Le social et médico social

Libération - Pauvreté : Macron se prend (encore) les pieds dans le social

Octobre 2020, par Info santé sécu social

Par Lilian Alemagna — 16 octobre 2020 à 14:58

Comme en décembre 2018, le chef de l’Etat a fait mercredi soir une annonce à destination des plus en difficulté mais qui, dans le détail, ne concernera pas une partie d’entre eux.

Incorrigible Emmanuel Macron. Sa « réponse » aux « plus précaires » était pourtant très claire mercredi soir : « Ce que nous allons faire, parce que c’est le dispositif le plus large et le plus efficace, c’est pour les bénéficiaires du RSA et des APL […] d’avoir une aide exceptionnelle, là, pendant ces six semaines qui vienne de 150 euros, plus 100 euros par enfant […] Ce qui permettra d’aller entre 100 et 450 euros. » Cela devait donc « touch[er] du coup tous les jeunes, là aussi, très largement, les 18-25 ans », a bien insisté le chef de l’Etat. OK. Donc pas de hausse du Revenu de solidarité active (RSA) ou son élargissement aux plus jeunes, comme le réclament les associations de lutte contre la pauvreté, mais un coup de pouce exceptionnel d’au moins 150 euros pour « tous les jeunes ». Sauf que non… Même pas vingt-quatre heures après l’interview de Macron à l’Elysée, Matignon amendait la parole présidentielle en distinguant les bénéficiaires du RSA de ceux des APL qui, eux, n’auront droit à 100 euros que… s’ils ont un enfant. Ce qui, de fait, exclut pas mal de jeunes de cette aide exceptionnelle.

Ce n’est pas la première fois que le chef de l’Etat fait une annonce sociale censée soulager les Français les plus en difficulté et démontrer au passage que le soutien aux plus pauvres est, pour l’exécutif, aussi important que les aides accordées aux entreprises ou les baisses d’impôts en faveur des plus riches. Pas la première fois non plus qu’une annonce comme celle-ci finit par décevoir des personnes qui pensaient, légitimement, en écoutant la parole présidentielle, être aidées mais qui, finalement, ne le seront pas. Souvenez-vous, le 10 décembre au soir. La France et l’Elysée traversaient une autre crise. Celle des gilets jaunes. Trois semaines après les premières manifestations, le chef de l’Etat, lors d’une allocution solennelle à 20 heures, annonce la tenue prochaine du « grand débat national » et une batterie de mesures censées calmer la colère populaire. Parmi elles, la plus spectaculaire : « Le salaire d’un travailleur au smic augmentera de 100 euros par mois dès 2019 sans qu’il en coûte un euro de plus pour l’employeur », lance Macron aux Français. Direct, les bandeaux des chaînes d’info en continu titrent : « Hausse du smic de 100 euros ». Raté…

« Fondamentaux » ? Non, « idéologie »
Non seulement le codicille ajouté par le chef de l’Etat lui-même (« sans qu’il en coûte un euro pour l’employeur ») signifiait que l’exécutif comptait en passer par une revalorisation de la prime d’activité pour booster le net des smicards. Mais, dans la foulée, Matignon et l’entourage de la ministre du Travail d’alors, Muriel Pénicaud, donnent le détail de ce coup de pouce : une simple « accélération » de la hausse de la prime d’activité attendue sur l’ensemble du quinquennat après avoir tenté, quelques mois plus tôt, de raboter cette dépense sociale importante (plus de neuf milliards d’euros désormais) pour réaliser une poignée d’économies Surtout, comme c’est le cas aujourd’hui avec les jeunes, toutes les personnes au smic n’étaient finalement pas concernées par cette revalorisation. Par exemple, celles vivant avec une personne ayant de meilleurs revenus ou bien touchant d’autres allocations (APL notamment) n’ont pas vu « 100 euros » de plus sur leur fiche de paie.

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Comme ses prédécesseurs, le gouvernement actuel refuse d’augmenter le RSA, qui avec 559 euros par mois pour une personne seule (1 175 euros pour un couple) ne représente plus que 45% d’un salaire minimum net. Selon Macron, augmenter « de manière unilatérale » les filets de sécurité pour les actifs les plus pauvres (le minimum vieillesse et l’allocation adulte handicapé ont eu droit tout de même à leurs revalorisations exceptionnelles) « rend difficile le retour à l’activité ». « C’est ce qu’on a constaté », a-t-il assumé mercredi soir. Mais d’autres études socio-économiques démontrent que ces protections permettent justement à des personnes, jeunes notamment, de ne pas tomber dans l’extrême pauvreté, donc d’avoir une chance de se réinsérer. Macron y voit un des « fondamentaux » de sa politique. On pourrait y voir, aussi, de l’« idéologie ».

Lilian Alemagna