Maternités et Hopitaux publics

JIM - La maternité des Lilas devra-t-elle fermer ses portes avant la fin de l’année ?

Août 2022, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 29 août 2022

C’est une institution connue d’un très grand nombre de femmes à Paris, qu’elles y aient accouché ou non. Elle promeut un accompagnement des futures mères avec comme objectif de favoriser des accouchements « physiologiques ».

La qualité du suivi et le lien entre les équipes médicales et les parturientes ont contribué à une réputation solide qui ne s’est pas érodée au fil du temps : la maternité des Lilas est née en 1964.

Incompatible avec la logique de la T2A
Mais l’institution est en péril depuis de nombreuses années. Voici plus de dix ans que régulièrement la question de la fermeture de l’établissement, géré par l’association Naissance, est sur la table. Cette maternité souffre en effet de déficit chronique.

La première raison de cette situation est son inadaptation à la tarification à l’activité (T2A) qui incite à multiplier les actes médicaux. Or, le projet même défendu par les Lilas conduit à limiter ces actes et les rentrées d’argent sont donc limitées.

Parallèlement, les dépenses sont pour leur part élevées, notamment parce que les sage-femmes doivent être présentes tout au long de l’accouchement.

Augmentation des loyers de 27 %
En outre, comme le révèle un article du Monde, qui s’est procuré un rapport commandé par le comité social et économique de la maternité et les syndicats au cabinet Syndex, les erreurs de gestion se sont multipliées.

La plus importante semble notamment une négociation malhabile du bail des locaux (vétustes) de l’institution après la vente de ces derniers en octobre 2019 par les héritiers du propriétaire historique.

Les loyers ont alors augmenté de 27 %, tandis que « Tout est la charge du locataire : travaux, entretien, réfection… Le bail est si déséquilibré qu’il donne le sentiment qu’il n’y a pas eu de réelle négociation » résume Marion Viel, juriste bénévole pour la Fondation des Femmes, citée par Le Monde.

En ligne de mire dans cette piètre défense des intérêts de la maternité, le président de l’association Naissance, Louis Fabiano qui reconnaît lui-même ne pas avoir lu les termes du bail. Le même Louis Fabiano voit par ailleurs certaines de ses dépenses et quelques autres de ses actions épinglées.

Dernier (?) sursis
Le modèle économique de la maternité et les erreurs commises obligent l’Agence régionale de Santé (ARS) (à laquelle les syndicats reprochent son manque de vigilance sur la gestion financière de la structure) à verser chaque année 4,5 millions d’euros à l’établissement (soit un tiers de son budget total) pour lui permettre de fonctionner.

Mais aujourd’hui, l’ARS semble vouloir en finir avec cette situation. Si un nouveau sursis a une fois encore été accordé au printemps dernier, une solution doit être trouvée très rapidement.

Avant juin 2023, en ce qui concerne l’autorisation administrative et même avant novembre, date de la fin du bail qui n’a pas été renouvelé.

Un projet avec beaucoup de réserves
Après l’abandon de nombreux autres projets (rapprochement avec l’hôpital de Montreuil puis avec la clinique privée Floréal notamment), une reprise par le groupe de cliniques Avec est la piste la plus sérieuse.

Mais l’idée déplait fortement aux salariés de la clinique. Ils ne sont en effet pas convaincus par la promesse du groupe de garder l’ensemble des agents et de continuer à réaliser uniquement des accouchements « physiologiques ».

Leurs craintes se fondent notamment sur les différences entre les pratiques de la clinique Vauban à Livry Gargan (gérée par le groupe Avec) et les Lilas : dans la première le recours à la péridurale concerne 90 % des accouchements contre 75 % aux Lilas.

De la même manière, les césariennes et les épisiotomies sont plus fréquentes. Outre une évolution des pratiques vers une augmentation des actes lucratifs, les salariés de la maternité redoutent l’application de dépassements d’honoraires, ce qui limiterait l’accès à la structure des habitants de Seine-Saint-Denis puisque les Lilas déménageraient (au moins dans un premier temps) dans les locaux de la clinique Vauban, ce qui fait aussi grincer des dents.

Les sage-femmes de la maternité des Lilas s’inquiètent enfin à propos de l’avenir du centre d’orthogénie alors que 900 interruptions volontaires de grossesse sont réalisées chaque année par l’établissement. Ces critiques pourraient cependant ne pas résister à l’urgence de la situation des Lilas qui n’a jamais été aussi périlleuse depuis sa création. A suivre.

Léa Crébat