Les professionnels de santé

JIM - Vers une tarification au parcours... mais sans disparition du paiement à l’acte

Février 2018, par Info santé sécu social

Paris, le mardi 20 février 2018

Alors que le monde hospitalier continue à bruisser de colère et d’inquiétudes (comme en témoigne la récente demande de moratoire sur la fermeture de lits formulée par de nombreux médecins hospitaliers) et que la crise des Établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD) est loin d’être résolue (une nouvelle manifestation est prévue le 15 mars), Agnès Buzyn est au premier plan pour rassurer et surtout ouvrir des pistes de travail, tandis que l’annonce la semaine dernière du lancement d’un plan pour réformer le système de santé est loin d’avoir suffi pour apaiser les impatiences.

Les médecins fortement impliqués dans la réforme de la tarification
Ainsi, invitée hier de l’émission L’Épreuve de Vérité sur Public Sénat en collaboration avec Les Echos et Radio Classique, elle a évoqué les différentes orientations du gouvernement et a notamment donné des détails sur les nouveaux modes de tarification. Depuis son arrivée avenue de Ségur, Agnès Buzyn a régulièrement signalé sa volonté de privilégier davantage les tarifications "au parcours". Ainsi, en septembre avait-elle annoncé la mise en place d’une « réflexion sur l’évolution de la tarification à l’activité qui prenne davantage en compte les parcours, la qualité et la pertinence des soins et des actes ». Deux mois plus tard, elle insistait en soulignant que concernant la rémunération des médecins, il était nécessaire de « penser en termes de filières de prise en charge, comme les GHT le font déjà et que l’on réfléchisse à une tarification au parcours et au forfait qui permette à chaque acteur de trouver sa place dans le parcours de soins ».

Le discours n’avait guère varié hier, même si pour la première fois le ministre n’a pas éludé la question du sort de la tarification à l’acte et a signalé les avantages non économiques de cette évolution. Ainsi, après avoir une nouvelle fois considéré que « Ce qui est utile aux malades, y compris en médecine de ville, ça va être (…) des tarifications par parcours où les professionnels de ville ou de l’hôpital vont avoir chacun une part de cette rémunération », elle a néanmoins fait remarquer : « le paiement à l’acte est utile pour toutes les consultations aiguës ». Aussi, la tarification au parcours est-elle destinée à s’appliquer à la prise en charge des maladies chroniques. « Nous avons prévu de commencer sur les ALD et il n’est évidemment pas question de revenir complètement sur le paiement à l’acte, nous savons à quel point les médecins y sont attachés » a-t-elle encore insisté, avant de souligner combien la participation des médecins à cette réforme était essentielle, notamment pour la détermination des différents critères médicaux. Pour Agnès Buzyn, une telle évolution répond à des objectifs économiques, mais aussi de pertinence et de qualité. Elle juge qu’elle pourrait permettre d’éviter « les disparités de pratique, parce qu’on voit que d’un territoire à l’autre, on a quatre fois plus de césariennes dans une région que dans une autre, trois fois plus de retrait des amygdales dans une région : on se rend bien compte que ces disparités pratiques cachent quelque part des inégalités d’accès aux soins » a-t-elle fait valoir.

Reste à charge zéro : la promesse sera tenue

Toujours sur le terrain de l’accès aux soins, le ministre de la Santé a donné des précisions sur un autre vaste chantier : la garantie d’un reste à charge zéro sur un panier de soins en optique, dentaire et pour les audioprothèses. On le sait, dans les trois secteurs, la détermination des "soins essentiels" est délicate et complexe. Agnès Buzyn a évoqué des pistes signalant par exemple en ce qui concerne l’optique : « Quel type de verre nous acceptons de rembourser à 100 % ? Est-ce que des verres qui foncent au soleil sont nécessaires, je ne suis pas sûre. Par contre, quand on est très myope, avoir des verres qui soient minces, c’est utile : c’est certes esthétique, mais pas seulement, et donc ça ça doit être dans le panier de soins », a-t-elle détaillé. En tout état de cause, malgré la difficulté du dossier, elle a une nouvelle fois assuré que la promesse d’Emmanuel Macron serait tenue, même si les annonces ne se feront probablement pas au même moment pour les trois filières. C’est sur les soins dentaires qu’elles pourraient intervenir en premier en raison d’acteurs moins nombreux.

Le DMP : une réalité avant la fin de l’année !
Également à la frontière entre la pertinence des soins et l’économique, Agnès Buzyn est par ailleurs revenue sur le déploiement du dossier médical partagé, alors que le directeur de l’Assurance maladie a la semaine dernière annoncé sa généralisation avant la fin de l’année. Le ministre de la Santé se montre pareillement optimiste relevant : « Le dossier médical partagé est enfin opérationnel, il y a aujourd’hui plus d’un million de dossiers ouverts dans des régions expérimentales, et il pourrait être totalement déployé d’ici à la fin de l’année 2018 par l’assurance maladie » a-t-elle affirmé. Pour elle, un tel dispositif est entre autre prometteur d’économies. « Quand on parle de pertinence des actes, beaucoup d’actes sont refaits entre la ville et l’hôpital, tout simplement parce que le médecin de ville ne récupère par la radio, le scanner » a-t-elle expliqué.

Une goutte de plus sur le vin
Enfin, après ses déclarations remarquées sur la dangerosité comparable du vin et des autres alcools, Agnès Buzyn a persisté, tout en se défendant de toute volonté "prohibitionniste" qui lui avait été prêtée par un député LREM. « J’aime moi-même boire un verre de vin ; c’est un patrimoine français » a avoué celle qui appartient à un gouvernement dont le Président a été épinglé à plusieurs reprises, y compris avant son élection, pour sa trop grande magnanimité à l’égard du lobby viticole. Cependant, « il y a un sujet alcool dans notre pays pour les populations vulnérables » a immédiatement ajouté le ministre de la Santé qui a rappelé combien tous les alcools peuvent être à l’origine de différentes violences. « L’alcool, ça entraîne des violences. Des violences conjugales, de la violence routière. Ça a un coût considérable pour la société, calculé par la Cour des comptes à 120 milliards d’euros tout compris en termes de pertes de vie, de production de richesse, et un coût pour la Sécurité sociale de plusieurs milliards d’euros. Il ne faut pas penser que l’alcool est juste un problème personnel, c’est aussi un problème sociétal » a-t-elle fait valoir insistant encore : « Dans le vin, il y a une molécule d’alcool, il faut boire avec modération. Plus on boit d’alcool, plus c’est dangereux. Moins on en boit, mieux c’est ». Mais sur ce sujet, comme sur les autres, tout en reconnaissant leur omniprésence, les « lobbys ne me font pas très peur » a assuré le ministre de la Santé, sans éviter un petit rire crispé face à cette question. Si le déminage a été réussi, il ne permettra sans doute pas encore une fois d’éviter de nouvelles frondes sur tous les plans.

Aurélie Haroch