Les professionnels de santé

Liberation.fr : Après dix ans de carrière, près de la moitié des infirmières hospitalières ont jeté l’éponge

Août 2023, par infosecusanté

Liberation.fr : Après dix ans de carrière, près de la moitié des infirmières hospitalières ont jeté l’éponge

Entre 1989 et 2019, seules 54 % des soignantes exerçaient encore dans un hôpital public ou privé une décennie après leur premier poste, d’après une étude publiée ce jeudi 24 août. Et leur proportion a tendance à décroître « au fil des générations ».

par LIBERATION et AFP

publié le 24 août 2023

Avant même l’épidémie de Covid-19, les infirmières hospitalières n’en pouvaient déjà plus. Les chiffres publiés ce jeudi 24 août dans une étude de la Direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques (Drees), basés sur une observation entre 1989 et 2019, parlent d’eux-mêmes. Dix ans après leur premier poste, près de la moitié (46 %) n’exerçait plus en tant qu’infirmière à l’hôpital. Le reste a quitté l’univers hospitalier, ou a tout simplement changé de métier.

De manière générale, les infirmières entrées dans la profession dans cette période « sont de moins en moins nombreuses » à occuper, au cours des années, un emploi salarié, hospitalier ou non : elles sont 87 % après cinq ans de carrière, et seulement 79 % au bout de dix ans, observe le service statistique des ministères sociaux.

Au rapport
Dans le détail, sur les trente ans de l’étude, seul un peu plus de la moitié (54 %) des infirmières travaillait toujours dans un hôpital public ou privé une décennie après leur début de carrière. 11 % sont restées infirmières salariées, mais pour un autre type d’employeur (Ehpad ou administration publique). Le reste a changé de métier : une poignée (7 %) est restée salariée du secteur hospitalier, par exemple au sein du personnel administratif ; la même proportion a rendu sa blouse pour devenir salariées dans d’autres fonctions et secteur.

Voir des infirmières se réorienter ou claquer la porte des établissements hospitaliers après dix ans n’est pas une nouveauté. Mais la tendance s’aggrave au fil des générations. Six infirmières sur dix ayant débuté entre 1990 et 1994 sont restées à l’hôpital après une décennie de carrière ; pour celles ayant débuté un peu plus tard, entre 2005 et 2009, elles ne sont plus que cinq.

Parentalité et conditions de travail
Certaines se tournent vers l’exercice libéral, parfois en restant partiellement salariées. Sur un panel de professionnelles observé entre 2006 et 2019, « 13 % ont un emploi indépendant cinq ans après leurs débuts, et 17 % après dix ans », rarement au sein d’une autre formation. Dans le même temps, 5 % n’ont plus aucun emploi en France après cinq ans de carrière, 11 % après dix ans : généralement chômeuses ou inactives pour les unes, parties à l’étranger pour les autres.

Une fois le constat fait, une question s’impose : comment expliquer cette fuite de l’hôpital ? L’étude de la Drees se concentre surtout sur l’échelle individuelle, en particulier la parentalité. Le fait de devenir mère « conduit à diminuer son volume de travail salarié ». Mais elle « n’explique pas les sorties d’emploi ». En d’autres termes, les principales explications ne sont pas à chercher du côté de l’échelle individuelle. Plutôt du système hospitalier et ses conditions d’exercice qui se délitent depuis des années.

« Comment s’étonner que des infir­miè­res sous-payées, en sous-effec­tif, agres­sées par des patients et leurs famil­les, et sou­vent vic­ti­mes de mal­trai­tance ins­ti­tu­tion­nelle ne res­tent pas à l’hôpi­tal ? » tempête le Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI-CFE CGC) dans un communiqué. Il dénonce, à nouveau, des rémunérations et conditions de travail « inacceptables ». Malgré les revalorisations du Ségur de la santé, le salaire d’une infirmière hospitalière française reste 10 % inférieur à la moyenne européenne - et accroît « la tentation d’aller travailler en Belgique ou en Suisse ».

De même, si les normes internationales recommandent un ratio de 6 à 8 patients par infirmière, elles doivent, en France, souvent s’occuper « du double ». Une fois de plus et comme la majorité des syndicats de professionnels de santé, le SNPI appelle à une refonte d’ampleur du système hospitalier : « Alors qu’il y a déjà 60 000 postes infirmiers vacants et que 10 % des soi­gnants sont en mala­die, épuisement, dépres­sion, bur­nout, il y a urgence à agir ».