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Libération (CheckNews) - Covid-19 : que deviennent les « rassuristes » ?

Décembre 2020, par Info santé sécu social

Par Luc Peillon , Cédric Mathiot et Robin Andraca 23 décembre 2020

Omniprésents à l’été, les scientifiques qui niaient l’arrivée d’une deuxième vague ont disparu des grands médias. Ils ont trouvé un espace dans des plateformes alternatives. Et refusent tout mea culpa.

Emportés par la deuxième vague. Alors que la circulation du Sars-CoV-2 est repartie à la hausse depuis la rentrée, ceux que l’on a appelés les « rassuristes » – ces scientifiques et personnalités affirmant que l’épidémie s’était éteinte au printemps – semblent avoir pris le large. Disparus des chaînes d’infos, alors friandes de leurs interventions, ou des pages opinions des journaux qui hébergeaient leurs tribunes.

L’un des plus médiatiques, Christian Perronne, infectiologue à l’hôpital de Garches (Hauts-de-Seine), a même été remercié jeudi par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en raison de « propos indignes de [sa] fonction » et fait l’objet d’une plainte devant l’ordre des médecins. Son confrère Didier Raoult, responsable de l’IHU Méditerranée à Marseille, devrait comparaître, lui, devant la chambre disciplinaire de l’ordre des médecins de Provence-Alpes-Côte-d’Azur, dans quelques mois, suite à une plainte déposée cet été par la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf). Motifs retenus : violation de la confraternité, information erronée du public, exposition à un risque injustifié et même charlatanisme, selon le Parisien.

Lundi soir, l’agence de presse médicale APMNews révélait que le Conseil national de l’ordre des médecins avait également porté plainte début décembre contre six médecins, dont les professeurs Didier Raoult et Christian Perronne, à cause de propos jugés controversés sur l’épidémie de Covid-19.

« Pas de deuxième vague »
Certes, les déboires de Perronne ou de Raoult tiennent à autre chose qu’à leurs propos exagérément rassurants à l’aube de la deuxième vague. A l’infectiologue de Garches, par exemple, il est notamment reproché d’avoir affirmé que les malades du Covid représentaient une aubaine financière pour les médecins. Mais leur éclipse médiatique s’explique aussi par leurs prévisions et analyses de l’épidémie, qui se sont révélées largement erronées.

Le 13 mai, Didier Raoult affirmait ainsi, dans une vidéo diffusée sur YouTube : « L’épidémie est en train de se terminer. Un peu partout, les choses sont en train de s’arrêter […]. On voit que cet épisode-là est en train de se résoudre et qu’il n’y a nulle part de deuxième vague ou de dos de chameau, c’est la courbe banale. Il y aura quelques cas sporadiques qui apparaîtront ici ou là, […] mais tout ça ne traduit plus une dynamique épidémique. L’épidémie est en train de se terminer. »

D’accord avec ce constat, le professeur de physiologie Jean-François Toussaint, interrogé par l’AFP le 12 mai, en livrait même l’explication : « Ce virus n’est pas un marathonien, c’est un sprinter : il s’épuise très vite et c’est peut-être notre chance. » L’épidémie, expliquait-il, a atteint un pic de contaminations en France le 31 mars et des décès le 7 avril. Avec, au total, un cycle de « deux mois et demi à trois mois ».

« On essaye de nous faire croire que l’épidémie progresse partout dans le monde alors que c’est faux, affirmait de son côté Christian Perronne, au micro des Grandes Gueules (RMC), le 31 août. L’épidémie régresse, le virus a perdu de sa virulence et la mortalité est en train de baisser. En France, on est passé à moins de dix décès par jour. On a eu un petit pic à un peu moins de 20 décès par jour il y a quelques semaines, parce que tout le monde s’était brassé dans la population avec les vacances, mais là, ça repart à la baisse. »

« Ça crève les yeux, le virus ne circule pas, tonnait pour sa part l’épidémiologiste Laurent Toubiana, de l’Inserm, au micro de Radio Classique le 19 septembre. L’épidémie « a eu son histoire naturelle », a touché ceux qu’elle « devait toucher » et ne provoque désormais plus de malades, et encore moins de décès.

