L’hôpital

JIM -Préparation des hôpitaux : des professionnels dénoncent le décalage entre les déclarations d’E. Macron et la réalité

Novembre 2020, par Info santé sécu social

Paris, le lundi 2 novembre 2020

A l’occasion de son allocution du mercredi 26 octobre annonçant la mise en place d’un nouveau confinement en France, le Président de la République a cependant voulu assurer que notre système de santé était mieux préparé à affronter la nouvelle vague épidémique. « Nous avons formé près de 7000 infirmiers et médecins pour travailler en réanimation » a notamment affirmé Emmanuel Macron.

La stupéfaction provoquée par cette annonce a été partagée par de nombreux professionnels de santé et responsables syndicaux, s’interrogeant sur la réalité de ce chiffre. Certaines organisations ont tenu à rétablir la réalité : le Pr Anane Djilali (service de réanimation, hôpital de Garches) a ainsi rappelé que 74 médecins intensivistes réanimateurs avaient été formés cette année, tandis que le syndicat des jeunes anesthésistes réanimateurs soulignait que s’ajoutaient à ces praticiens 544 anesthésistes-réanimateurs. Ces chiffres sont loin d’atteindre les 7 000 soignants formés en réanimation annoncés par le Président de la République. Beaucoup d’observateurs interrogés, tels les Ordres professionnels, ont estimé que ce chiffre correspondait probablement aux infirmiers ayant participé depuis le printemps à des programmes de formation rapide.

Deux à quinze jours de formation incomplète
« Les personnels formés l’ont été par des formations express de 2 à 15 jours selon les hôpitaux », précise ainsi le Collectif inter-hôpitaux. Jean-Michel Constantin, chef du service anesthésie réanimation à la Pitié-Salpêtrière (Paris) et secrétaire général de la Société française d’anesthésie et de réanimation indique pour sa part dans La Croix que « ce sont certainement des infirmiers habituellement en chirurgie, bloc ou salle de réveil, à qui on a donné une formation de guerre (…) une formation surtout théorique sur la typologie des patients, le matériel utilisé et les gestes de base, qui n’est ni diplômante ni complète ». Par ailleurs, aucune comptabilité officielle ne permet de confirmer que quelques 6 500 infirmiers auraient suivi ces programmes.

Le Collectif remarque ainsi : « Il n’a pas été communiqué de bilan précis de ces formations superficielles et insuffisantes. Un minimum de 6 mois est nécessaire pour former un(e) infirmièr(e) en réanimation et l’affectation de professionnels insuffisamment formés est une source d’angoisse majeure pour les professionnels et un risque non négligeable pour les patients ». Au-delà de ces observations destinées à corriger les impressions trompeuses, le CIH note que les équipes font bien au contraire face à des problèmes d’effectifs plus criants encore qu’avant la crise. De fait, depuis le début du mois de septembre déjà, beaucoup alertent sur le fait que le nombre postes vacants s’est accru avec le choix de certains professionnels de se retirer des hôpitaux publics, considérant que les conditions de travail n’ont nullement (ou pas assez) été améliorées. « Des gens sont partis, des postes ne sont pas pourvus, l’absentéisme n’est pas remplacé » énumère par exemple la direction des ressources humaines à l’hôpital d’Annecy, dont le témoignage fait écho à de nombreuses situations similaires partout sur le territoire.

Les mêmes pénuries qu’en mars ne sont pas impossibles
La même analyse concerne les lits et les matériels qui seraient aujourd’hui bien plus nombreux qu’au printemps selon le Président de la République. « Nous avons les stocks de médicaments, les respirateurs, les masques, les blouses et les gants, tout le matériel nécessaire parce que nous avons appris de nos insuffisances, de nos manques durant la première vague » a-t-il ainsi déclaré. Là encore, ceux qui sont en première ligne décèlent un décalage important avec la réalité. D’abord, concernant les lits de réanimation, les syndicats et les représentants des professionnels de santé ne cessent de rappeler que leur augmentation ne peut se faire qu’au prix de déprogrammations massives fortement dommageables pour les patients ; dès lors aucune différence ne peut être affirmée par rapport au mois de mars. Par ailleurs, à propos des matériels, certaines autorités mettent déjà en garde quant à des possibles risques de tension. « Nous n’avons pas de réserves » déplore par exemple l’Agence régionale de santé (ARS) d’Ile de France, tandis qu’un responsable de la Pitié Salpêtrière estime que l’hôpital fonctionne aujourd’hui encore à flux tendu. Ainsi, l’impréparation de la première vague semble aujourd’hui loin d’avoir été corrigée.

Aurélie Haroche