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Lequotidiendumedecin.fr : ROSP 2015 : 6 756 euros en moyenne pour les généralistes, annonce Nicolas Revel

Avril 2016, par infosecusanté

ROSP 2015 : 6 756 euros en moyenne pour les généralistes, annonce Nicolas Revel

Cyrille Dupuis, Marie Foult

21.04.2016

Près de 90 000 médecins perçoivent actuellement leur rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) au titre de 2015, pour un montant moyen de 4 514 euros, annonce Nicolas Revel, directeur de la CNAM, au « Quotidien ». La prime grimpe à 6 756 euros pour les généralistes. Le patron de l’assurance-maladie dresse le bilan détaillé de la ROSP et prévoit de nouveaux indicateurs intégrant les enjeux liés à l’alcool et au tabac. Entretien.{{}}

Le QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Au titre de la ROSP 2015, quelle sera la prime moyenne versée aux médecins, et plus spécifiquement celle des généralistes ?

NICOLAS REVEL : Exactement 89 489 médecins vont percevoir une rémunération au titre de la ROSP 2015 d’un montant annuel de 4 514 euros en moyenne. Pour les généralistes seuls (hors MEP), le montant moyen sera de 6 756 euros. Pour l’ensemble des médecins concernés, il s’agit d’une progression de plus de 7 % par rapport à 2014.

Ces primes seront versées au cours de cette semaine à l’ensemble des bénéficiaires, y compris aux nouveaux installés qui percevront donc leur ROSP, comme déjà l’année dernière, en même temps que leurs autres confrères.

La ROSP continue-t-elle à faire progresser les pratiques ou y a-t-il un effet plateau ?

Si la rémunération versée augmente encore sensiblement en 2015, c’est bien parce que les résultats sont à nouveau en progrès. Le taux d’atteinte global des objectifs pour les généralistes et MEP progresse de 3,2 points entre 2014 et 2015, pour atteindre 68,3 %. Cette amélioration concerne les trois quarts des médecins et porte sur 15 des 19 indicateurs cliniques. Il n’y a donc pas d’effet « plateau », ce qui est le signe qu’au bout de quatre années, le dispositif est loin d’avoir épuisé ses effets sur l’évolution des pratiques. Cela traduit aussi le fait que les indicateurs choisis en 2011 ont porté sur des sujets à fort enjeu où les marges d’évolution étaient importantes.

Quels sont les résultats qui vous satisfont ? Quels sont les déceptions ou les échecs ?

Je l’ai dit, les points de satisfaction sont nombreux. C’est particulièrement le cas du suivi des patients diabétiques. Si l’on compare 2015 à 2011, on constate que près de 277 000 patients supplémentaires ont pu bénéficier des dosages d’hémoglobine glyquée recommandés et que 87 000 patients diabétiques de plus, concernés par un haut risque cardiovasculaire, ont été mis sous traitement par statine et par aspirine faible dosage ou anticoagulant. Enfin, et c’est aussi une bonne nouvelle, après trois années de stabilité, le dépistage de la rétinopathie progresse d’un point. Cela tient pour partie au nouveau dispositif de télémédecine mis en place en 2015 par la CNAMTS.

Sur la prévention, les résultats ne sont-ils pas encore une fois très décevants ?

Vous avez raison, ils sont en retrait par rapport aux autres objectifs mais ils se sont améliorés en 2015 pour plus de la moitié des médecins, ce qui est un progrès intéressant par rapport aux années précédentes.

Dans le détail, en matière de prévention du risque iatrogène, les résultats s’améliorent sur le recours aux benzodiazépines, qui diminue encore : ce sont ainsi en 2015 plus de 380 000 prescriptions de « benzo » qui ont été évitées par rapport à 2011. Sur l’antibiothérapie en revanche, il faut être vigilant : après plusieurs années de baisse, les prescriptions d’antibiotiques se stabilisent, alors que nous restons encore au-dessus de l’objectif de 37 prescriptions pour 100 patients.

Pour ce qui concerne la vaccination des plus de 65 ans contre la grippe et le dépistage des cancers féminins, les résultats restent décevants même si nous avons au moins enrayé la baisse enregistrée les années précédentes. C’est évidemment insatisfaisant mais j’espère qu’il s’agit d’un point d’inflexion. Sur la vaccination, il faut réussir à sortir du contexte d’interrogation, voire de défiance, qui s’est installé depuis l’épisode H1N1. Cela passe par un travail collectif de conviction et de pédagogie en direction des publics les plus exposés. Il faut rappeler les données scientifiques et de santé publique. C’est le sens du débat public voulu par Marisol Touraine.

