L’hôpital

Le Monde.fr : Face à Omicron, les hôpitaux dans l’expectative

Décembre 2021, par infosecusanté

Le Monde.fr : Face à Omicron, les hôpitaux dans l’expectative

Alors que la vague portée par le variant Delta semble avoir atteint un plateau, les contaminations par Omicron explosent, mais leur impact sur les établissements est encore difficile à évaluer.

Par Chloé Hecketsweiler

Publié le 28/12/2021

Avec plus de 100 000 nouvelles infections chaque jour – un record depuis le début de l’épidémie – les hôpitaux sont sur le qui-vive. A la veille du Nouvel An, la vague portée par le variant Delta semble avoir atteint un plateau, mais l’arrivée d’Omicron pourrait bien changer la donne dans les prochaines semaines. A l’issue du conseil de défense qui s’est tenu lundi 27 décembre, le ministre de la santé, Olivier Véran, a indiqué s’attendre à « 250 000 contaminations par jour » début janvier, tout en soulignant que l’impact d’une telle vague sur le système de santé est difficile à apprécier à ce stade, compte tenu des données limitées sur les caractéristiques de ce nouveau variant extrêmement contagieux.

S’exprimant en marge d’une visite au centre hospitalier de Créteil (Val-de-Marne), le premier ministre, Jean Castex, a d’ores et déjà annoncé, mardi 28 décembre, une prime mensuelle de 100 euros pour les quelque 24 000 infirmiers et infirmières des services de soins critiques et de réanimation à partir de janvier, évoquant une « reconnaissance indispensable » pour ces personnels dont l’hôpital manque pour faire face à l’afflux de patients.

Pour contrer la flambée actuelle, l’exécutif continue de miser sur la vaccination – avec la mise en place mi-janvier d’un passe vaccinal pour accéder aux lieux publics – mais le pari est risqué. Plus de 3 300 personnes sont déjà hospitalisées en réanimation, contraignant de nombreux établissements à déprogrammer des interventions chirurgicales pour réaffecter des soignants au chevet des patients atteints du Covid-19. « Depuis quelques jours, il semble qu’un plateau se dessine. Si cela se confirme, cela devrait pouvoir passer », estime Charles Marquette, chef du service de pneumologie du CHU de Nice. Dans les Alpes-Maritimes, où l’incidence dépasse les 1 000 cas pour 100 000 habitants, un peu plus de 400 personnes sont hospitalisées, contre plus de 700 en avril.

Depuis peu, les patients atteints du Covid-19 ne sont plus regroupés dans des unités à part, mais répartis dans les différents services de médecine. « La majorité des malades viennent avec le Covid-19, mais pas à cause du Covid-19 », justifie le pneumologue selon qui « cette approche devrait se généraliser à l’avenir ». Le médecin rappelle que la majorité des patients admis pour des formes graves de Covid-19 sont non vaccinés, et s’avoue inquiet pour les personnes immunodéprimées, pour qui la vaccination a une efficacité très limitée. Jusque-là, des anticorps fabriqués en laboratoire pouvaient leur être administrés afin de limiter les risques en cas d’infection, mais ils s’avèrent peu ou pas efficaces face à Omicron. « C’est un réel problème, notamment pour tous les patients transplantés », alerte-t-il. En France, plus de 50 000 personnes vivent avec un organe greffé (poumon, rein, cœur).

L’absentéisme pourrait empirer
Dans le département voisin des Bouches-du-Rhône, l’hôpital d’Arles n’observe pas non plus de déferlement, malgré un niveau record d’incidence. « C’est tendu, mais nous faisons face », indique Laurent Donadille, le directeur, qui s’est organisé pour pouvoir prendre en charge davantage de malades graves. En plus de cinq lits de réanimation, trois lits de surveillance continus ont été ouverts, en réaffectant les soignants des blocs opératoires. La médecine de ville a aussi été appelée à la rescousse pour étendre les horaires de la maison médicale de garde et soulager les urgences.

Jusqu’à présent, l’absentéisme lié au Covid-19 des soignants n’a pas été un problème : fin décembre une vingtaine de personnes seulement manquaient à l’appel. Mais ce chiffre pourrait vite s’envoler. A la veille de Noël, les autorités de santé ont envoyé à tous les hôpitaux un message rappelant que les soignants positifs et asymptomatiques pouvaient travailler, mais cette dérogation, qui date d’avril 2021, ne s’applique qu’aux personnes qui ne sont pas suspectées d’une contamination au variant Omicron. De nouvelles règles d’isolement pour les malades et leurs contacts seront fixées par le gouvernement « d’ici la fin de semaine » a annoncé le premier ministre, Jean Castex, à l’issue du conseil de défense. « Il s’agira à la fois d’adapter ces durées en fonction du variant et là encore de faire peser une contrainte moindre sur les personnes vaccinées », a-t-il précisé.

A l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris, les plannings relèvent du casse-tête, avec l’obligation de remplacer au pied levé les soignants positifs et symptomatiques. « Cela a été compliqué ce week-end, il a fallu faire revenir des infirmières en congé », témoigne Alexandre Demoule, chef de service de réanimation. Sur les 22 lits du service, 11 sont occupés par des patients atteints du Covid-19, mais le nombre de cas graves reste contenu malgré une incidence proche de 2 000 cas pour 100 000 habitants à Paris. « Il y a un petit espoir que ça passe », estime le réanimateur, qui s’inquiète en revanche d’une priorisation qui ne dit pas son nom.

« Il y a un non-dit là-dessus. Mais quand les autorités nous disent : “Il faut tant de lits ‘Covid-19’”, par définition cela veut dire qu’ils ne sont pas disponibles pour les autres », souligne le médecin, inquiet que cette « priorisation administrative » prenne le pas sur la priorisation médicale.

« Tout le monde cherche des places »
Ailleurs, on gère déjà la pénurie. Aux urgences de l’hôpital Jean-Verdier de Bondy, seuls 12 lits sur 25 sont ouverts, faute de soignants. « Beaucoup d’infirmières sont parties avec le sentiment que leur métier avec perdu son sens, à force de tout faire. La nuit on leur demande de brancarder les patients, de monter les tubes au labo », témoigne l’urgentiste Romain Dufau, en soulignant que cette désaffection touche aussi les médecins. Résultat : avant même l’arrivée de la vague Omicron, l’Ile-de-France n’a guère de marge de manœuvre. « La nuit du 25 au 26 décembre, il n’y avait plus que cinq lits de réanimation disponibles dans toute l’Ile-de-France », indique le médecin.

Dans le Nord, où l’incidence est moindre – un peu plus de 500 cas pour 100 000 habitants – la situation est tout aussi compliquée. « Il y a des ventilateurs [respirateurs] partout mais plus personne pour les faire marcher », résume Nicolas Van Grunderbeek, réanimateur à Lens. L’hôpital a ouvert une unité de soins intensifs pour les malades atteints du Covid-19 qui requièrent une oxygénothérapie à haut débit, mais n’est pas en mesure de garder les patients qui nécessitent une intubation. Ce soir du 27 décembre, cinq patients sont sur le fil. « Si l’un d’eux devait se dégrader, je ne sais où on le transférerait. Tout le monde cherche des places ! On reçoit même des appels de Tourcoing, à 50 kilomètres d’ici », s’inquiète le médecin, l’œil rivé sur les données britanniques, qui devraient permettre d’ici quelques jours de mieux cerner la vague Omicron.

Chloé Hecketsweiler