de travail sur le sujet avec des parlementaires, tandis que des débats auront aussi lieux en régions à travers les « Espace éthiques régionaux ».

Autant d’élément qui laissent songeur sur l’utilité réelle de la convention citoyenne qui vient de s’ouvrir.

Quentin Haroche