L’hôpital

20 % de lits fermés faute de soignants  ? La bataille des chiffres fait rage

Octobre 2021, par infosecusanté

Lequotidiendumedecin.fr : 20 % de lits fermés faute de soignants  ? La bataille des chiffres fait rage

PAR JULIEN MOSCHETTI -

PUBLIÉ LE 29/10/2021

La nouvelle a fait l’effet d’une bombe médiatique quelques jours après le rétropédalage d’Olivier Véran sur le calendrier de mise en œuvre du plafonnement de l’intérim médical. Dans une enquête publiée mercredi, le journal « Libération » dévoilait que 20 % des lits des CHU et CHR de l’Hexagone étaient fermés, faute de soignants pour s’en occuper. Il reprenait les chiffres publiés par le Conseil scientifique dans son avis du 5 octobre, en les confrontant à des documents internes à l’AP-HP.

Des données contestées par le gouvernement, ce qui a eu le don d’attiser la colère notamment du collectif Inter Hôpitaux (CIH) à quelques mois de la campagne présidentielle. À l’instar du Pr Isabelle Desguerre, neuropédiatre à l’hôpital Necker à Paris, qui a déclaré, jeudi, lors d’une conférence de presse du collectif consacrée à la crise actuelle de la pédiatrie, que « 20 % des lits nécessaires sont fermés en pédiatrie ». Et d’ajouter : « Ce chiffre de 20 %, nos tutelles s’empresseront de le contester. Ça relève du sport national. Je pense que cela relève du déni de réalité. »

Le Pr Stéphane Dauger, chef du service de réanimation pédiatrique à l’hôpital Robert Debré (Paris), membre également du CIH, a, pour sa part, révélé une étude récente menée auprès de 10 chefs de service de pédiatrie générale ayant une unité de surveillance continue dans le Nord-Est francilien. Le 4 octobre dernier, il y avait au total 17 % des lits de pédiatrie générale fermés durant la première semaine d’octobre.

Son de cloche similaire du côté d’Agnès Hartemann, chef de service de diabétologie à La Pitié-Salpêtrière à Paris, également membre du CIH. Lors d’un entretien sur France Culture ce vendredi, elle a estimé que ce chiffre de 20 % de lits fermés correspondait tout à fait à ce que l’on observe sur le terrain. « Le ministre veut mener une enquête, mais il suffit d’interroger les directeurs d’hôpitaux. À l’AP-HP, on sait que c’est 17 % de lits fermés », a-t-elle affirmé.

La situation diffère en fonction des établissements

Mais la situation ne semble pas être la même pour tous les établissements. À l’AP-HM par exemple, 448 lits sont fermés sur un total de 2 700, soit 16 % de leur capacité, a indiqué son directeur François Crémieux à « Libération ».

Au CHRU de Lille enfin, la direction considère que ces chiffres de 20 % ne représentent pas la réalité, car cela voudrait dire que « plus de 600 lits seraient fermés par manque d’effectifs ». Au total, sur les 3 173 lits et places ouverts dans l’établissement, 11 % étaient fermés en octobre 2021, tous motifs confondus (chambres à deux lits, travaux, réfections ou manque d’effectifs).

Pour l’établissement, il ne faut pas confondre des lits durablement fermés et des lits provisoirement inutilisés. Il demande donc de confronter ces chiffres à l’activité réelle des CHU qui « est stable, mais se transforme ». À titre d’exemple, les fermetures de lits provoquées par un manque d’effectifs « ont légèrement progressé mais restent modérées, de l’ordre de 2 à 3 % des lits de médecine et chirurgie aiguë au maximum, soit 1 % du total des 3 173 lits et places du CHU », selon un communiqué de la direction. Et d’ajouter que 52 lits sont actuellement fermés du fait de problèmes d’effectifs, contre 31 à la même période en 2020.

Ces fermetures sont donc « souvent ponctuelles ou de durée limitée », principalement pour répondre à des tensions sur les ressources humaines et pour s’adapter aux évolutions de l’activité, précise le CHRU de Lille.

Autre argument avancé par l’établissement : l’augmentation des fermetures provisoires, constatée depuis plusieurs mois, serait fortement liée aux chambres à deux lits, « afin de limiter les risques de contagion ». Sans oublier les lits fermés pour travaux ou pour des raisons techniques, sans lien avec les effectifs.

La bataille des chiffres risque d’être longue. Le gouvernement a promis de communiquer « prochainement » les siens.