Les professionnels de santé

Journal International de Médecine - Non application du tiers payant : l’absence de sanction confirmée

Février 2017, par Info santé sécu social

Depuis le début de l’année, les syndicats de médecins libéraux ont relancé leur appel au boycott du tiers payant. Ce refus du dispositif concerne jusqu’aux patients prix en charge à 100 % par la Sécurité sociale (Affections longue durée, grossesse), pour lesquels l’application du tiers payant sur la part « Sécurité sociale » est pourtant obligatoire depuis le 1er janvier 2017. Les messages des syndicats ne sont pas unanimement entendus. Régulièrement, l’Assurance maladie peut se féliciter de constater une progression du tiers payant. Une hausse a notamment été observée depuis le mois de juillet, date à laquelle le tiers payant est devenu possible pour les patients couverts à 100 %. Cette progression de l’application de la dispense d’avance de frais répond probablement en grande partie à trois facteurs. D’abord, les logiciels de télétransmission ont par défaut intégré les différentes étapes du tiers payant fixées par les pouvoirs publics. Ainsi, le 1er janvier 2017, les médecins qui n’avaient pas débrayé manuellement leur logiciel ont pu par erreur être réglé deux fois : une fois par le patient et une seconde fois par la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) auprès de laquelle l’acte avait été enregistré comme réalisé en tiers payant. Ce que les syndicats ont dénoncé comme un « forçage » a cependant probablement conduit un nombre non négligeable de professionnels de santé à se convertir malgré eux au tiers payant.

La pression des patients

D’autre part, les praticiens, en dépit d’une opposition marquée au principe du tiers payant, peuvent aujourd’hui décider de répondre à une demande de leurs patients. Parallèlement aux campagnes des pouvoirs publics, mais aussi à la diminution des remboursements réalisés par les mutuelles (dans le cadre de la réforme du contrat responsable), les patients sont en effet de plus en plus nombreux à se montrer sensibles à la conformation ou non de leur médecin avec certains dispositifs. Enfin, il n’est pas impossible, qu’alors que les relations entre les caisses et les praticiens libéraux sont considérées comme de plus en plus tendues, les médecins aient voulu parer à toutes représailles. Pourtant, les syndicats, tel MG France, promettent qu’il n’existera pas de sanctions.

Pas de sanction, sauf quand le tiers payant est refusé aux patients relevant de l’AME ou la CMU

De fait, le ministre de la Santé pendant l’élaboration de la loi avait promis qu’aucune sanction ne serait précisée. Promesse tenue, la loi de santé se montre muette sur le sujet. A l’occasion des négociations conventionnelles, le sujet n’est pas plus revenu (même si a été rapidement suggérée l’idée que les praticiens appliquant le tiers payant pourraient recevoir un bonus au titre de la Rémunération sur objectif de santé publique, une proposition aussi vite abandonnée). Aujourd’hui, dans le Quotidien du médecin, l’Assurance maladie affirme encore une fois qu’aucune mesure de rétorsion n’est envisagée pour les médecins n’appliquant pas le tiers payant, à l’exception des cas où la dispense d’avance de frais est refusée aux bénéficiaires de la CMU-C ou de l’Aide médicale d’Etat (AME) ; ces manquements sont en effet prohibés par la convention.

Qui vivra, verra…

Cette absence de sanction sera-t-elle définitive ? Les médecins peuvent en tout état de cause attendre les résultats des prochaines élections présidentielles pour estimer si un jour l’absence de dispense d’avance de frais pourrait être l’objet de sanctions. De même, la pression exercée par une partie des patients (Le Collectif interrassociatif des associations de santé déplore fortement l’absence de sanctions) pourrait s’amenuiser si le paysage politique était profondément modifié et le champ d’action de la Sécurité sociale et des mutuelles réorganisé.

Aurélie Haroche