Sur quoi se fonde l’épidémiologiste Laurent Toubiana pour affirmer que « l’épidémie est terminée » ?
Une semaine plus tôt, une tribune publiée dans le Parisien rassemblait plusieurs figures de cette tendance. On y retrouvait Toubiana, Toussaint et le sociologue Laurent Mucchielli. La tribune était davantage une critique de la communication du gouvernement qu’un état des lieux sanitaires ou une prédiction sur la suite de l’épidémie. Le texte dénonçait une « communication anxiogène qui exagère systématiquement les dangers ». Mais insistait cependant sur le fait que la période automnale qui s’ouvrait n’avait rien à voir avec l’épisode du printemps. « Nous ne sommes pas en guerre mais confrontés à une épidémie qui a causé 30 décès le 9 septembre, contre 1 438 le 14 avril. La situation n’est donc plus du tout la même qu’il y a cinq mois. »

Quinze jours plus tard, on retrouvait nombre de ces signataires, et beaucoup d’autres, dans une deuxième tribune, nettement plus affirmative sur l’absence de seconde vague, et dont la publication a été annulée in extremis par le JDD : « Cette prétendue "deuxième vague" est une aberration épidémiologique et l’on ne voit rien venir qui puisse être sérieusement comparé à ce que nous avons vécu au printemps dernier. »

La suite, on la connaît. Avec plus de 29 000 morts dans les hôpitaux et les Ehpad depuis la rentrée, la deuxième vague – bien réelle – a déjà provoqué autant de décès que la première. Et elle n’est pas terminée.

Le virus ne s’est en réalité assoupi qu’un peu plus de deux mois après le déconfinement de la mi-mai. Dès la fin juillet, lentement mais sûrement, la courbe des contaminations, tout juste ralentie par l’été, reprenait des couleurs, avant de grimper franchement à la fin septembre. Le rythme des contaminations ne s’est récemment apaisé – de façon très précaire et incertaine – qu’après les premiers couvre-feux de la mi-octobre, et surtout le reconfinement de début novembre.

Une situation qui n’est pas propre à la France : partout en Europe, et notamment dans les pays qui ont déjà largement souffert de la première vague (Italie, Espagne, Royaume-Uni), le virus repart à la hausse, et derrière lui les décès. Aux Etats-Unis, où elle n’a jamais vraiment flanché, elle a provoqué à ce jour plus de 320 000 morts.

Mea culpa ?
Que disent les rassuristes, aujourd’hui ? Contacté par Checknews, Laurent Toubiana réfute d’abord le terme, ainsi que l’idée d’une confrérie partageant les mêmes vues. Même si l’épidémiologiste évoque une proximité avec Mucchielli et Toussaint. « Avec Mucchielli, on a eu des contacts très réguliers au moment où on écrivait un certain nombre de papiers. C’est moins le cas à présent. Avec Jean-François Toussaint, c’est plus épisodique. » Il n’a en revanche rien à voir avec Perronne ou Raoult : « Je ne connais pas Raoult, qui parle de sujet sur lesquels je ne suis pas compétent. Quant à Perronne, j’ai dû échanger deux fois au téléphone avec lui. On avait été mis en cause tous les deux dans un article de l’Express, et il m’était venu à l’idée de demander un droit de réponse. Je lui ai demandé comment il faisait. C’est le seul contact que j’ai eu avec lui. »

S’il se refuse à parler au nom des autres, admet-il s’est trompé à titre personnel ? « C’est manichéen cette question de "trompé ou pas trompé". Je ne vais pas faire acte de contrition. » En dépit des données de mortalité, Laurent Toubiana rechigne d’ailleurs à admettre que le nombre de décès de la seconde vague, dont il avait nié la menace, soit équivalent à celui de la première. Mettant en cause le décompte des morts, il insiste sur le fait que le pic de décès de la seconde vague est moins haut que lors de la première. Ce qui est vrai, mais est compensé par le fait que la seconde est davantage étalée dans le temps. Il finit par concéder qu’il y a un « rebond », un « avatar » de la première vague, mais sans que cela ne lui donne tort sur le fond, assure-t-il. « Ce que je contestais et conteste encore, c’est l’idée qu’il y aura des vagues successives tant que 70% des gens n’auront pas été contaminés ou tant qu’on n’aura pas vacciné tout le monde. » Toubiana demeure en effet persuadé qu’une forme d’immunité collective naturelle est bien plus proche qu’on ne le dit. Et que c’est elle qui mettra un terme à l’épidémie, davantage que le vaccin auquel il ne croit pas. D’ailleurs, il en est sûr : « Il n’y aura pas de troisième vague. » Et d’ajouter : « Vous voyez, mes positions n’ont pas beaucoup changé. »

