La santé au travail. Les accidents de travail et maladies professionnelles

Le Monde.fr : La fragilité psychique des salariés cherche sa place dans le management

Octobre 2017, par infosecusanté

La fragilité psychique des salariés cherche sa place dans le management

Selon le premier baromètre Santé mentale et emploi, 80 % des salariés interrogés pensent que les problèmes de santé mentale doivent être gérés par l’entreprise.

LE MONDE ECONOMIE

10.10.2017

Par Anne Rodier

« En France, les problèmes de santé mentale représentaient 15 % des dépenses de la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés en 2011, soit 22,6 milliards d’euros. »
La santé mentale des salariés pourrait coûter cher aux entreprises qui n’en tiennent pas compte. L’Institut Randstad et l’association Clubhouse France, spécialisée dans l’accompagnement des personnes psychiquement fragilisées, publient, mardi 10 octobre, le premier baromètre sur la santé mentale et l’emploi, réalisé du 7 au 30 avril par l’institut Chrysippe.

Trois mille cinq cents salariés ont été interrogés sur leur expérience de troubles psychiques au travail. L’objectif de ce nouvel instrument diffusé à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale est de susciter une prise de conscience autour de la santé mentale en entreprise et d’amorcer une réflexion sur une meilleure prévention. « Les employeurs sont démunis face à ces enjeux de société (…). Le baromètre fait partie de la batterie d’outils pour mieux comprendre et mieux agir », déclare Céline Aimetti, la déléguée générale de Clubhouse France.

2 millions de personnes atteintes

L’enjeu est de taille. Aujourd’hui, quelque 2 millions de personnes vivent avec un trouble psychique sévère (bipolarité, schizophrénie, dépression, burn-out, etc.). Une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé (Drees) publiée en juillet 2014 (« Troubles mentaux : quelles conséquences sur le maintien dans l’emploi ? »), rapportait que « 12 % des femmes et 6 % des hommes âgés de 30 à 55 ans [en emploi en 2006] déclarent souffrir au moins d’un trouble mental (trouble anxieux généralisé ou épisode dépressif caractérisé). Parmi ces personnes, plus de 20 % invoquent une limitation d’activité », et quatre ans plus tard près de 20 % avaient perdu leur emploi, précise la Drees.

Le coût pour l’économie est considérable. En France, les problèmes de santé mentale représentaient 15 % des dépenses de la Caisse nationale de l’assurance-maladie des travailleurs salariés en 2011, soit 22,6 milliards d’euros. L’Organisation mondiale de la santé estime que la dépression et les troubles de l’anxiété coûtent à l’économie mondiale 1 000 milliards de dollars par an en perte de productivité.

Les entreprises ont donc intérêt à se préoccuper des troubles psychiques en situation de travail. Pourtant ils sont encore très mal pris en charge. Le baromètre Clubhouse France-Randstad explique que seuls 40 % des répondants pensent que leur entreprise prend en compte la santé mentale de ses collaborateurs. Et près de 60 % des manageurs qui ont été confrontés aux problèmes psychiques d’un salarié considèrent qu’il n’a pas été accompagné. Les personnes qui ont répondu sont à 60 % des cadres, et un sur deux a déjà travaillé ou travaille actuellement avec une personne en situation de handicap psychique.

Peur

L’attente des salariés est notable : 80 % des répondants pensent que les problèmes de santé mentale doivent être gérés par l’entreprise. Mais 70 % déclarent qu’ils auraient peur d’en informer leur entreprise s’ils étaient personnellement confrontés à un problème de santé mentale. Ce qui se comprend à la lecture de l’étude de la Drees précédemment citée qui constate que : « Déclarer des problèmes de santé mentale conduit à diminuer très significativement la probabilité de se maintenir en emploi. »

Dommage, quand on sait que « le travail favorise une euphémisation, voire un déni de la maladie », expliquent la psychologue Dominique Lhuilier et la sociologue Anne-Marie Waser dans leur dernier travail d’enquête Que font les 10 millions de travail ? (éd. Erès, « Clinique du travail », 2016). Ce que confirme le baromètre avec ce dernier chiffre : 70 % des répondants au baromètre Santé mentale et emploi estiment que « la prise en compte [par l’entreprise] a eu un impact positif pour le collaborateur et pour l’environnement professionnel des personnes concernées ».