Quant au dépistage des cancers féminins, nous devons avec l’ensemble des pouvoirs publics et autorités sanitaires, améliorer le fonctionnement des dépistages organisés. C’est l’objectif fixé par le 3e Plan cancer. À cet égard le nouveau test immunologique de dépistage du cancer colorectal diffusé depuis près d’un an monte en charge très fortement avec un taux de recours en nette progression par rapport au précédent test Gaïac. Ce n’est pas un indicateur inclus dans la ROSP actuelle mais il faudra sans doute l’intégrer l’année prochaine.

La ROSP a-t-elle permis de doper le recours aux génériques ?

Sur les cinq classes suivies, la progression du taux de prescription dans le répertoire se poursuit en 2015. La progression est de 20 points sur 4 ans, ce qui est très important ! C’est notamment le cas pour les statines et les antidépresseurs où les objectifs cibles ont été atteints, même s’il faut reconnaître que la tombée de certains brevets y a aussi contribué. Reste que des améliorations sont encore possibles, notamment au regard des écarts de pratiques entre professionnels. Je pense par exemple aux prescriptions d’antibiotiques où nous restons en deçà des objectifs.

Le pari de l’informatisation et de l’équipement des cabinets est-il gagné ?

L’équipement informatique incluant les logiciels d’aide à la prescription a été un succès avec 78 % d’usage des LAP chez les généralistes et MEP aujourd’hui. Ce pari est en passe d’être remporté. C’est aussi le cas pour l’élaboration du volet de synthèse médicale annuelle par le médecin traitant (83%). L’utilisation des téléservices progresse de 5 points, à 77%. Aujourd’hui, 91% des généralistes sont éligibles à la rémunération sur ce volet « organisation » [le prérequis étant d’atteindre deux tiers de FSE] et c’est le cas de 78% des spécialistes. Une minorité de médecins refusent de s’équiper : c’est probablement un phénomène générationnel avec des médecins en fin de carrière qui n’ont pas souhaité investir. Les prochaines années devraient nous permettre de tendre vers les 100%, au moins pour les généralistes.

La ROSP ne doit-elle pas évoluer ? Le collège de médecine générale réclame un aggiornamento…

La ROSP s’est définitivement installée dans le paysage conventionnel. Elle est devenue un levier d’amélioration des pratiques, reconnu par les médecins eux-mêmes ! Le principe de son existence ne fait donc plus débat mais cela ne veut pas dire qu’elle doit demeurer en l’état. La négociation de la nouvelle convention doit nous permettre d’actualiser son contenu et d’améliorer son fonctionnement, notamment pour la rendre plus facilement révisable d’une année à l’autre.

C’est dans ce sens que j’ai demandé au Collège de médecine générale de conduire une réflexion indépendante sur les évolutions à apporter à la ROSP pour les prochaines années. Les propositions du CMG seront une contribution très utile aux échanges que nous aurons la semaine prochaine avec les partenaires conventionnels.

Il est clair que certains indicateurs devront être abandonnés parce qu’ils n’ont plus de sens aujourd’hui. Je pense à la prescription des vasodilatateurs qui sont sortis du remboursement. À l’inverse, il serait utile d’inclure de nouveaux indicateurs dédiés à la prise en charge de l’hypertension artérielle ou de la maladie rénale chronique. La lutte contre la iatrogénie chez les personnes âgées, les enjeux liés au tabac et à l’alcool devront aussi être intégrés.

Faut-il augmenter la part de la ROSP dans la rémunération du médecin libéral ?

L’intérêt de la ROSP est précisément qu’elle augmente chaque année à due proportion des résultats obtenus. Entre 2012 et 2015, elle est passée d’un total de 294 à 404 millions d’euros, soit une progression de 37 % en quatre ans ! Je souhaite que la ROSP que nous construirons pour la nouvelle convention prolonge cette dynamique positive. Les médecins connaissent leur métier et la ROSP n’a pas vocation à les rémunérer pour ce qu’ils font déjà très bien. Pour être utile et légitime, la ROSP doit porter sur des sujets où se concentrent les enjeux et les difficultés, notamment en matière de prévention. Elle doit aussi permettre de mieux prendre en compte des recommandations médicales les plus récentes qu’il faut pouvoir rapidement traduire dans les pratiques.

La ROSP doit enfin permettre d’intéresser les médecins au fruit de leurs actions pour favoriser la maîtrise des dépenses de santé. Ils demandent à avoir le retour de leurs efforts. La ROSP est probablement la réponse la plus directe et la plus efficace.

Mais la croissance de la ROSP est-elle compatible avec la hausse du C ?

Je n’oppose pas les deux. La prochaine convention devra faire une place aux revalorisations des actes comme à la meilleure organisation des structures d’exercice, mais aussi à l’amélioration des prises en charge et à la recherche d’économies intelligentes liées à la prescription du juste soin au meilleur prix. Cela doit aboutir à un ensemble équilibré qui fasse progresser à la fois les conditions d’exercice et l’efficience de notre système de santé.