On est bien loin, de fait, de la contrition. « Il ne me semble pas avoir dit tant de bêtises que ça, d’autres en ont dit beaucoup plus et sont toujours sur le devant de la scène », avance-t-il. S’il critique le terme de rassuriste qui lui a été collé sur le dos, il utilise volontiers celui de « catastrophiste » pour égratigner d’autres. Et de citer Simon Cauchemez, modélisateur de l’Institut Pasteur, sur lequel les autorités se sont appuyées. Ou Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève. « Des gens que je connais très bien, et qui se sont laissés emporter par une forme d’idéologie. Antoine Flahault, que j’aime beaucoup, est quelqu’un de très influent, qui a toujours eu le même comportement consistant à imaginer qu’on arrivait à une forme de catastrophe. Ils se sont trompés aussi, mais moi je ne leur en veux pas. »

Laurent Toubiana ironise notamment sur les prédictions catastrophistes qui auraient été faites au début de l’épidémie (certaines modélisations prévoyaient des centaines de milliers de morts si aucune mesure n’était prise), auxquelles il compare le bilan des décès, un an après. L’argument est un peu spécieux, puisque si le bilan n’a pas été aussi élevé, c’est précisément en raison (au moins en partie) des mesures drastiques prises pour juguler l’épidémie. On ne sait pas, de fait, quel aurait été le bilan si le virus avait circulé sans entrave. Toubiana assure, lui, que le nombre de morts aurait été équivalent, que les mesures n’ont servi à rien, en dépit d’études indiquant clairement le contraire. « Je suis intimement convaincu que le confinement n’a pas eu l’effet qu’on dit. » Quand on lui oppose le fait que la majorité des pays adoptent aujourd’hui des mesures strictes, il rétorque : « Je pense que tout le monde se trompe. L’Allemagne, par exemple, est prise en ce moment dans une panique invraisemblable. » Et continue de dire que l’épisode du Covid-19 « est somme toute bénin par rapport aux annonces apocalyptiques avec le spectre omniprésent de la grippe espagnole ». La gravité des conséquences engendrées par les mesures de confinement, ne fait, elle, aucun doute pour lui. « C’est cette disproportion qui me semble anormale. »

« Chasse aux rassuristes »
CheckNews n’a pu entrer en contact avec Jean-François Toussaint, Christian Perronne ou Laurent Mucchielli. Les récentes prises de position publique des deux premiers cités ne suggèrent pas davantage de mea culpa. Quant à Laurent Mucchielli, il refuse désormais de parler avec CheckNews depuis un article consacré à Laurent Toubiana en septembre : « Je ne veux pas répondre à un quotidien devenu un journal d’opinion, à charge. C’est allé beaucoup trop loin, vous cherchez la faille, la petite bête, votre objectif est de décrédibiliser les gens ». L’article en question donnait largement la parole à l’épidémiologiste, mais lui objectait aussi des erreurs factuelles et les signes avant-coureurs d’une reprise de l’épidémie.

Sans basculer dans le boycott des médias qui lui ont donné tort, Laurent Toubiana dénonce aussi la chasse aux rassuristes dont il aurait été victime, et plus globalement un débat « rendu impossible par les anathèmes ». « Je suis intervenu souvent depuis vingt ans dans les médias à propos des épidémies. Mais jamais je n’avais connu de controverse aussi violente. J’ai été très surpris de la manière dont on a séparé les gens. J’ai été classé dans une sorte de rubrique des personnes qui allaient contre le mouvement général. J’ai très mal supporté que certains me dénient le droit de parler. » Dans ce débat qui fut, de fait, violemment clivé, lui aurait fait preuve de nuance face au rouleau compresseur de la majorité : « Moi, je n’ai jamais été frontal, je n’ai jamais agressé les personnes. »

