L’hôpital

Lefigaro.fr : Mort de Naomi Musenga : l’opératrice du Samu invoque la surcharge de travail

Mai 2018, par infosecusanté

Mort de Naomi Musenga : l’opératrice du Samu invoque la surcharge de travail
Le figaro.fr
14 mai 2018

Ses mots avaient été durs, son ton désagréable. L’opératrice du Samu, dans la tourmente depuis l’annonce la semaine dernière du décès de Naomi Musenga fin décembre à Strasbourg après un appel d’urgence, est sortie de son silence ce week-end, dans un reportage diffusé par M6. Dans l’émission 66 Minutes, on apprend qu’elle vit cloîtrée chez elle et qu’elle n’ose plus sortir. « Moi je suis lynchée sur la place publique », raconte-t-elle par téléphone. « Je pense que si les gens connaissaient mon visage et mon nom, je ne serais plus de ce monde aujourd’hui ». Elle ajoute que ses collègues ont reçu des menaces. Certains ont d’ailleurs porté plainte. « Les équipes qui vont intervenir sur le terrain risquent aussi de se faire caillasser », craint-elle également.
Le 29 décembre 2017, cette assistante de régulation n’avait pris au sérieux l’appel au secours de Naomi Musenga, qui se plaignait de douleurs au ventre. L’opératrice du Samu avait redirigé la jeune femme de 22 ans vers SOS médecins. Elle était décédée quelques heures plus tard dans un hôpital de Strasbourg. Fin avril, le journal local Heb’di a révélé l’affaire et diffusé l’enregistrement de l’appel entre l’opératrice et la jeune femme. Elément accablant qui a poussé les hôpitaux de Strasbourg à ouvrir une enquête administrative le 2 mai. Dans la foulée, les deux associations - Samu Urgences de France et l’Association des médecins urgentiste de France - ont sollicité un rendez-vous avec la ministre de la Santé, qui doit avoir lieu ce lundi à 14h30.

« On est sous pression en permanence »

Interrogée sur l’appel de Naomi Musenga et d’éventuels regrets qu’elle pourrait avoir, l’opératrice peine à trouver ses mots, selon M6.
La journaliste : Vous regrettez cette phrase ?
L’opératrice : Je veux dire… Attendez… Dans les conditions que… On va dire qu’elle est malvenue.
 Mais vous lui passez pas de médecin quand même ?
 Voilà, je la renvoie vers SOS médecins.
 Alors qu’elle vous dit qu’elle a l’air très faible, qu’elle a l’air très en difficulté.
 Je ne peux pas répondre à cette question.
Sur le fond de l’affaire, elle n’en dira pas plus. En revanche, elle tient à évoquer la surcharge de travail. « Ça suffit de porter toujours le chapeau pour le système », s’indigne-t-elle. « On est sous pression en permanence. On travaille en douze heures (…) c’est des conditions de travail qui sont pénibles. Je peux rester deux ou trois heures accrochée à mon téléphone, parce que je n’ai pas le temps de me lever tellement ça déborde de partout (…) On n’y arrive pas, on raccroche et on décroche, on raccroche et on décroche ».
Une défense que son avocat a commencé à mettre en place ce week-end. « Elle était sur la fin de son cycle de trois jours », a plaidé Me Olivier Grimaldi sur BFMTV. « Quand vous avez 2000 appels, et ça n’excuse rien je tiens à le préciser, et parfois 3000 par jour et qu’on vous dit “j’ai mal au ventre” (...) c’est vrai que le premier réflexe, c’est de penser qu’il n’y a pas d’urgence absolue et qu’il faut aller voir son médecin traitant ». Sa cliente est aujourd’hui « bouleversée », assure-t-il. Elle n’aurait plus envie d’exercer ce métier. Contactés, les avocats de la famille Musenga n’étaient pas joignables ce lundi matin.
Interrogé par M6, le directeur des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Christophe Gautier, explique pourtant que le 29 décembre était une journée ordinaire. « Ce jour-là, les conditions n’étaient pas exceptionnelles. Cette opératrice en était à son deuxième jour de travail », explique-t-il, précisant ses horaires. Elle revenait de 15 jours de vacances et avait commencé sa journée à 7h30, l’appel ayant eu lieu en fin de matinée, à 11h30. « Nous sommes bien sur l’hypothèse d’une faute individuelle », conclut-il.
De cette assistante de régulation du Samu, on sait peu de chose. Ambulancière pendant 20 ans, elle aurait rejoint le Samu il y a quatre ans. « Elle n’a jamais eu de problème, au contraire », réagit Jean-Claude Matry, président de la CFTC Hôpitaux universitaires de Strasbourg, dans le même reportage. « Et la preuve en est, c’est que ses cadres l’ont toujours sollicitée quand il y avait des remplacements. Elle était toujours présente ».
Depuis les révélations du journal Heb’di fin avril et l’emballement médiatique qui a suivi, elle a été suspendue de ses fonctions, sans retenue de salaire, le temps que l’enquête administrative soit menée. « Ce n’est pas le prononcé d’une sanction, ni la preuve d’une quelconque faute avérée à ce stade », avait précisé au Figaro le directeur des hôpitaux universitaires de Strasbourg, Christophe Gautier. Le parquet a ouvert une enquête préliminaire pour « non-assistance à personne en péril ».