La santé au travail. Les accidents de travail et maladies professionnelles

L’Humanité - L’état ferme les yeux sur l’amiante

Août 2017, par Info santé sécu social

A Nantes, les inspecteurs du travail exposés à ce matériau cancérigène exercent leur droit de retrait. Malgré les risques, le ministère, lui, exige qu’ils réintègrent leurs locaux.

Dans l’épreuve de force qui les oppose à la ministre du Travail et face à la surdité des pouvoirs publics, les organisations syndicales CGT, FSU et SUD de la fonction publique ont décidé de hausser le ton et dénoncent « la mise en danger » de leurs propres agents par le ministère. En cause, la présence d’amiante avérée depuis des semaines dans la tour de Bretagne, à Nantes (Loire-Atlantique), tour de bureaux qui abrite, entre autres, les locaux de la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi), dont les 90 salariés dépendent directement du ministère de Muriel Pénicaud.

L’affaire remonte au tout début de l’été. « Le 20 juin dernier », rappelle l’intersyndicale, lorsque les agents de la Direccte « ont alerté par une lettre ouverte à Muriel Pénicaud de la découverte de matériaux amiantés très dégradés et très émissifs dans les locaux de la tour de Bretagne ». En chaîne, « la quasi-totalité des agent(e)s ont exercé leur droit de retrait », poursuivent les syndicats. Depuis, et malgré les demandes répétées pour qu’un relogement temporaire des fonctionnaires soit effectué afin de garantir non seulement leur sécurité, mais également « la continuité du service public », le ministère joue les filles de l’air.

Avant de finalement trancher, le 11 août dernier. « La direction de la Direccte à Nantes vient d’ordonner à plusieurs agent(e)s de réintégrer les locaux de la tour de Bretagne, polluée à l’amiante », ont déploré les organisations syndicales. Pourtant, dans un message adressé le 4 juillet aux agents, le directeur régional reconnaissait lui-même que « l’administration n’était pas en mesure de garantir leur sécurité absolue ». « On parle bien d’amiante, du plus puissant cancérigène, qui plus est sans effet de seuil et dont la moindre fibre, comme le démontrent toutes les études scientifiques, peut avoir un impact sur la santé », note Gérald Le Corre, inspecteur du travail et secrétaire CGT du CHSCT du ministère du Travail. Pour le syndicaliste, le ministère a choisi dans ce dossier une logique dangereuse de « gestion du risque ». « Le droit de retrait des agents est dans ce contexte tout à fait justifié, aujourd’hui encore », poursuit Gérard Le Corre, qui rappelle que « la CGT milite pour le relogement temporaire de tous les salariés de la tour, du public comme du privé, afin que des travaux de décontamination complets du bâtiment soient effectués ». Pour sa part, la direction justifie cette décision de réintégration des locaux par la mise en oeuvre d’une série de « mesurages d’air ambiant » suffisante, selon elle, pour garantir de bonnes conditions de travail. Faux, rétorquent les syndicats, qui pointent une solution « précaire et incertaine » et estiment que « ces mesurages ne constituent pas, en soi, une mesure de protection » étant donné qu’« il n’existe aucun seuil d’exposition en dessous duquel le risque de développer une pathologie serait nul ». Les travaux de désamiantage du bâtiment, eux, ne semblent toujours pas avoir été planifiés. Propriétaire des locaux, le ministère du Travail, qui tente « un passage en force », doit « retirer ses consignes de réintégration », demandent les organisations syndicales, qui exigent, une nouvelle fois et « urgemment », que des mesures de protection des salariés soient prises.

Marion D’allard