Oubliant toutefois certains de ses propos et emportements, qui expliquent aussi la violence du retour de flamme quelques semaines plus tard. Sur RT, il dénonçait ainsi mi-septembre « le flot de bêtises qu’on entend à longueur de journée [et qui] est insupportable ». Sur le plateau de Jean-Marc Morandini, il déchirait des feuilles de papier avec les chiffres des contaminations et déclarait, péremptoire : « Cela ne veut rien dire. […] Jamais une épidémie moderne n’a fait de deuxième vague. »

Quand, à partir de septembre, le flux des hospitalisations a grossi, suivi par celui des décès, des soignants ont également violemment pointé du doigt l’« irresponsabilité » des rassuristes. Toubiana dit avoir mal vécu ce procès, sans que cela ne l’ébranle sur le fond. Et contre-attaque en dénonçant l’intrusion dans le domaine de l’épidémiologie de médecins « qui n’y connaissaient rien ». « Ils ont jardiné dans un domaine qui n’était pas le leur, ils ont joué du pathos ». « Ils ont une responsabilité écrasante quand on voit les conséquences des mesures prises par les pouvoirs publics. » Tout en admettant que son discours rencontre désormais peu d’écho : « Je suis dans un camp qui est en opposition. Et ce n’est pas lui, en ce moment, qui gagne. »

Basculement
Le professeur Bernard Bégaud, ancien président de l’université Bordeaux-II et ex-président du comité de suivi des essais cliniques au sein de l’Agence du médicament (ANSM), a assisté, de son côté, et un peu par hasard, au basculement des rassuristes. Le pharmacologue était signataire de la première tribune, publiée dans le Parisien le 10 septembre, dénonçant la communication anxiogène du gouvernement. « Je la re-signerais aujourd’hui. J’ai du respect pour Laurent Mucchielli qui faisait partie des gens à l’origine du texte. Il était dans son rôle et sa logique. C’est un sociologue, qui travaille sur les peurs sociétales. Il m’a proposé de signer cette tribune. J’ai accepté parce que je pensais, et pense toujours, que le gouvernement faisait fausse route en infantilisant, en culpabilisant et en n’apportant jamais de messages compréhensibles. On aurait pu avoir un rapport psycholosocial bien différent de celui qu’on a aujourd’hui, avec des punisseurs d’un côté et des enfants pas sages de l’autre. J’étais d’accord avec cet aspect de la tribune. On peut dire cela sans nier la gravité de l’épidémie. Moi je ne suis pas un rassuriste, je suis un pessimiste. »

Bernard Bégaud s’est en revanche abstenu quand on lui a proposé de signer une deuxième tribune, quinze jours plus tard, beaucoup plus péremptoire sur l’impossibilité d’une deuxième vague. Comme si, paradoxalement, les rassuristes se radicalisaient dans le déni alors que l’épidémie regagnait en vigueur. « Je n’allais pas signer une tribune dont l’essentiel consistait à dire qu’il n’y aurait pas de deuxième vague. D’abord parce que je ne le pensais pas. Et ensuite parce que ce n’était pas de ma compétence. De toute manière, personne ne savait ce qui allait advenir. Pourquoi raconter cette histoire ? Sur quelle base peut-on affirmer à propos d’une épidémie dont on ne connaît rien qu’il y aura ou qu’il n’y aura pas de deuxième ou de troisième vague ? On ne savait pas et on ne sait pas. »

Il trouve malgré tout excessif le procès qui leur est intenté. « Ils se sont trompés, oui. Tout le monde, ou presque, s’est trompé. Les responsables politiques tout autant que les rassuristes. Non pas dans la gestion de l’épidémie, mais dans l’omission de certaines informations, les mensonges sur les masques, cette pratique consistant à affirmer que le savoir, par définition, ruisselle du haut vers les citoyens. » Bernard Bégaud d’ailleurs fait un lien direct entre l’audience conquise par les rassuristes et cette faillite de la communication institutionnelle. « Les rassuristes ont occupé un créneau que n’a pas occupé la pensée publique. L’opinion ne s’est pas incarnée dans la parole des autorités. L’institution a fabriqué de la défiance. » Le pharmacologue s’interroge aussi sur le rôle des médias : « La parole a été donnée à nombre d’imposteurs, dans tous les camps, sans respecter la charte qui est de donner la parole à des gens a priori compétents dans leur domaine. »

