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JIM - Intérim : les concessions de François Braun

Mars 2023, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 28 mars 2023

A une semaine du plafonnement de la rémunération des intérimaires, François Braun fait quelques concessions pour éviter une crise d’ampleur.

C’est un sujet que l’on a déjà beaucoup évoqué dans nos colonnes et qui suscite une inquiétude grandissante dans les hôpitaux : l’entrée en vigueur, le 3 avril prochain, de l’article 33 de la loi Rist du 26 avril 2021 qui prévoit de plafonner la rémunération des médecins intérimaires. Désormais, les hôpitaux ne pourront plus rémunérer un remplaçant au-delà du plafond réglementaire fixé en 2018 de 1170 euros brut pour une garde de 24 heures (970 euros net environ). Une réforme qui vise à diminuer le coût de l’intérim et à éviter de trop grandes inégalités de revenus entre médecins traditionnels et intérimaires mais qui suscite également l’inquiétude : de nombreux hôpitaux, notamment dans les villes moyennes, craignent de ne pouvoir garantir la continuité des soins sans l’aide des intérimaires.

Ce lundi, le ministre de la Santé François Braun était en déplacement au centre hospitalier intercommunal Alençon-Mammers en Normandie pour tenter de rassurer les équipes. Sur la forme, l’ancien urgentiste est resté campé sur une position intransigeante, dénonçant les « dérives » de « l’intérim mercenaire qui pousse les rémunérations au-delà du raisonnable et pousse in fine vers la destruction de notre service hospitalier ». « Si demain tous les médecins font de l’intérim on voit bien que l’hôpital ne pourra plus fonctionner » a surenchéri le ministre

20 % d’augmentation promis aux intérimaires, 30 % aux PH remplaçants

Mais sur le fond, bien conscient de la gravité de la situation, le ministre a fait quelques concessions. En premier lieu, s’agissant du plafond de la rémunération, il a annoncé que ses équipes allaient « travailler sur l’adaptation de ce tarif à la valeur de 2023 ». Ce nouveau plafond pourrait ainsi attendre 1 390 euros brut pour 24 heures soit près de 20 % d’augmentation. « En prenant en compte les frais de déplacement, plus les frais d’hébergement, plus les frais de voiture, c’est plus que raisonnable » commente François Braun.

Le ministre a également fait un geste en direction des praticiens hospitaliers, qui craignent d’être les victimes de cette réforme et de voir leur charge de travail augmenter sans compensation. Il a ainsi annoncé que les agences régionales de santé (ARS) auront désormais la possibilité d’augmenter substantiellement (jusqu’à 30 %) la prime de solidarité territoriale (PST) versée aux PH qui, en plus de leur poste fixe, acceptent d’aller travailler occasionnellement dans un autre hôpital en manque de bras. « On pourra aller jusqu’à 2 200 euros brut sur 24 heures le week-end et 1 700 euros brut en semaine » explique le ministre, qui souhaite que ces PH soient mieux payés que les intérimaires, pour donner envie aux médecins de rester ou de revenir à l’hôpital.

En revanche, sur la question précise du manque d’effectifs et de la manière dont les hôpitaux vont devoir, dès le 3 avril, tenir sans le renfort des intérimaires, le ministre est resté plus qu’évasif. « Nous ne laisserons pas la population française en difficulté dans certains territoires, mais cela restera dans le cadre de ce qui est réglementaire, il n’y aura pas d’exception à la règle » s’est contenté de répondre le ministre.

Où sont passés les 1,5 milliards d’euros de l’intérim ?
Difficile de dire si ces mesures suffiront à éviter la crise qui s’annonce à l’hôpital public à compter de lundi prochain ou même d’en réduire l’amplitude. En tout état de cause, elles ne devraient pas calmer la colère et l’inquiétude des syndicats. Ce dimanche, le syndicat national des médecins remplaçants hospitaliers (SNMRH) a de nouveau demandé la suspension de la réforme qui « promet de diviser notre salaire par deux, soit 25 à 30 euros de l’heure ». Pour le président du syndicat, le Dr Eric Reboli, sous couvert de « moralisation et de dénonciation de quelques brebis galeuses », le plafonnement de la rémunération des intérimaires va « détruire encore davantage l’hôpital public ». L’organisation promet d’agir en justice pour tenter de faire abroger l’article 33 de la loi Rist, en allant devant le Conseil Constitutionnel ou la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) s’il le faut.

Les syndicats de PH, SNPHARE et APH en tête, s’ils soutiennent la réforme sur le principe, sont aussi très inquiets sur ses conséquences pour l’hôpital et les PH. Ils espèrent en tout cas que les 1,5 milliards d’euros d’économie revendiqués par le ministère de la Santé grâce à cette réforme seront utilisés pour améliorer l’attractivité des carrières des PH. Si François Braun avait fait une annonce en ce sens le 16 mars dernier, les PH ont peu apprécié que le sujet ne soit absolument pas évoqué lors d’une réunion entre le ministre et les syndicats qui s’est tenue mardi dernier. « Les mesures d’attractivité sont suspendues à des énièmes missions IGAS et autres comités théodule, le milliard et demi d’euros de surcout de l’intérim qui auraient dû être investis pour les PH qui restent sur place et tiennent la barre s’est tout simplement évaporé » se désole APH.

Grégoire Griffard