L’hôpital

Challenges.fr : Pourquoi la situation est explosive dans les hôpitaux et maisons de retraite

Mai 2018, par infosecusanté

Pourquoi la situation est explosive dans les hôpitaux et maisons de retraite

Par Laurent Fargues le 31.01.2018 à 12h02

Edouard Couty, médiateur national sur les conditions de travail des professionnels de santé, revient sur les grèves dans les hôpitaux et maisons de retraite. Il rappelle que les effectifs d’infirmières ont augmenté moins vite que l’activité dans les hôpitaux depuis 2009.

Dans les hôpitaux, le nombre de personnels non soignants a augmenté de 3-4 % depuis 2009, quand l’activité a progressé de 15 %.
Dans les hôpitaux, le nombre de personnels non soignants a augmenté de 3-4 % depuis 2009, quand l’activité a progressé de 15 %.
Regis Duvignau

Comment expliquez-vous l’accumulation de blocages et grèves dans les hôpitaux et maisons de retraite ?

Les problèmes sont différents dans les maisons de retraite médicalisées (Ehpad) et les hôpitaux publics. Les premières souffrent d’un très faible taux de personnels par pensionnaires. En moyenne, il y a sept soignants pour dix résidents, quand les pays nordiques comptent un soignant pour un résident et plus de soignants que de résidents en Allemagne ! Ce manque de personnels a des conséquences désastreuses sur la prise en charge des personnes âgées en termes d’hygiène ou de qualité de l’accueil.

Les équipes sont-elles plus étoffées dans les hôpitaux ?

La situation y est très différente d’un établissement à l’autre, d’un service à l’autre. Certains hôpitaux soignent beaucoup de patients, effectuent un grand nombre d’opérations et ne manquent pas de personnels. D’autres manquent de personnels avec parfois des services en surchauffe et d’autres qui tournent au ralenti. Globalement, la tendance est néanmoins à une augmentation de la charge de travail. Depuis 2009, le volume de soins dispensés dans les hôpitaux a augmenté de 15 %, tandis que les personnels non médicaux n’ont progressé que de 3 à 4 %. En clair, la charge de travail des infirmières et des aides soignants a augmenté en volume et en densité.

Les conflits dans les hôpitaux et dans les maisons de retraite peuvent-ils se rejoindre ?

C’est très difficile à prévoir. D’un côté, les problèmes sont très différents. De l’autre, ces personnels appartiennent tous à la fonction publique hospitalière. Ils ont le même statut et sont représentés par les mêmes syndicats.

Estimez-vous que la situation est explosive dans les hôpitaux ?

Une fois encore, les cas sont très différents d’un établissement à l’autre. Une chose est certaine, la nouvelle génération de médecins et personnels non soignants n’est plus prête à subir les excès du mandarinat. Par le passé, il y avait une certaine omerta sur la brutalité managériale de certains chefs de service. C’est fini. Comme médiateur, je traite une cinquantaine de dossiers de médecins en conflit professionnel avec leur hiérarchie ou leurs collègues. Les directions des hôpitaux doivent être encore plus à l’écoute des équipes et gérer de manière plus humaine et bienveillante.

Comment le ministère de la Santé peut-il réagir ?

La ministre de la Santé Agnès Buzyn m’a confié une mission pour créer un service de médiation nationale au service du 1,2 million de personnels des hôpitaux. L’objectif est de permettre de résoudre les conflits professionnels qui suscitent de la souffrance au travail. D’ici l’automne 2018, le service pourrait compter une dizaine de médiateurs régionaux avec chacun des équipes composées de psychologues, médecins du travail, etc. Le ministère de l’Education nationale s’est doté d’un tel service il y a des années et cela permet de déminer des milliers de conflits chaque année.