Disette médiatique
Les médias, justement, qui avaient largement ouvert le micro aux rassuristes, l’ont fermé à mesure que grimpait la courbe des décès. Omniprésents sur les chaînes d’infos en continu depuis le début de la crise sanitaire, ils ont quasiment disparu depuis fin-septembre. Sur BFMTV, Toubiana et Toussaint seraient même « persona non grata », selon le Parisien. Une décision que justifiait à l’époque ainsi Céline Pigalle, directrice de la rédaction de la chaîne, dans les colonnes du journal : « Il y a des gens qui pensent que le couvre-feu est liberticide ou que ce n’est pas la bonne mesure de restriction à prendre. Tout ça fait partie du débat ! Mais quand, de façon manifeste, il y a des scientifiques qui sont dans un combat politique, cela pose un problème. » Est-ce toujours le cas aujourd’hui ? Contactée par CheckNews, Céline Pigalle n’a pas répondu à nos sollicitations. Idem pour la direction de France Inter – où Toubiana était invité le 10 septembre– qui ne souhaite pas s’exprimer sur le sujet pour l’instant.

Même le champion médiatique des rassuristes, Didier Raoult, dont les interventions font moins d’audience mais que BFMTV et LCI se sont disputés pendant des mois, se fait de plus en plus rare.

« Ces personnes ont pu avoir un temps d’antenne à un moment donné, parce que le tempo était plutôt en leur faveur, avec des propos qui faisaient écho dans la société, explique à CheckNews Bastien Morassi, directeur de la rédaction de LCI. Ils avaient une certaine aura, ils étaient écoutés, c’est moins le cas aujourd’hui. Pour le moment, on estime que ces propos n’ont pas suffisamment d’écho dans la société pour être relayés. » Pour la chaîne, désormais, « il est important que la parole scientifique soit réservée à ceux qui éclairent la population. Là, concernant ces médecins, on estime qu’on partait trop loin de ces valeurs-là ». Hors de question, pour autant, de déclarer untel « persona non grata », assure-t-il.

« Il y a eu deux écoles, une qui a eu raison, peut-être même un peu au-delà de ce qu’elle pensait, et une autre qui a eu tort. Faut-il, pour autant, bannir ceux qui ont tort ? Je ne le crois pas », estime de son côté Etienne Gernelle, directeur du Point, qui avait invité le professeur Jean-François Toussaint, début octobre, à un forum coorganisé par l’hebdomadaire, et au cours duquel Toussaint soutenait que la France aurait bientôt atteint l’immunité collective. Avant de reconnaître : « Aujourd’hui, on pourrait encore interviewer ou inviter Toussaint. Mais pour lui demander ce qu’il n’avait pas compris, ce qu’il n’a pas pu voir venir, sa réflexion sur ce qui lui a manqué. Ça me semble intéressant. »

Asile sur le Web

Les rassuristes ont fini par trouver asile ailleurs, sur des médias plus confidentiels, souvent nouveaux, et toujours fortement marqués par la critique de la politique sanitaire, comme France Soir, qui a accueilli Perronne ou Toubiana.

On retrouve aussi Toubiana, Toussaint et Mucchielli en tête d’affiche sur Bas les masques, un nouveau site lancé par Stéphane Simon (à l’origine de Polony TV, Goldnadel TV, Front populaire de Michel Onfray ou encore Komodo TV avec Aymeric Caron). Le nouveau média, qui creuse le sillon de la défiance, entend livrer une « information non confinée », où l’on retrouve les thèses rassuristes classiques : la mortalité du Covid-19 est exagérée, le confinement a été inutile.

Si Bas les masques se veut « ni complice ni complotiste », le glissement des rassuristes vers les médias alternatifs en a également conduit certains dans des eaux ouvertement conspirationnistes. Laurent Toubiana a été interviewé dans Hold Up, le désormais célèbre documentaire complotiste. Surfant sur le succès du documentaire, ses réalisateurs ont lancé récemment un média du même nom, où on retrouve de longues interviews de Toubiana et Christian Perronne. Le premier, sans surprise, maintient que la mortalité de la seconde vague est bien inférieure à la première. Le second se défend d’avoir affirmé que la deuxième vague n’aurait pas lieu.

Luc Peillon , Cédric Mathiot , Robin Andraca