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Le Monde.fr : L’appel de plus de soixante associations d’usagers : « Pour garantir l’accès aux soins pour tous, nous refusons la hausse des franchises médicales »

il y a 5 mois, par infosecusanté

Le Monde.fr : L’appel de plus de soixante associations d’usagers : « Pour garantir l’accès aux soins pour tous, nous refusons la hausse des franchises médicales »

TRIBUNE

Le respect des bonnes pratiques et une politique stricte de taxation des produits néfastes pour la santé sont des leviers d’économies plus pertinents que d’augmenter la participation non remboursée des Français au coût des médicaments et consultations, défendent, dans une tribune au « Monde », les principales associations d’usagers à l’initiative de France Assos Santé.Publié hier à 06h10 Temps deLecture 4 min.

Alors que les Français sont plus que jamais en détresse pour accéder aux soins de proximité dans des délais raisonnables, pour trouver un médecin traitant ou encore un spécialiste qui n’applique pas de dépassements d’honoraires, et font face aux pénuries de médicaments, le gouvernement vient aggraver une situation déjà en forte tension.

Après la baisse du remboursement des soins dentaires, ce sont maintenant les participations forfaitaires sur les consultations et les franchises sur les médicaments, qui vont être doublées, et même étendues aux dispositifs médicaux. Nous, associations représentant les usagers du système de santé, nous élevons contre cette mesure punitive !

En effet, punitive à l’encontre des personnes malades et en situation de handicap, qui n’ont pas d’autre choix que de se soigner ou de recourir aux dispositifs médicaux, et qui subissent déjà les plus gros restes à charge en santé, y compris quand elles sont en affection de longue durée (ALD) et censées être prises en charge à 100 %.

Une mesure punitive
Ces personnes, qui consomment, de fait, le plus de soins, sont les premières concernées par les dépassements d’honoraires, les franchises, les participations forfaitaires, les tarifs excessifs des dispositifs médicaux, les restes à charge hospitaliers, et tout ce qui n’est pas remboursé, et pourtant indispensable et qui échappe aux comptes sociaux : frais d’hygiène, de transports, produits dermatologiques, vitamines, petit matériel médical, etc.). Des coûts qui représentent en moyenne, selon notre étude de 2019, plus de 1 000 euros par an et par personne.

Punitive, encore, à l’encontre des personnes dont les revenus sont situés au niveau du seuil de pauvreté, mais au-dessus du plafond de la complémentaire santé solidaire (CSS), ou encore celles qui sont en grande précarité mais qui n’ont aucune couverture complémentaire (12 % des personnes les plus pauvres n’ont aucune couverture complémentaire), qui peinent à boucler les fins de mois, et qui feront le choix de renoncer à se soigner plutôt que de se nourrir ou de se chauffer.

Punitive, toujours, à l’encontre de toutes les personnes, toutes les familles, qui cotisent à la Sécurité sociale, en espérant être prises en charge lorsqu’elles en ont besoin, et qui verront leurs restes à charge en santé augmenter. Les participations forfaitaires sur les consultations médicales et les examens de radiologie et biologie ont été créées en 2005, et les franchises médicales sur les médicaments, les transports et les actes paramédicaux en 2008.

Une hausse des médicaments et des personnes en ALD
Ces participations « citoyennes », non prises en charge par les complémentaires santé, avaient pour objectif de préserver notre système de santé en faisant payer les usagers, sous couvert de responsabiliser les citoyens, marquant ainsi la désocialisation des dépenses de santé. Si certaines populations sont exonérées de ces participations, notamment les bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, le plafond pour y accéder reste encore en dessous du seuil de pauvreté !

De plus, le taux de recours est faible, seulement 56 % des personnes éligibles en bénéficient, du fait d’un manque d’informations et de communication, et de la complexité du dispositif. Le gouvernement évoque une mesure nécessaire, du fait des dépenses de médicaments qui s’envolent, et un acte de responsabilisation des usagers au regard de la surconsommation médicamenteuse.

Or, comme la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM) l’atteste, la hausse des dépenses des médicaments s’explique principalement par le coût élevé de nouveaux médicaments et la hausse du nombre de personnes en ALD. Si la dépense pharmaceutique par habitant en France est l’une des plus importantes d’Europe, rappelons que les franchises médicales sont facturées uniquement sur les médicaments remboursés prescrits par un médecin.

Une nécessaire remise en cause de pratiques médicales coûteuses
Il s’agit donc d’un acte médical avant tout, relevant de la responsabilité du médecin. La pertinence des prescriptions, la remise en cause de pratiques médicales coûteuses qui s’apparentent parfois à des rentes de situation, et le bon usage des médicaments, sont des enjeux hautement prioritaires en termes de sécurité et de santé publique.

Ces enjeux constituent, de même que la maîtrise des prix, des leviers d’économies nettement plus pertinents que l’augmentation des franchises. Cette approche nécessite un pilotage rigoureux des pratiques médicales et le respect des recommandations de bonnes pratiques. Il semble visiblement plus aisé de culpabiliser les usagers !

Nous refusons que le portefeuille des Français devienne le levier systématique d’économies du gouvernement, alors même que des industriels se voient proposer des hausses de tarifs sur leurs médicaments simplement pour faire en sorte qu’ils appliquent la loi et respectent leurs obligations d’approvisionnement et de stock.

Une approche médicale plus équilibrée et plus solidaire
Des pistes d’économies, à court et à long terme, sont possibles et constitueraient, qui plus est, une véritable politique de santé publique. Cela passe par un travail d’envergure sur la pertinence et l’efficience des soins et des parcours, et une politique bien plus stricte en matière de réglementation et de taxation des produits néfastes pour la santé.

Cette stratégie permettrait de financer de façon bien plus importante la prise en charge d’actions de prévention et de promotion de la santé, source d’économies substantielles et durables. Nous refusons que les personnes malades, en situation de handicap, de précarité et l’ensemble de la population soient encore confrontés à des obstacles supplémentaires pour se soigner !

Nous demandons une approche plus équilibrée et plus solidaire pour garantir l’accès aux soins pour tous, sans discrimination financière. La santé est un droit fondamental, et il est de notre devoir de protéger ce droit pour toutes et tous.

Les premiers signataires : Marie-Andrée Blanc, présidente de l’UNAF ; David Fiant, président de Vaincre la mucoviscidose ; Nadine Herrero, présidente de la Fnath ; Nathalie Mesny, présidente de Renaloo ; Daniel Nizri, président de la Ligue nationale contre le cancer ; Gérard Raymond, président de France Assos Santé ; Pascale Ribes, présidente de l’APF France Handicap ; Marie-Amandine Stévenin, présidente de UFC- Que choisir ; Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM Téléthon ; Mathé Toullier, présidente de l’AFVS.