Maternités et Hopitaux publics

La Marseillaise.fr : « Dans notre hôpital, le refus du Groupement Hospitalier de Territoire était à tous les niveaux »

Août 2016, par infosecusanté

« Dans notre hôpital, le refus du Groupement Hospitalier de Territoire était à tous les niveaux »

Quel est le climat social actuel à Edouard-Toulouse ?

Comme dans beaucoup d’établissements, on est dans une période d’inquiétude et de pression avec notamment, depuis le 1er juillet, la mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Le personnel, malgré les baisses budgétaires, les contrats de retour à l’équilibre financier, ne se mobilise pas trop, mais là, contre le GHT, il l’a fait. Tout le monde a compris que cela va remettre encore plus en question les conditions de travail. Et, en psychiatrie, il y a en plus le refus d’être dans un GHT généraliste couvrant 2 millions d’habitants et 20 000 personnels. Notre souci c’est de voir le groupement prendre la main sur le devenir de la psychiatrie à Marseille. Les GHT sont une manière de produire un changement d’échelle des décisions, au plus loin de la prise en charge clinique avec en psychiatrie, une perte de sens de la sectorisation.

Qu’est-ce qui vous inquiète le plus ?

Il s’agit d’une réforme visant des économies avec des thèmes à mutualisation obligatoire. Une première dans la vie des établissements hospitaliers en France. Cela porte, outre le projet médical partagé, sur le dossier informatique des patients, la formation, les laboratoires, les achats et ça va même plus loin avec les travaux et les investissements. On nous dit qu’on gardera notre indépendance mais à travers l’investissement, on pense qu’on va perdre notre autonomie notamment par rapport au projet.

La communauté psychiatrique de territoire préserverait la sectorisation. Quel est votre avis ?

Un certain nombre de psychiatres se sont mobilisés avec les organisations syndicales contre l’appartenance au GHT généraliste et son établissement support. D’autres disent qu’on a quelque chose à travailler avec. Ceux-là ne sont toutefois pas dupes. Ils le font pour préserver une partie de la discipline, défendre pour certains des principes car la psychiatrie est soumise à des références théoriques cliniques qui peuvent être différentes d’un hôpital à l’autre. Quand on prend le modèle psychiatrique de l’AP-HM, officiellement ils ont quatre ou cinq secteurs, en fait, un ou deux seulement travaillent dans l’esprit de la sectorisation. De nombreuses structures extra-hospitalières ont fermé. Avec cette réforme, j’ai l’impression qu’ils veulent réinventer, 50 ans après, la sectorisation mais c’est tout le travail mené depuis toujours ! Donc cela nie la réalité du secteur.

Vous vous demandez quel sera l’impact d’une réflexion si, in fine, le GHT 13 et l’établissement support décident ?

Tout à fait. De plus, l’échelle départementale à partir de laquelle la réflexion, l’orientation, les choix concernant la psychiatrie vont s’effectuer ne facilite pas les choses. Quels choix seront faits ? Mon établissement a une cinquantaine de structures alternatives hors lieu d’hospitalisation. Ce nombre a déjà été pointé dans les réunions. Qui va juger de la pertinence ou pas du maintien de ces structures ? L’ARS va aborder ce lundi la question des centres d’activité thérapeutique à temps partiel (CATTP). Ils sont difficiles à rendre homogènes car très différents d’un centre à l’autre. Il s’agit d’un lieu d’accueil et d’accompagnement destiné à des personnes qui sont chez elles, au sein duquel les patients s’engagent sur des activités. Les institutionnels veulent tenter de définir plus précisément leur vocation, cela s’imposerait plus ou moins.
Vous êtes dans l’expectative ?
Oui, tout à fait.

Allez-vous mener des actions ?

Le positionnement contre les GHT est entier. Je veux souligner que cela n’a pas été concerté. Les responsables de la fédération hospitalière de France (FHF) en Paca ont donné le feu vert à l’ARS mais ce n’était pas du tout le sentiment des établissements. Dans notre hôpital, le refus était à tous les niveaux : instances syndicales, soin, conseil de surveillance, commission médicale d’établissement. Notre directeur n’en a pas tenu compte. On verra, mais il y aura certainement des réactions.

Le GHT est un partenariat public-public, cela peut-il contrer le privé ?

Ce qui est mis en place va fragiliser le public et de toute façon le privé lucratif est prévu dans le groupement plus tard. L’AP-HM a 1 milliard d’euros de déficit. Comment on va sortir de cette situation si ce n’est en fragilisant l’ensemble du département hospitalier public ? On peut, c’est vrai, faire la distinction entre lucratif et non-lucratif mais quand, même le public est dans une logique lucrative, tout se mélange. Et si c’était aussi pour casser le statut des fonctionnaires hospitaliers ?
Le privé lucratif ne semble pourtant pas une priorité pour l’ARS Paca ?
On ne peut pas dire que les décideurs d’aujourd’hui vont garder les manettes, loin s’en faut. On pense, comme avec la loi Travail, qu’ils posent les jalons pour d’autres, dont on peut supposer qu’ils voudront aller encore plus loin.

Nathalie Fredon