L’hôpital

La dépèche.fr Hôpital public : l’état d’urgence

Décembre 2017, par infosecusanté

Hôpital public : l’état d’urgence

La Fédération hospitalière de France lance un cri d’alarme : le déficit des établissements s’établierait à 1,5 milliard en 2017 « et la qualité des soins est aujourd’hui menacée ». Les personnels sont à bout et l’hôpital en état d’urgence prolongé...

L’état de développement avancé d‘une société humaniste se mesure sans doute à l’état de son offre de santé publique. Et l’hôpital public est en première ligne. C’est à cette aune-là qu’il faut mesurer l’urgence de l’appel, lancé hier par la Fédération hospitalière de France (FHF), un cri d’alarme, un de plus, sur la situation financière des établissements qui « devraient connaître un déficit historique de 1,5 milliard d’euros » en 2017. « La ligne rouge est dépassée », affirme ainsi le président de la FHF Frédéric Valletoux, appelant le gouvernement à « des réformes structurelles et financières désormais vitales ».

Des hôpitaux en apnée

Au-delà de la question budgétaire, c’est selon lui, « la qualité des soins qui est aujourd’hui menacée », et menacée justement par une approche exclusivement comptable qui nuit à la vocation d’établissements publics en apnée budgétaire, avec des services qui gardent la tête hors de l’eau grâce au dévouement des personnels soignants souvent exsangues. « L’hôpital ne peut pas être à la fois le pilier du système de santé et l’unique variable d’ajustement économique », résume ainsi, en termes crus, Frédéric Valletoux.?

Son cri d’alarme est motivé par les estimations remontées aux agences régionales de santé (ARS) par les établissements : le déficit 2017 des hôpitaux évalué à 1,5 milliard d’euros représente 2 % des budgets hospitaliers, « un niveau dramatique et totalement inédit » juge la FHF qui explique « cette dégradation » par « l’impact des plans annuels d’économies », mais aussi « par une activité tout au long de l’année moins dynamique que celle prévue lors de la construction des tarifs d’hospitalisation il y a un an ». Au final, les hôpitaux se sont retrouvés « avec un même niveau de dépenses incompressibles en regard d’un moindre niveau de ressources ».

Ce n’est pas tout : Frédéric Valletoux reproche aussi au gouvernement de vouloir, pour la troisième année consécutive, « faire payer aux hôpitaux le dynamisme des dépenses » de la médecine de ville. Il pointe notamment le coût « sous-estimé » de la nouvelle convention passée avec les médecins libéraux.

Différences de traitement

Le contraste est d’ailleurs saisissant entre la calinothérapie des pouvoirs publics appliquée à la médecine libérale – l’ensemble des dispositifs vient d’être sévèrement étrillé par la cour des comptes – et le sort réservé à un hôpital public qui n’en finit pas de crier misère. Le FHF réclame ainsi le dégel de nouveaux crédits mis en réserve et qui « reviennent aux hôpitaux ». La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé le dégel de 150 millions sur les 350 réclamés. Sinon, si on veut bien l’écouter, la FHF a des idées sur les réformes à mener pour financer le système, des mesures qui figuraient déjà dans les 50 propositions adressées aux candidats à la présidentielle pour sauver des « hôpitaux à bout de souffle ». La clé, précisait alors Michel Thiriet, délégué régional de la FHF Occitanie, « c’est « une politique fondée sur la relance de l’investissement hospitalier, avec la consolidation des moyens nécessaires à la prise en charge des patients ». Depuis, un nouveau – et remuant – locataire s’est installé à l’Elysée mais la situation de l’hôpital public relève toujours de l’état d’urgence.

« On pourrait créer 78 000 emplois ! »

« L’hôpital souffre de l’austérité, du manque d’investissement qui le pousse à s’endetter auprès d’organismes privés, du manque de reconnaissance des équipes ». Julien Terrié, secrétaire CGT (majoritaire) au CHU de Toulouse cite trois mouvements sociaux (transporteurs de sang, pédopsychiatrie, informatique) en cours sur le CHU. « Il y a eu une présidentielle, mais à l’hôpital, toujours pas de changements », relève-t-il : « La réforme de la tarification à l’acte, on l’attend toujours ». Et puis, cette autre priorité, « il faut que l’Etat arrête de ponctionner l’hôpital alors qu’il devrait le financer. Le CHU de Toulouse a payé 43 millions d’impôts au titre de la taxe sur les salaires en 2016. Au niveau national, cet impôt représente 3,5 milliards. Avec cette somme, on pourrait créer 78 000 emplois ! ».

Daniel Hourquebie